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Export blé : une campagne en trompe-l'oeil ?

Si la France expédie actuellement du blé à tout va, n'est-ce pas qu'une illusion ? C'est la question posée par France export céréales, le 20 mars, lors de sa matinée d'informations.

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Quelle bonne surprise que la campagne export 2018-2019 ! Initialement chiffrées en septembre à 8,5 Mt, encore en février à 8,85, les prévisions d'exportations françaises de blé tendre vers pays tiers ont été revues très nettement à la hausse en mars par FranceAgriMer, à 9,5 Mt..., ce qui semblerait un minimum.

Les opérateurs travailleraient au-delà, certains à 11 Mt, ce qui n'est théoriquement pas possible au regard du bilan. Ou alors il faudra faire de gros ajustements, en introduisant moins de blé dans l'alimentation animale, au profit du maïs (ukrainien ?). Au 20 mars, lors de la matinée d'informations organisée par France export céréales, Christelle Tailhardat, vice-présidente du Synacomex, le syndicat du commerce des exportateurs, tablait sur un export français de 1,2 Mt pour le seul mois de mars, « sans surchauffe ». « Quand le blé est moins cher, on est capable de sortir la grosse artillerie. » « Le blé français, avec un millésime 2018 d'excellente qualité, affiche des prix très compétitifs sur le marché mondial en cette seconde partie de campagne, face à l'augmentation des cours de l'origine russe dont les disponibilités s'amenuisent », analyse FranceAgriMer. Sans compter une moindre présence que prévue de l'offre argentine et une parité euro/dollar un peu plus favorable. Moins réjouissant : la France est toujours ultra-dépendante de l'Algérie, qui concentre à ce stade plus de 60 % de l'export français vers pays tiers. Ce qui peut être fatal en cas d'arrivée des blés russes, laquelle « peut être imminente », selon Roland Guiragossian, chez France export céréales.

Certes, l'Afrique subsaharienne, le Maroc, la Tunisie et le Yémen sont de retour aux achats, mais Guillaume Jacquet, directeur industriel du Grand moulin du Cameroun, prévient : « La perception de l'offre française a été profondément modifiée. Il y a cinq ans, pour un différentiel de 10 €/t en défaveur du blé français, les opérateurs le choisissaient. Désormais, pour un écart de 5 €/t en sa faveur, les opérateurs auront tendance à choisir une origine mer Noire. » Et de demander de peaufiner davantage la sélection des mélanges variétaux avant le chargement des navires. À comprendre : blacklister certaines variétés qui ne correspondent pas à la panification en Afrique alors que les bateaux peuvent contenir désormais jusqu'à douze variétés différentes, en raison de la diversité génétique à l'oeuvre en France. Les acheteurs sont également en demande d'informations autres que le critère protéines, « loin d'être le seul ticket d'entrée », confirme Christelle Tailhardat, même s'il reste un prérequis quelle que soit la destination.

« Faut-il aller saupoudrer partout où les marchés sont en croissance, quitte à se contenter d'opportunités ? Ou la France a-t-elle intérêt à spécifier quelques qualités en consolidant les positions où elle est bien implantée ? », s'interroge finalement Rémi Haquin, président de FranceAgriMer. « Il n'y a pas de vérité absolue », répond Christelle Tailhardat, évoquant le rôle des multinationales de massifier et fluidifier le marché, et le rôle des sociétés nationales d'avoir une approche plus fine de leur clientèle, d'aller sur des marchés plus spécifiques et de travailler en direct avec les utilisateurs finaux. Et de terminer : « Il n'y a plus un modèle unique d'exportation ».

Renaud Fourreaux

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