Grains L’Ukraine plie mais ne rompt pas
Malgré la guerre, malgré la désorganisation des infrastructures, l’Ukraine maintient son rang à l’export. Mais la nouvelle campagne s’annonce davantage préoccupante avec une production affaiblie et des agriculteurs en manque de trésorerie.
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Entre le début de l’agression russe, le 24 février 2022, et fin février 2023, « l’Ukraine a quand même réussi à exporter presque 40 Mt de grains, ce qui est une performance assez exceptionnelle », a souligné Jean-François Lépy, directeur de Soufflet négoce by InVivo, lors de la 14e matinée export d’Intercéréales, mercredi 15 mars, à Paris. Et ceci malgré des infrastructures de stockage qui n’ont pas été épargnées. « Sur les 66 Mt de capacités de stockage (opérateurs logistiques et agriculteurs) que comptait l’Ukraine avant la guerre, 6,5 Mt ont été détruites et 2,9 Mt endommagées », indique-t-il. Mais 35 000 silo bags (soit un potentiel de 7 Mt de stockage) ont été fournis via des aides de l’Onu et de la FAO. Et surtout, la logistique s’est adaptée par une combinaison des flux terrestres et maritimes.
Des corridors qui fonctionnent
La mise en place du corridor maritime à partir des ports d’Odessa, Tchornomorsk et Pivdennyi (les trois ports constituant Big Odessa), réouverts en août dernier, a contribué à la moitié de cette prouesse, l’autre moitié ayant été assurée par les « lignes de solidarité », ces corridors terrestres (rail, route et ports du Danube) ouverts à travers la Pologne, la Hongrie ou la Roumanie. Au final, « l’Ukraine n’est pas très loin de son rythme d’avant-guerre ». Ce qui a largement participé à la détente des cours, qui sont passés, pour le blé tendre rendu Rouen par exemple, de 370 €/t début mars 2022 à 240 €/t mi-avril.
Des tensions à l’est de l’UE
Les perspectives pour la fin de campagne et la campagne suivante restent néanmoins incertaines. Le corridor a bien été renouvelé le 18 mars pour 60 jours, et après ? Et quelle pérennité pour les lignes de solidarité ? D’autant que les tensions grandissantes naissent sur les marchés agricoles des pays européens frontaliers. L’afflux de céréales ukrainiennes remplit en effet les silos de Pologne, Hongrie, Slovaquie et Bulgarie. Qui, après moultes frasques, ont obtenu l'autorisation de n'accueillir que la marchandise sûre d'être réexpédiée. Depuis le 1er juillet 2022, selon la Commission européenne, l’Ukraine a vendu 4,5 Mt de blé à l’Union européenne (contre 315 000 t l’an passé), 800 000 t d’orges et 11,8 Mt de maïs (+ 4 Mt sur un an).
En outre, le conflit a des conséquences diverses chez les acheteurs traditionnels de la France. En Algérie, la Russie, historiquement absente, progresse nettement à la suite de la modification du cahier des charges de l’OAIC en septembre 2021 et aux difficultés logistiques ukrainiennes. Au Maroc, malgré une demande forte à l’importation en raison d’une grave sécheresse en 2022, il n’y a pas eu d’achats de blé ukrainien (craintes logistiques) ni russe (non financé par les banques marocaines). Une situation qui bénéficie à la France qui, fin février, affichait 66 % de PDM vers cette destination. En Afrique subsaharienne aussi, peu de bateaux chargés de blé russe arrivent dans les ports, et encore moins de blé ukrainien.
Une production à nouveau en recul
Et pour la suite ? Où en sera le conflit cet été ? L’année prochaine ? En tout cas, côté production, l’UGA (association ukrainienne des grains) envisage une production de grains et oléagineux de 65 Mt en 2023 (dont 17,4 Mt de blé et 21 Mt de maïs). À comparer aux 106 Mt de 2021 et aux 73 Mt enregistrées en 2022. « Et 65 Mt, c’est un potentiel, plutôt un chiffre maximal s’il n’y a aucun problème climatique », tempère Jean-François Lépy.
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