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Cooperativade Beja e BrinchesUn plan jeunes bien huilé

Au Portugal, l’agriculture était au bord de l’implosion, faute de renouvellement des générations. La crise de 2008 a inversé les choses. La Cooperativa de Beja e Brinches en a profité pour se refaire une jeunesse.

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«La moyenne d’âge des adhérents de la coopérative était proche de 60 ans, il y a dix ans », glisse dans un sourire Fernando do Rosário, directeur général de la Cooperativa Agricola de Beja e Brinches, situé à 100 km au sud de Lisbonne, dans les meilleures terres du Portugal. « Un constat qui angoissait mes prédécesseurs, tant il était alarmant et peu porteur d’espoir. » Aujourd’hui, cette moyenne est descendue à moins de 50. Phénomène de société ou action de la coop ? Un peu des deux.

Redonner du sens et de l’espoir

Avec l’entrée dans l’Europe en 1986, le Portugal a connu une période très faste. Tout fonctionnait, de nouvelles routes, l’immobilier, des industries en hausse, des emplois dans les services. Les jeunes se sont alors détournés d’une agriculture pauvre, sans revenu et sans avenir, pour tenter leur chance en ville. La crise de 2008 a été terrible dans ce pays. Le taux de chômage a atteint dans les années 2010 plus de 35 %, en particulier chez les jeunes.

« Il fallait redonner du sens à notre agriculture et de l’espoir à ses acteurs, se rappelle Fernando. Nous avons élaboré des plans d’action pour redorer l’image de l’agriculture et faire revenir les jeunes désœuvrés de la ville. Cela passait forcément par la création d’une agriculture moderne et rentable. » Dans une zone où il y a peu de problèmes d’eau, l’activité de la coop était tournée vers le blé et le maïs, cultures traditionnelles liées à l’histoire de la dictature Salazar qui recherchait avant tout à nourrir sa population. « Autant le maïs est justifié avec des rendements importants de 15 t/ha, mais le blé souffre et affiche difficilement 4 t/ha, souligne José Miguel Ribeiro, responsable du terrain. Heureusement, nous avons une pression de maladies très faibles et moins de mauvaises herbes qu’en France, ce qui permet de meilleurs coûts de production, à 600 €/ha. De plus, avec l’eau et le soleil, la qualité est excellente (PS de 80, 14 % de protéines, Hagberg à 330), permettant une valorisation moyenne à plus de 200 €/t que nous proposons systématiquement aux adhérents. » En effet, la coop réussit à bien vendre sur les marchés de la nourriture pour bébé ou du pain traditionnel, mais reste très limitée dans ses quantités. Le Portugal est un importateur net de blé français chaque année.

L’olive, nouvel eldorado

Le plan stratégique 2010 a totalement renversé la tendance. « Avec l’intensification en céréales, les anciens gagnaient très peu, voire rien, d’où la fuite des jeunes, constate Fernando. Nous avons alors décidé de rechercher un débouché qui puisse répondre agronomiquement à notre environnement et qui soit économiquement rentable. » Le Portugal était structurellement déficitaire en olives et ses dérivés qu’il importait de son puissant voisin espagnol. La coop décide donc de se lancer dans la plantation de verger d’olives à grande échelle.

Pour ce projet d’ampleur, il lui faut des investisseurs et des bras. Une campagne de sensibilisation et quelques aides bien ciblées feront que de nombreux jeunes, fils d’agriculteurs, y voient un nouvel eldorado. « Avec des marges pouvant aller jusqu’à 2 000 €/ha, nous avons réussi à mobiliser. » La coop a fait le reste. Elle intervient au niveau des banques pour aider les candidats sur les achats fonciers, les reprises et les investissements en plants. Elle ne se fait payer les intrants qu’en fin de récolte et subventionne les efforts d’irrigation (50 % des vergers), et investit dans des moulins pour faire de l’huile. Ensuite, elle crée une marque, devenue la référence locale, qui permet aux producteurs comme à l’entreprise de valoriser pleinement leurs efforts et leurs investissements. Cette activité touche aujourd’hui plus de 50 % des producteurs, pour 65 % du chiffre d’affaires.

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La belle histoire d’une nouvelle production qui est capable de faire revenir les jeunes n’a cependant qu’un temps. En 2014, le Portugal est devenu autosuffisant et l’ouverture à l’international ne suffit plus à écouler toute la production. Le pays est en surproduction chronique. « Force est de constater qu’en céréales, nous pensons qu’il existera une chute importante à court terme, surtout en blé, et pour l’olive, les prix vont forcément baisser et nous observons depuis deux ans une stagnation des plantations et de la production. » En 2015, les dirigeants de la coop ont établi un nouveau plan qui définit deux axes stratégiques : la culture de légumes de plein champ, type oignons, brocoli… et le développement de l’énergie solaire. Quant au bio, il reste encore insignifiant avec moins de 500 ha, sur les 26 000 ha en production.

Christophe Dequidt

© Christophe Dequidt - La marque Flor do Alentejo, créée par la coopérative, est devenue la référence locale. Pour une huile de qualité, il faut des olives fraîches, quasiment impossible à stocker.

© Christophe Dequidt - Fernando do Rosário, DG de la coopérative, et José Miguel Riberio, responsable du terrain, dans la salle du conseil d’administration.

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