Ecophyto : l’indicateur bouge, la séparation patine
Le gouvernement a promis l’abandon du Nodu au profit de l’indicateur HRI-1, ainsi que du conseil stratégique phytosanitaire dans sa forme actuelle. Quant à la séparation conseil et vente pour les produits phytosanitaires, Emmanuel Macron semble camper sur sa position.
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Samedi 24 février, lors de l’ouverture tumultueuse du Salon de l’agriculture, la question du conseil stratégique phytosanitaire est arrivée sur la table pendant les échanges entre le président de la République et les agriculteurs. Après avoir rappelé sa volonté de le suspendre, Emmanuel Macron a déclaré : « Ce n’est pas celui qui vend le phyto qui peut accompagner, ça, ce n’est pas vrai parce que ça s’appelle un conflit d’intérêts. » Est-ce à entendre que la séparation du conseil et de la vente de phytos doit persister ?
De son côté, ces dernières semaines, la profession voyait plutôt les signaux au vert. Le report de la présentation du PLOA (Pacte et loi d’orientation agricole), qui est en train d’être étoffé, laissait envisager que le texte puisse servir de véhicule législatif pour faire évoluer la réforme. Une nécessité réclamée par beaucoup. Ces derniers mois, la mission flash des députés Stéphane Travert et Dominique Potier puis la mission parlementaire sur Ecophyto pilotée par le second et Frédéric Descrozaille ont tiré à boulets rouges sur la séparation. Même le ministre de l’Agriculture l’avait reconnu.
Difficile de se projeter
« Il faut tranquillement se dire que quand quelque chose ne marche pas, cela ne marche pas. Cela partait des meilleures intentions. D’autant plus que j’assume moi-même l’erreur puisque je l’ai voté », a déclaré Marc Fesneau le 16 janvier au Sival, à Angers. Concernant les déclarations d’Emmanuel Macron, Antoine Hacard, président de La Coopération agricole Métiers du grain, indique : « J’ai cru comprendre qu’il ne souhaitait pas rendre le conseil de préconisation aux vendeurs. Bien sûr, je suis insatisfait. La loi est inadaptée, inapplicable et crée une forte insécurité juridique pour nos entreprises. » Pour autant, pas de résignation : « On va continuer à porter la nécessité de revenir sur la séparation. »
Quant au CSP, s’il est abandonné dans sa forme actuelle, le président de la République est resté flou pour la suite : « Aujourd’hui, on a mis un truc, c’est vrai, une usine à gaz, c’est trop compliqué, ça a un coût. Donc je dis, on arrête cette formule, ce n’est pas la bonne. […] Et filière par filière, territoire par territoire, on va chercher la bonne méthode. Il y a peut-être des endroits où ça va être la coopérative, il y a d’autres endroits, ça va peut-être être la chambre d’agriculture. D’autres endroits, on va peut-être accompagner directement, mais il faut que sur ce contrat d’avenir, il y en a qui ont parlé de ça tout à l’heure, il y ait le programme phyto qui soit fait et qu’il y ait quelqu’un qui vous accompagne. » Difficile de se projeter avec ces bribes d’information…
« Qu’est-ce qu’ils vont mettre en place maintenant ? », s’interroge, sceptique, Olivier Bidaut, à la tête de commission Agrofourniture de la FNA. « “Arrêt dans sa forme actuelle” ne veut pas dire qu’il n’y aura plus de conseil stratégique. » Si le négociant se réjouit de la nouvelle, il s’interroge sur le cadre européen. « Le règlement SUR, mis en pause ou enterré, on ne sait pas trop, prévoyait un conseil obligatoire par an. » De fait, l’avenir du texte interroge. Le règlement devait prendre la suite de la directive SUD sur l’utilisation durable des pesticides. Après d’âpres débats et un vote contre des eurodéputés en novembre, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a annoncé son retrait le 6 février.
Biocontrôle et périodes de référence
L’autre grande nouvelle pour le plan Ecophyto, c’est le changement d’indicateur, comme l’a confirmé le Premier ministre Gabriel Attal le 21 février : « L’indicateur de référence pour suivre notre objectif de réduction ne sera plus le Nodu franco-français mais bien l’indicateur européen. » À savoir, le HRI-1, pour indicateur de risque harmonisé, qui correspond à la somme des quantités de substances actives vendues en année N, pondérée par les coefficients liés à leur classification.
Matignon met en avant une meilleure prise en compte par le HRI-1 de la dangerosité des substances actives, pour laquelle la réduction a été plus importante. Le chemin parcouru serait donc plus important avec le HRI-1 par rapport au Nodu, mais le point d’arrivée équivalent, les deux ne mesurant pas la progression de la même façon. Plusieurs questions restent en suspens, le cabinet ayant indiqué sans plus de précisions que des réflexions sont en cours sur le choix de la période de référence, qui sera le point de départ, et de la prise en compte, ou non, des produits de biocontrôle dans le calcul.
Si la profession agricole s’en réjouit, les associations environnementales et la Fnab, représentant les agriculteurs bio, regrettent ce choix. « Casser le thermomètre ne fera pas baisser la fièvre », s’insurgeait dans un communiqué le 12 février sept ONG (dont FNE, WWF et Générations futures). Dans un article très complet publié en ligne sur The Conversation, des membres du Comité scientifique et technique du plan Ecophyto travaillant à l’Inrae, l’OFB ou encore au CTIFL, font le point sur les différents indicateurs. En conclusion, ils alertent sur « la nécessité de conserver un indicateur prenant en compte les doses d’usage, tel que le Nodu ».
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