PhosAgro, au coeur du phosphate russe « zéro cadmium »
Le fabricant russe, troisième producteur mondial de roche phosphatée, jouit d'une matière première concentrée et sans cadmium. Il possède un bureau à Bayonne depuis 2016.
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Il faut vouloir franchir le cercle polaire, rouler sur les terres grises et sableuses du nord de la Russie, en traverser les cités ouvrières, et finalement s'accrocher à son siège dans des engins lancés à toute allure sur des pistes chaotiques, pour finalement atteindre le gisement apatitique de Khibiny. Là, à Kirovsk, dans la péninsule de Kola, pas très loin de Mourmansk ni de la frontière finlandaise, au coeur d'un ancien volcan, se trouve l'un des gisements de phosphate les plus riches au monde. Ouvert en 1929, il est exploité à travers une mine à ciel ouvert, mais aussi une souterraine. Avec une capacité d'extraction de roches phosphatées de 8,5 Mt/an, il confère à PhosAgro la place de 3e producteur de roches phosphatées au monde (hors Chine). Le Russe se dit même « le plus grand producteur de roches phosphatées de haute qualité » avec ce gisement, revendiquant une des plus grandes concentrations en phosphate (39 % contre une moyenne de 35,7 %) et une des plus faibles teneurs en cadmium (moins de 0,2 mg/kg P205).
Un tiers du DAP en France
Cela semble un atout de taille quand l'Union européenne s'apprête à fixer une limite à 60 mg Cd/kg pour descendre progressivement à 20 mg. « C'est plutôt un argument pour demain, tempère Florian Cloarec, directeur de PhosAgro France. Pour le moment, hormis certains marchés (Blédina, Danone) ou pays (Suisse), les clients ne sont pas prêts à le payer. Le "zéro cadmium", aujourd'hui, je ne le markète pas. » PhosAgro milite surtout pour une suppression des taxes européennes à l'importation des engrais, actuellement à hauteur de 6,5 % pour les DAP, MAP, NP, NPK en provenance de Russie, contre 0 % pour le Maroc.
Entreprise à intégration verticale, la roche phosphatée est ensuite acheminée à Cherepovets, à 500 km au nord de Moscou. Sur ce gigantesque complexe azoté et phosphorique employant 4 000 personnes, dont la premièremise en service date de 1970, les lignes de production de DAP, de MAP, de NPK... sont séparées de plusieurs kilomètres de celles d'urée et d'ammoniac.
PhosAgro se présente aussi comme le 3e producteur mondial de DAP. D'ailleurs, un tiers du DAP consommé en France est signé PhosAgro. « Avec 90 000 t, auxquelles il convient d'ajouter 15 000 t à travers la Belgique, nous représentons un tiers du marché total français (qui est de 282 000 t, selon l'Unifa). » Une prise de position assez récente accentuée par la création à Bayonne de PhosAgro France en 2016. Cette filiale française de distribution rayonne aussi sur l'Espagne et la Belgique avec quatre commerciaux au total. En 2017, elle a commercialisé 320 000 t d'engrais dont la moitié en France et prévoit de dépasser les 400 000 t en 2018. Elle fournit de la matière première aux industriels, mais ses ventes sont de plus en plus orientées directement vers la distribution (à 80 % ces derniers mois).
« Logique de supermarché »
Les engrais, chargés en Finlande (urée) ou en Estonie (NPK, MAP, DAP), arrivent à Gand (Belgique), à Bayonne (1er port français pour le DAP), Bordeaux, Rouen, Rochefort, ou des petits ports en Bretagne, et demain à La Pallice. Ce qui fait la différence avec ses concurrents, EuroChem ou OCP ? « C'est d'arriver à panacher sur des petits bateaux, à faire du sur-mesure dans les petits ports. Il y a un intérêt clair pour le distributeur à prendre un navire de 5 000 t avec trois produits différents. C'est aussi la tendance de la distribution : la gestion en bon père de famille, les achats en petits volumes pour couvrir les risques. Un bon acheteur aujourd'hui, il saucissonne. » PhosAgroFrance revendique d'être dans une logique de supermarché : « Ça ne me dérange pas de vendre 25 t à un client. En cumulant de faibles volumes, on arrive parfois à des niveaux qu'on n'aurait jamais réussi à faire en une seule fois. »
Renaud Fourreaux
Que ce soit à ciel ouvert ou en souterrain, le gisement de Kirovsk revendique la plus faible teneuren cadmium (moins de 0,2 mg/kg P2O5) parmi l'ensemble des sources mondiales de phosphates.
4 000 salariés oeuvrent sur le complexe azotéet phophorique de Cherepovets.
Quelques vestiges du communisme, à Kirovsk.
La concentration de la roche(39 % de P2O5) est contrôlée.
A Cherepovets, la capacité de production d'engrais phosphatés atteint 4,3 Mt/an.
Les différentes unités azotées produisent 1,5 Mt/an d'urée granulée et perlée.
R. FOURREAUX
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