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Emploi Attirer les talents

Yasmina Bousraou Koubaa, DRH du groupe Arterris (Aude), devant les toutes nouvelles affiches de sa campagne de recrutement programmée jusqu'à 2018.L. LECARPENTIER

Le recrutement demeure souvent un sujet préoccupant. Des marges de progrès existent toutefois en structurant mieux la démarche, en anticipant par l'alternance, en innovant et en donnant envie aussi bien de rejoindre l'entreprise que d'y rester. Le concept de marque employeur fait son chemin.

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Un van bleu avec, à l'intérieur, trois jeunes ayant la pêche. Et quelques centaines de followers pistant leurs aventures champêtres de la ville rose à la Camargue. Il fallait oser. Arterris l'a fait (lire p. 32). Le groupe coopératif occitan a pris le parti d'investir l'univers des jeunes générations. Une communication décalée pour booster l'image d'un groupe qui a de gros besoins en recrutement d'ici à deux ans. Cette opération originale et innovante va-t-elle émerger et porter ses fruits dans un univers agricole où le recrutement reste toujours un problème constant ? Car comment donner envie à des candidats potentiels, à des nouveaux profils, de désirer croiser leur route avec celle de coopératives ou négoces agricoles, souvent mal connus et dont certains sont au fin fond des campagnes ?

A écouter Olivier Bas, vice-président d'Havas-Paris, lors d'un séminaire des DRH de la coopération agricole, « si une entreprise veut émerger sur le marché de l'emploi, elle doit être très créative ». Et il insiste en ajoutant que « pour surprendre, il faut des actions décalées qui soient dans les codes des jeunes ». Mais point trop n'en faut, car derrière la promesse vendue, il s'agit de tenir la route, d'être crédible dans son discours. Si le candidat se rend compte que le message porté n'est pas concrétisé dans les faits, il pourrait faire demi-tour. « Ne pas faire des opérations qui ne sont que du marketing. Les jeunes ne sont pas dupes. »

Faire du buzz

Pour accrocher les candidats potentiels, de plus en plus d'entreprises optent pour une communication originale et surtout une communication de preuves, et non plus de déclaration « dont le candidat n'a plus rien à faire ». « Il lui faut de la démonstration, sinon il n'y croit pas, ajoute Olivier Bas. La plupart des grands groupes repensent tout leur processus de recrutement. Aussi bien dans la manière de contacter le candidat que dans la manière de lui répondre. La réponse à une candidature, acceptée ou non, est très importante, car le candidat va diffuser l'information. » Le secteur agricole n'échappe pas à ce renouveau. A l'image d'Arterris ou encore de Vivescia qui est en train de travailler à une politique de recrutement et d'intégration des cadres.

Désormais, l'innovation doit être au rendez-vous, avec l'ère de la digitalisation qui bat son plein. Les témoignages qui suivent dans ce dossier le démontrent bien, même pour les petites entreprises. Dans le négoce agricole, elles peuvent s'appuyer sur le travail de la FC2A qui a mis en ligne une page Viadeo et Linkedin avec jusqu'à 1 800 visiteurs sur Viadeo pendant la campagne des Rendez-vous métiers du commerce agricole et agroalimentaire. Des idées peuvent être piochées dans les autres secteurs de l'économie. Ikéa a utilisé, avec succès, ses propres fiches de montage comme canal de recrutement du personnel pour un de ses magasins. Chez Michel et Augustin, « ça buzz à fond », avec des vidéos originales dont une montrant la DRH en train d'écumer les rames du métro parisien pour recruter, ceinte d'un tablier et sa pile d'offres d'emploi à la main. Un grand brasseur fait aussi le buzz avec une vidéo déroulant des entretiens d'embauche pas comme les autres. Des candidats présélectionnés ont été confrontés à des situations de vie particulières, tels un malaise du recruteur ou un exercice de secours des pompiers. « C'est la personnalité, le comportement qui intéresse », relate Olivier Bas. D'autres vont amener les candidats potentiels au coeur des métiers par des vidéos appropriées ou du vécu terrain.

L'ère de la marque employeur

Par ces opérations hors normes, c'est l'image de l'entreprise qui est travaillée. C'est un critère devenu essentiel. Ainsi, Quentin, élève de BTS, le soulignait bien lors du job dating de Négoce Ouest au Space de septembre dernier : « L'image qu'a l'entreprise est importante pour moi, surtout sa façon de travailler avec les agriculteurs. » Le consultant d'Havas-Paris estime que le secteur agricole, et notamment « les coopératives ne mettent pas assez en avant leurs atouts dans un contexte où l'on parle d'économie circulaire, de modèles alternatifs ». Et de faire un avantage le fait d'être en zone rurale. Le concept de marque employeur, dont l'objectif est de travailler son image à l'égard des salariés actuels et potentiels, est en route dans le secteur. Arterris est en plein dedans, le Groupe d'aucy s'y engage également (lire p. 30). Ces sujets sont discutés au sein du club des DRH monté par Coop de France, il y a deux ans et demi, et qui réunit une vingtaine de personnes bénéficiant de la contribution d'intervenants extérieurs.

De même, le concours « Inventez les coopératives agricoles de demain ! » qui met les étudiants à contribution a été créé pour leur faire découvrir les spécificités du modèle coopératif agricole tout en les motivant autour d'un projet innovant. « Pourquoi ne pas aller chercher ces jeunes pour nous aider à communiquer sur nos process de recrutement ? », s'interroge Florent Varin de l'Institut de la coopération agricole.

Ecouter les attentes des jeunes

Pour construire son image, tout est bon à prendre. Comme cette entreprise qui a inscrit sur le packaging de ses jus de fruits : « 0 réunion après 18 heures ». Plusieurs grands groupes comme LVMH, Axa, Michelin ont d'ailleurs signé, en décembre 2013, une charte du ministère des Droits des femmes sur « quinze engagements pour l'équilibre des temps de vie » et qui, entre autres, stipule l'arrêt des réunions après 18 h. Cette notion d'équilibre « vie pro-vie perso » est un des éléments phares pour la jeune génération. Selon Olivier Bas, 85 % des jeunes choisissent un métier par passion et non par raison. Une étude réalisée dans plusieurs pays et aussi en France met l'accent sur trois attentes essentielles d'un jeune : un bon niveau de rémunération, une certaine sécurité de l'emploi (pour cinq à huit ans) et la qualité de l'ambiance de travail. D'autres facteurs importants jouent aussi tels que le sens donné au travail et la place laissée à la vie personnelle. Tout en sachant que la jeune génération est plus réfractaire à une organisation conventionnelle, avec une hiérarchie pyramidale, brisant toute réactivité et initiative. Elle plébiscite le travail en équipe, et adore se mobiliser autour de projets collaboratifs. L'ère du « co » prend tout son sens avec elle. « Les jeunes générations aiment travailler en projets et en collaboratif. Mais ce n'était pas forcément dans nos habitudes. Nous tâchons de déployer ce mode de travail comme avec le changement d'ERP auquel tous les collaborateurs participent dont les technico-commerciaux », détaille Yann Lapeyronnie, DRH de Cap Seine, un des participants du séminaire des DRH.

Donner du sens aux nouveaux

Au-delà du recrutement en tant que tel, il y a tout le processus d'intégration du nouvel embauché qui est à prendre en compte. Tout en lui donnant envie de rester dans l'entreprise, au moins le temps d'un cycle d'expérience, c'est-à-dire quatre à cinq ans. Des groupes comme Carré et Axéréal s'y attellent (lire p. 33 et 35). La politique d'intégration devient une priorité. Et est l'occasion de donner du sens à l'entreprise et à la mission des salariés. C'est à la portée de toute entreprise. Le négoce Moisdon met à coeur de bien accueillir ses jeunes qu'il recrute surtout en alternance et de leur fournir une feuille de route, source de motivation (lire p. 34). Des structures vont même assez loin dans la démarche.

Ainsi, l'union de coopératives Allice, spécialisée dans les services en élevage, propose depuis deux ans à ses nouvelles recrues de passer une journée ou deux chez un éleveur administrateur. « Le salarié comprend comment sa fonction peut servir à l'éleveur, qui lui-même comprend mieux à quoi servent ses cotisations. En fait, cela donne du sens des deux côtés, explique Cécile Quetglas, responsable RH d'Allice, autre participante du séminaire. Nous avons encore des progrès à réaliser, car nous sommes peut-être un peu trop conventionnels dans ce que nous faisons comme dans le cas des vidéos sur les métiers. »

DOSSIER RÉALISÉ ET COORDONNÉ PAR HÉLÈNE LAURANDEL

Les initiatives du commerce agricole et agroalimentaire, représenté par la FC2A, pour accompagner les entreprises dans leurs démarches de recrutement, vont bon train depuis deux ans. Entre septembre et octobre 2016, quatre événements ont marqué cet engagement : Innov-Agri, Potato Europe, Sommet de l'élevage et le job dating au Space de Rennes avec, ici en photo, Lucie Martin, responsable emploi et recrutement de la FC2A.

H. LAURANDEL

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