Les matières premières en plein « contre-choc »
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Philippe Chalmin aura vécu, avec Cyclope, un cycle entier sur les marchés mondiaux de matières premières, « de l'ananas au zirconium ». « On publie ce trentième rapport dans une situation conjoncturelle qui rappelle à s'y méprendre celle qui prévalait lors de la sortie du premier rapport en 1987. Nous revivons la malédiction des matières premières et la montée des tensions commerciales entre les pays », lâche le coordinateur de l'ouvrage de référence sur les marchés, également professeur d'économie à l'université Paris-Dauphine. Et de confirmer : « Nous avons bien tourné la page de la flambée des cours de la période 2006-2014. Depuis, au-delà de la microconjoncture, l'ensemble des marchés a été marqué par une chute des prix extrêmement forte. » En 2015, mis à part le cacao, les amandes ou le lithium, presque tous les marchés se sont inscrits à la baisse.
« Il n'y a plus le discours ambiant sur la rareté, ce qui est probablement exagéré. » A la question de savoir si les planchers actuels vont tenir, Philippe Chalmin répond : « Soit on reste sur ces planchers relativement longtemps, soit on les crève. » Et d'ajouter : « A court terme, au-delà des aléas géopolitiques et climatiques, la plupart des marchés sont aujourd'hui marqués par des excédents. A plus long terme, je crois que nous sommes rentrés dans une période assez longue de prix durablement plutôt déprimés. » Du coup, c'est l'avis de tempête dans le monde du négoce des matières premières. « Il y a une terrible hémorragie dans le négoce international des grains », confirme François Luguenot, responsable de l'analyse des marchés chez InVivo, et auteur du chapitre céréalier du Cyclope. « C'est un euphémisme de dire que les entreprises ne se portent pas bien. » A l'image de Cargill qui pour la première fois de son existence a annoncé un plan de suppression de 4 000 emplois.
Quoi qu'il en soit, selon Philippe Chalmin, « il faudra du temps, ça peut durer une quinzaine d'années, pour retrouver la conjoncture forte de la période 2006-2014. On sous-estime toujours la capacité de résilience des producteurs (toutes matières premières confondues) à des prix faibles, avant d'avoir des phases de désinvestissement ou un choc venant de la demande ». Choc qui pourrait venir cette fois-ci de l'Inde, même si le pays a un rôle marginal sur les marchés.
François Luguenot tempère : « En agriculture, ça peut basculer très vite d'une année sur l'autre », même s'il constate que les stocks céréaliers sont équivalents à ceux connus dans les années quatre-vingt. « Dire que les prix vont continuer à être à la traîne cette année, oui peut-être, mais on ne peut pas se projeter dans cinq ou quinze ans. »
Renaud Fourreaux
(1) Cyclope 2016, « Les Marchés mondiaux - A la recherche des sommets perdus », Editions Economica (830 pages), 139 €. Rens. www.cercle-cyclope.fr
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