CEPP Le compte à rebours est lancé
Première mesure coercitive du plan Ecophyto, les CEPP, certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques, s'appliqueront à partir du 1er juillet 2016. Coopératives et négoces agricoles, en première ligne, ont cinq ans pour se saisir du sujet. 2021 sonnera l'heure des comptes.
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Tenter de décrypter le dispositif des certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques, c'est un peu comme faire face à un énorme sac de noeuds. Idées reçues et incompréhensions prédominent chez les interlocuteurs, et même les réponses des concepteurs du dispositif sont parfois sibyllines. Pourtant, l'enjeu est de taille : les CEPP sont la première mesure coercitive du plan Ecophyto, avec des pénalités non négligeables à la clé pour la distribution, si les objectifs ne sont pas atteints. Le dispositif a été évoqué pour la première fois en juin 2013, dans un rapport sur l'agroécologie commandité par le ministère de l'Agriculture.
Toujours pas de décret fin mai
Marion Guillou le comparait alors aux certificats d'économie d'énergie (CEE), créés en 2005, pour l'appliquer aux vendeurs de phytos. Dans les CEE, les vendeurs d'énergie, les obligés, doivent vendre des économies aux consommateurs d'énergie. Avec les CEPP, les obligés sont les distributeurs de phytos, et les consommateurs, les agriculteurs. Après le rapport Guillou, la loi d'avenir agricole a été votée à l'automne 2014, et l'expérimentation des CEPP sur cinq ans inscrite dans le marbre. Un an plus tard, une ordonnance est venue préciser le dispositif, qui entre en vigueur au 1er juillet prochain. Soit demain ! Et ce, alors même que le décret devant préciser son fonctionnement n'est pas encore publié. Un projet de décret a tout de même été soumis à consultation publique du 27 avril au 18 mai, et fin mai, le ministère passait en revue les commentaires. Il devra ensuite être validé en Conseil d'Etat, avant publication. Les informations contenues dans ces pages sont donc basées sur l'ordonnance et le projet de décret, et peuvent encore évoluer. Si les textes sont succincts, ils lèvent le voile sur une bonne partie du dispositif (lire p. 28-29).
Pourquoi ce timing si serré ? Dire que les discussions autour des CEPP ont fait l'objet de vifs débats serait un euphémisme. Toute la profession agricole - ou presque - s'est rangée aux côtés des coops et négoces pour faire bouger (voir annuler) le dispositif. Bilan : une pénalité passée de 11 €/certificat manquant à 5 €, et surtout, au niveau du plan Ecophyto, une prise en compte de la baisse des impacts des produits phytos, et non plus seulement des usages, avec de nouveaux indicateurs de suivi. « Depuis janvier dernier, il y a eu une reprise du dialogue avec le ministère de l'Agriculture », relate Sébastien Picardat, à la tête de la Fédération du négoce agricole. Cela dit, « tant que le décret n'est pas encore sorti on restera vigilant », alerte Vincent Magdelaine, directeur de Coop de France-Métiers du grain. Les deux organisations ont aussi déposé un recours en annulation contre l'ordonnance devant le Conseil d'Etat, sur lequel ce dernier n'a pas encore statué.
Toute la filière impactée
En pratique, si l'entrée en vigueur est dans moins d'un mois, la date à retenir est 2021, car c'est dans cinq ans que les comptes seront faits, et que le couperet des amendes tombera le cas échéant. « Le dispositif va se caler au fur et à mesure, analyse Vincent Magdelaine. En gros, on a cinq ans pour le mettre en place. » En résumé, les distributeurs doivent obtenir un certain nombre de certificats d'économie de phytos. Cet objectif correspond à l'équivalent de 20 % des ventes de phytos. Il y a trois moyens d'obtenir les certificats. Primo, la voie « normale » : en mettant en place des actions standardisées de réduction de phytos dans les exploitations, par exemple la vente de produits de biocontrôle, un abonnement à un OAD... Secundo, un distributeur peut acquérir des certificats auprès d'éligibles (chambres et conseillers indépendants), qui auraient mis en place lesdites actions. Tertio, en acquérant des CEPP en 2021 auprès d'autres obligés. Ces deux dernières voies étant techniquement à la marge.
Au coeur du dispositif, il y a donc les fameuses actions standardisées, résumées dans des fiches (lire p. 26). Actions que sont invités à proposer les coops et négoces, l'occasion de valoriser des pratiques déjà en place. Car s'il est vrai que c'est une nouvelle contrainte à intégrer, elle peut être génératrice d'opportunités pour qui saura s'en saisir (lire p. 30-31). Et si la distribution agricole est en première ligne, les CEPP vont impacter toute la filière agricole. Le dispositif est complexe et pas encore complètement calé, et il faut espérer que sur le terrain, il ne soit pas trop lourd à utiliser. Comme le disait Vincent Magdelaine en février 2015 : « Les CEPP, c'est compliqué en cuisine, mais simple en salle. On peut créer un système intelligent, si on ne tombe pas dans des chausse-trappes. »
DOSSIER RÉALISÉ PAR MARION COISNE
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