Login

VU À L'ÉTRANGER Brim silo art : redonner vie avec un silo haut en couleur

La fresque est devenue une référence de l'art contemporain et un incontournable des tours-opérateurs.C. DEQUIDT

Après le street art, le silo art ou comment trouver une nouvelle vocation à un silo pour en faire un centre de profit pour tout un village. La preuve en Australie, à Brim.

Vous devez vous inscrire pour consulter librement tous les articles.

Nous sommes à Brim, dans le comté de Yarriambiack à l'ouest de l'Etat de Victoria, en Australie. Dans ce coin désert où le réchauffement climatique est sensible, le tourisme inexistant et où la logistique coûte cher pour la transformation ou la vente des produits, toute vie économique semble vouer à l'échec. « Une année sur trois, les rendements de blé sont inférieurs à 1 t/ha, se désole Peter Colbert, céréalier, éleveur de moutons. Les jeunes quittent la campagne, faute de pouvoir y vivre décemment. Nous avons du mal avec nos débouchés, car loin de tout. »

Une fresque géante

Dans ce contexte difficile, Ray Kingston, responsable du silo Grain Corp et fabricant d'aliment du bétail, n'envisageait pas sereinement l'avenir. « Les années se ressemblaient toutes, avec des sécheresses à répétition. Nous allions vers la fermeture du silo et des difficultés pour les agriculteurs qui nous faisaient confiance. » Maire du village et passionné par l'art contemporain, il rencontre en 2012 l'artiste Juddy Roller, spécialiste des arts de la rue, à qui il fait part de ses craintes de voir sa commune disparaître. Les deux hommes d'une génération différente ont un point commun, ils sont persuadés que l'art peut être au service des activités économiques. Leurs discussions les amènent à évoquer ses silos. L'idée d'une fresque géante naît. Faire de Brim, un centre d'intérêt touristique pour que le flux des touristes amène à la population locale un débouché pour ses productions agricoles (blé et viande de boeuf ou de mouton) devient une réalité. Vu l'immensité du projet, Juddy Roller pense à l'un de ses amis, le peintre Guido van Helten, de Brisbane. Celui-ci adhère aussitôt au projet. « Il fallait être à la fois créatif mais aussi toujours avoir en tête la réussite économique et le respect des agriculteurs, précise l'artiste. Les personnages de la fresque sont des locaux qui m'ont fait confiance. »

Trouver des financements

Ray a bien conscience de l'énormité du projet : « En 2014, demander à la population de mettre la main à la poche après deux années de sécheresse était impossible. » Il se tourne vers les autorités de l'Etat de Victoria. « Nous touchons pleinement les trois piliers du développement durable, prendre en compte l'économie, les aspects environnementaux et sociétaux sur le long terme. Dans un pays totalement libéral, de nombreuses personnalités politiques cherchent des moyens pour préserver le revenu des agriculteurs durant la période de sécheresse. Investir sur le long terme avec cette fresque géante qui va pouvoir déplacer des touristes du monde entier et faire vivre la population sur plusieurs décennies leur a plu », plaide-t-il. L'Etat et le fonds de sécheresse lui ont accordé 320 000 $ australiens (220 000 €). Cette aide a ensuite été complétée par plusieurs entreprises privées comme Grain Corp, Elders, Taubmans, Loop.

Réouverture de l'hôtel

La réalisation de la fresque peut commencer. Parallèlement, le dernier hôtel de Brim qui avait déposé le bilan en 2012, entame sa renaissance. « Nous l'avons restauré, se rappelle Carmel Holland, agricultrice, et mis en service peu avant l'inauguration de la fresque en décembre 2015. » Le succès a alors été immédiat, le « Brim silo art » est devenu une référence de l'art contemporain. Les tours opérateurs en ont fait un incontournable pour la région, derrière la « Great Ocean Road ».

De surcroît, l'hôtel de Brim affiche un taux d'occupation supérieur à 80 % entre janvier et septembre 2016. « J'espère que le pari sera gagné sur le long terme », se réjouit Ray Kingston. « Pour nous, ce projet est une réponse à la sécheresse, confie Carmel Holland. Guido van Helten nous a redonné de la fierté, de l'audace et du courage dans notre travail. »

Le silo art fait des émules

Cette initiative a fait des émules dans la communauté artistique de Melbourne et d'Adélaïde. Cinq silos abandonnés dans d'autres communes avoisinantes telles que Rupanyup, Roseberry, Sheep Hills, sont en cours de restauration avec des oeuvres complémentaires dans un rayon de cinquante kilomètres. Guido van Helten, l'auteur de la fresque ne veut pas en rester là. « Ce silo doit être vu partout dans le monde », clame-t-il. Son rayonnement a d'ailleurs déjà dépassé les frontières puisque l'artiste a signé la réalisation d'une autre fresque de cette ampleur en Espagne.

Christophe Dequidt

Ray Kingston, responsable du silo Grain Corp, à l'origine du projet : « Faire vivre nos campagnes est un objectif majeur en Australie. »

C. DEQUIDT

Pour l'agricultrice Carmel Holland : « Le projet nous a permis de refaire vivre un hôtel et de valoriser les débouchés de la ferme. »

C. DEQUIDT

« Une année sur trois les rendements de blé sont inférieurs à 1 t/ha », se désole Peter Colbert, céréalier, éleveur de moutons.

C. DEQUIDT

A découvrir également

Voir la version complète
Gérer mon consentement