Consolider les actions d’accompagnement
Coops et négoces sont peu reconnus en tant que prescripteurs pour l’installation, alors qu’ils ont une carte à jouer avec déjà, pour certains, un programme jeunes, voire un service dédié.
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Avoir le taux de maintien de l’activité dans les six ans suivant l’installation, de 86 % chez les moins de 40 ans, on peut se dire que le dispositif d’accompagnement des jeunes agriculteurs n’est pas si mauvais que cela. Ce taux dépasse même les 95 % chez ceux bénéficiant de la DJA qui les oblige à suivre le plan de professionnalisation personnalisé, et à profiter alors d’un accompagnement humain. Tout en sachant que seule un peu plus de la moitié des jeunes installés reçoit la DJA. Cependant, ce bon score ne signifie pas forcément que tous les indicateurs sont au vert.
Une réforme du suivi nécessaire
La situation est en effet perfectible. Les participants aux Rencontres le reconnaissent volontiers, à l’instar de Jérémy Pettini, jeune administrateur EMC2, estimant « qu’une réforme du suivi des jeunes est nécessaire ; de nombreuses problématiques se présentent justifiant plus que jamais le besoin d’un accompagnement ».
Quel rôle peuvent alors jouer dans cet accompagnement les coopératives et négoces ? La question se pose d’autant plus que ces organismes économiques sont assez peu identifiés dans l’enquête ADquation en tant qu’accompagnateurs en pré-installation (lire p. 28). Et aussi en post-installation (lire p. 33), même si coops et négoces semblent davantage présents avec 23 % de citations. Si on ramène ce pourcentage à la base totale des agriculteurs de 45 ans ou moins, ils ne sont plus que 12 % à avoir bénéficié d’un tel accompagnement spécifique de leur distributeur. Un suivi dont ont surtout bénéficié ceux ayant pour partenaire principal une entreprise coopérative (16 %).
C’est cohérent avec la réalité du terrain : les coops sont davantage portées à structurer un programme jeunes que les négoces. Au-delà des enjeux commerciaux, se profile le besoin de renouveler la gouvernance, ainsi que la prise de conscience d’une mission coopérative dans le maintien d’un tissu agricole et rural pour les plus charismatiques. Les négoces ne sont pas pour autant indifférents. Outre des gestes commerciaux, certains entretiennent des relations conviviales et se rendent mutuellement service avec les JA de leur territoire.
« Une légitimité à les accompagner »
Même si coops et négoces se retrouvent cités dans notre étude comme seconds interlocuteurs une fois le jeune installé, leur score reste faible alors qu’ils sont un des partenaires les plus présents dans la cour de la ferme. Et alors que des distributeurs proposent, depuis plusieurs années pour certains, des plans jeunes, voire ont créé une fonction de conseiller en installation. Un poste qui, d’ailleurs, « monte en puissance depuis cinq à dix ans », précise Françoise Ledos, de Coop de France.
Aussi, ces résultats amènent certains participants de la table ronde à s’interroger : « On accompagne des gens, mais ils ne savent pas qu’ils sont accompagnés. » Or pour Jean-Yves Deslandes, référent en installation de Triskalia, « nous avons une vraie légitimité dans l’accompagnement technique et économique des jeunes agriculteurs ». S’il corrobore l’enquête ADquation sur le manque de reconnaissance des coops ou négoces en tant que prescripteurs à l’installation, il observe cependant que « l’image que le jeune a de nous en tant que distributeur voulant l’aider pour lui refourguer ensuite aliments ou autres produits, est en train de changer car, au quotidien, nous bossons comme des fous. En mettant le pied bien en amont dans le conseil, on est plus facilement reconnu ensuite. »
Il apparaît donc clairement que les mesures d’accompagnement des nouveaux exploitants méritent d’être mieux identifiées en tant que telles. Une dynamique qui est toutefois en cours, avec la refonte de plans jeunes depuis quelque temps, comme chez Agrial ou EMC2 (lire encadré p. 35), ou leur mise en place dans une démarche plus structurée et plus étoffée chez d’autres. Mais, au final, au-delà de cet aspect d’identification, n’est-ce pas la réussite du nouvel installé qui compte avant tout ?
Travailler la posture du TC face au JA
Or à écouter les uns et les autres, on ne peut que constater l’existence de lacunes et de besoins. L’enquête ADquation pointe d’ailleurs du doigt de fortes attentes de la part des jeunes agriculteurs vis-à-vis de leur distributeur principal, coopérative ou négoce (lire p. 35). Il ne reste plus qu’à y répondre. Et notamment, une place est à prendre, si elle n’est déjà prise, pour aider les jeunes à « apprendre à gérer les risques telles les fluctuations des cours ou des volumes de production ou encore les enjeux climatiques », avance Jean-Albert Massenet, de Campus Triangle/Atouts jeunes.
Le rôle des équipes terrain est central avec la question de la posture du technico-commercial face au jeune exploitant. Exerçant au quotidien avec des TC, Benjamin Viguier, formateur consultant du réseau Motival, analyse : « Le TC doit se positionner en apporteur de solutions économiques tout en respectant le besoin de prise de décision du jeune, qui veut être traité en chef d’entreprise. Il aura à être dans une approche plus globale de l’exploitation. »
L’autonomie dans la prise de décision est en effet importante pour nombre de jeunes, à l’image de Jérémy Pettini relatant que son technico lui « apporte des solutions et je prends la décision de faire ou ne pas faire. Ma relation avec lui est plus technique que commerciale ». Il participe ainsi avec son TC à des formations techniques autour desquelles ils peuvent échanger. Cependant, ce jeune administrateur d’EMC2 constate avec regret que « beaucoup d’agriculteurs ne se sentent pas chefs d’entreprise. Avec ma coopérative, nous étudions en ce moment l’appui technico-économique des exploitations. Dans certaines, le technicien fait le chef de cultures et l’agriculteur est relayé au statut de main-d’œuvre. C’est là que le bât blesse. »
Segmenter l’équipe de TC en fonction de la génération d’agriculteurs
Et aujourd’hui, les équipes terrain sont-elles en adéquation avec ces postures différentes ? Un schéma pourrait se dessiner autour d’une segmentation des TC, selon Jean-Albert Massenet. « Les uns vont travailler avec la génération qui va partir à la retraite et voudront fonctionner comme d’habitude avec des décisions quasiment prises et un accompagnement de proximité très important. Les autres travailleront avec la génération de jeunes agriculteurs et nouveaux entrepreneurs qui vont développer une agriculture différente et rechercher un autre type de relation avec leur coopérative, donc avec leur technico. »
Ce différentiel générationnel pourrait être un obstacle dans le cas d’une reprise de l’exploitation, notamment familiale. Or, selon l’étude ADquation, 41 % des agriculteurs interviewés ont continué ou continuent de travailler avec le distributeur habituel de l’exploitation (voir p. 31). Comme l’explique Sébastien Ballu, de la commission jeunes d’Agrial, « pour une question de simplicité et de méconnaissance du métier, on fait confiance à notre père ou à un associé. Et c’est après, quand on a la confiance en nous, qu’on peut se permettre de bouger les choses. Ceux qui ont voulu tout casser dès le départ ne sont plus forcément agriculteurs aujourd’hui. Il est plus sage dans un premier temps d’écouter et de ne pas tout changer. »
Bons taux de renouvellement dans les coops avec les atouts jeunes
D’autant plus que si l’exploitation est suivie par une coopérative qui possède des outils de transformation industriels, cette dernière a tout intérêt à assurer ses arrières. Donc, comment donner envie au fils ou à la fille qui reprend la ferme de s’inscrire dans la continuité des relations historiques de l’exploitation ? D’où l’émergence de plans d’accompagnement de plus en plus étoffés.
C’est pourquoi également une démarche comme Atouts jeunes se développe depuis sa création en 2005 par Christophe Dequidt, qui a passé le relais à Jean-Albert Massenet (lire ci-contre). Elle ouvre les jeunes coopérateurs au fonctionnement de la coopérative et à ses bénéfices et permet de constituer une pépinière de futurs administrateurs. « Atouts Jeunes devient un des éléments constitutifs de la politique jeunes des coopératives, aux côtés d’un volet financement et d’un accès privilégié à des filières à valeur ajoutée et à du conseil personnalisé, assure le directeur de Campus Triangle. De bons taux de renouvellement sont observés d’année en année chez ces coopératives. »
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