EPI phytos Prêts à porter le bon conseil
Dans la boîte à outils pour réduire le danger des phytos pour l'utilisateur, il y a les équipements de protection individuelle (EPI). Mais il est souvent difficile de s'y retrouver pour les agriculteurs qui comptent sur leur distributeur pour les éclairer. Alors, prêts à porter le bon conseil pour trouver la combinaison gagnante ?
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Février 2015. Alors que certains finissent de dévaliser les magasins de prêt-à-porter, il s'agit maintenant pour les agriculteurs de bien s'habiller pour aller traiter. Nul besoin de le rappeler, les produits phytosanitaires ne sont pas des produits anodins, et bien se protéger permet à l'utilisateur de réduire le danger lié à leur utilisation. Depuis plusieurs années déjà, l'ensemble de la filière, des syndicats agricoles aux firmes, en passant par les coopératives, négoces et la MSA, se mobilise pour communiquer sur le sujet. On se souvient par exemple de la campagne de sensibilisation sur les mains, intitulée « Un tel outil de travail, ça se protège ». Mais malgré les actions menées et les messages de prévention réitérés, la marge de progression sur les taux d'équipement reste importante. Si les gants sont portés par 86 % des agriculteurs, seuls 50 % déclarent porter une combinaison ou un tablier spécifique, selon notre sondage ADquation-Agrodistribution (infographie p. 26).
Des taux d'équipement à améliorer
Des résultats qui, il est vrai, ont progressé depuis quelques années. « On a vu une hausse importante après la mise en place du Certiphyto », observe Emeric Oudin, directeur général d'Axe-environnement, société auboise commercialisant des EPI. « On estime que sur nos 8500 adhérents, environ 2 200 achètent des EPI chez nous, chiffre François Do Nascimento, responsable de l'équipe conseillers services, chez Vivescia. Sachant que d'autres les achètent en ligne, chez un concessionnaire, ou grâce à des commerciaux qui passent à domicile et qui proposent, entre autres, des EPI phytos. »
Et pourtant, concernant leur santé en lien avec les produits phytosanitaires, les agriculteurs se sentent livrés à eux-mêmes. Plus d'un tiers estiment en effet que « personne » ne s'implique dans ce domaine, révèle notre sondage ADquation (infographie p. 25). Arrive ensuite, la MSA, à 22 %, qui perd toutefois 18 points par rapport à 2011. Laure Blanpied, conseillère en prévention des risques professionnels à la MSA Marne-Ardennes-Meuse, avance une explication : « Avant la mise en place du Certiphyto en 2010, nous étions l'intervenant principal pour sensibiliser les agriculteurs à la protection de la santé vis-à-vis des phytos.
Depuis, selon les caisses régionales des MSA, des relais ont été formés, par exemple dans les chambres d'agriculture ou les coopératives pour réaliser les formations Certiphyto. Ce qui explique que notre implication semble moins visible. »
Un sujet complexe et anxiogène
Rien n'est simple. Ni pour la filière, avec des références nombreuses non spécifiques au monde agricole, une absence de recommandations officielles uniques et pratiques, même si cela va venir (lire le témoignage de Thierry Mercier, de l'Anses, p. 24), et des flous réglementaires, comme pour les combinaisons de travail en coton polyester avec traitement déperlant, recommandées par l'Anses mais non certifiées, même si, là aussi, c'est en cours. Ni pour les agriculteurs, car il s'agit de leur santé, avec des équipements jugés contraignants, inconfortables, pas forcément évidents à choisir, et pour lesquels l'efficacité en matière de protection pour les produits phytosanitaires est parfois sujette à caution. « Ma crainte, c'est que les agriculteurs se disent, "ce n'est pas la panacée alors autant travailler à mains nues" », confie Paul François, agriculteur en Charente et président de l'association Phyto-Victimes.
Sans compter les problèmes d'image vis-à-vis des riverains. En tout cas, il est clair que les agriculteurs attendent la distribution agricole dans ce domaine. Ils sont 20 %, selon notre sondage (p. 25), à estimer qu'elle s'implique le plus dans la protection de leur santé, quasiment au même niveau que la MSA (22 %). De même, les coops et les négoces sont jugés mobilisés et compétents sur les EPI phytos : 77 % des répondants sont d'accord (dont 40 % tout à fait d'accord) pour dire que leur distributeur encourage le port d'EPI, et 83 % déclarent leur technicien principal compétent. « En premier lieu, on s'adresse à sa coopérative ou son négoce », estime Fabienne Gisselbrecht, technicienne régionale de prévention à la Direccte Lorraine (direction régionale du Travail).
Former magasiniers et TC
En pratique, chez les distributeurs, cette mission passe par le technico-commercial, mais surtout par le magasinier au dépôt. Chez Vivescia, « nous avons formé 120 magasiniers : présentation des différents EPI, comment les mettre en avant, comment inciter l'agriculteur à les porter », relate François Do Nascimento. Les TC sont aussi sensibilisés, lors des lancements de campagne. Et tous ont à disposition des guides avec des préconisations, sans oublier les rappels adressés aux adhérents. « L'art de communiquer, c'est l'art de répéter », résume François Do Nascimento. La Scael, coopérative d'Eure-et-Loir, a choisi de développer des ateliers de sensibilisation (p. 30), et AEP, filiale des Ets Bernard, dans l'Ain, a ouvert une boutique en ligne (p. 31). Bien porter les bons EPI, c'est bien, mais ce n'est pas le seul moyen de réduire le danger, « surtout qu'on voit bien la complexité de les porter », abonde Paul François qui souligne qu'il faut aussi travailler sur les produits phytos, pour qu'ils soient « plus faciles à manipuler et moins dangereux ». La cabine de tracteur s'avère aussi une barrière de protection efficace. Sans oublier en premier lieu que moins traiter, c'est moins s'exposer.
DOSSIER RÉALISÉ PAR MARION COISNE
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