Pourquoi la production de pois et de féverole ne décolle toujours pas
Malgré une volonté politique de déployer les protéines végétales, la profusion de start-up promettant des débouchés et une innovation variétale dynamique, les surfaces de protéagineux continuent de reculer.
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1 Des rendements insatisfaisants
Malgré une demande croissante du marché et un budget du Plan protéines de 120 M€, la filière est en difficulté. « Aujourd’hui, on est à 137 000 ha de pois et 68 000 ha de féverole, soit un recul respectif de 32 et 15 % par rapport à 2021, constate Laurent Rosso, directeur de Terres Inovia. C'est le résultat d’une hausse du prix des productions concurrentes, les céréales et les oléagineux, et des rendements insatisfaisants liés à la pression climatique et sanitaire. » Par ailleurs, la production de pois a eu tendance à migrer ces dernières années des zones à potentiel élevé vers les zones intermédiaires, plus exposées à la sécheresse et où l'itinéraire technique nécessite d'être adapté.
2 Un manque de matières actives
« Le retrait des matières actives pèse sur notre schéma de production », analyse Gilles Robillard, président de Terres Inovia. Sans alternatives efficaces et avec une innovation restreinte, car ce sont de « petits marchés », générant peu de R&D en intrants, la filière se retrouve dans l'impasse, notamment face à la bruche dont les dégâts s'intensifient. Malgré les avancées de la recherche pour améliorer le rendement et la qualité, les agriculteurs ont perdu confiance. « Ces cultures, on les sème, mais on n’est pas sûr de les récolter, déclare-t-il. Les exploitants finissent par les délaisser. »
3 De nouvelles variétés peu utilisées
Depuis deux ans, le nombre d'inscriptions en pois et féverole n'a cessé d'augmenter avec 18 variétés proposées au catalogue français en 2021. Un renouvellement variétal dynamique qui, malgré les efforts de la filière, peine à arriver jusqu'au champ, avec des nouvelles semences encore trop peu utilisées. « En pois, la tentation d’investir est a minima parce qu’on ne sait pas les retombées. Aujourd'hui, on a des insecticides qui coûtent le triple et on sait que ni le rendement ni le prix ne vont exploser. Donc ces semences représentent des charges supplémentaires et il y a un arbitrage qui s’opère chez l’agriculteur », explique Fabrice Moulard, secrétaire de la Fop.
4 Une prise de risque peu valorisée
Le pois et la féverole sont insuffisamment valorisés face aux productions concurrentes. « Si à l’instant t, on voit du blé autour de 300 €/t, il faudrait que le pois se situe entre 400 et 450 €/t, et le colza autour de 600 €/t. Alors que souvent les contrats sont basés sur le prix du blé, il faudrait qu’ils se rapprochent de celui du colza. Il faudrait également rémunérer la qualité en protéine sous forme de contractualisation », suggère Fabrice Moulard. Les acteurs de la filière s’accordent à dire qu’il faut accompagner cette prise de risque en attribuant, par exemple, une valeur économique aux services écosystémiques rendus ou en valorisant mieux les crédits carbone. « Aujourd’hui, sur le marché volontaire du crédit carbone, le prix est autour de 35 €/t. Tout le monde s’accorde à dire que ce n’est pas une rémunération suffisante et qu’elle ne suffira pas à encourager la mise en place de nouvelles pratiques, elle doit être associée à d’autres types de rémunérations », constate Aline Lapierre, consultante manager chez Agrosolutions.
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