Christophe Richardot, DG du groupe Dijon céréales et de l'union Alliance BFC « Construire un modèle anti-fragilité »
Depuis son arrivée en 2018 à la direction générale de Dijon céréales et d’Alliance BFC (1), Christophe Richardot n’a de cesse d’impulser une dynamique collaborative auprès des élus et des équipes pour bâtir ensemble un socle « anti-fragile » et garant de valeur ajoutée pour les agriculteurs. Aussi, les projets foisonnent tout en consolidant l’écosystème territorial.
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Parmi les enjeux à relever, lesquels sont prioritaires pour votre coopérative ?
Le premier enjeu dans notre région est le climat avec ses épisodes extrêmes depuis quelques années, d’autant que nous sommes en zone intermédiaire avec, sur certains secteurs, des exploitations agricoles au pied du mur en termes de rentabilité. Le second enjeu est le contexte géopolitique de plus en plus prégnant sur nos activités. Et face à une concurrence accrue des blés de la mer Noire sur le bassin méditerranéen vers lequel 50 % de nos céréales sont exportées, nous réfléchissons à notre modèle en céréales à dix ans. Plus globalement, tout nous incite à bouger pour aller vers un format anti-fragile.
Quelles actions sont alors engagées pour renforcer la résilience de Dijon céréales ?
En 2020, le premier confinement et la sécheresse printanière nous ont poussés à bâtir le plan de réorganisation « Demain » décliné en huit axes, dont un sur les nouvelles solutions agriculteurs avec la production de biogaz, l’agrivoltaïsme et les nouvelles cultures. Ainsi, dans les secteurs à faible potentiel, les 15 % de la SAU dédiés aux Cives d’hiver pour la méthanisation pourraient devenir la meilleure marge de l’exploitation en incluant la culture alimentaire suivante. Et d’ici à dix ans, la coopérative pourrait réaliser autant de chiffre d’affaires en énergie qu’en céréales. Nous avons aussi réorganisé nos ressources humaines, réduit les charges, restructuré nos filiales et nos infrastructures et structuré l’union Alliance BFC autour de la R&D, de la data et du digital. Notre Ebitda est passé à 20 M€ en 2023, soit le double de 2018.
Où en sont ces projets de diversification ?
Ces projets sont portés par Alliance BFC. Les premiers m3 de biogaz du grand méthaniseur Sécalia, qui mobilise 150 exploitations, sont injectés ce printemps 2024 dans le réseau de gaz naturel. Et nous démarrons trois projets de méthaniseurs plus petits, opérationnels dans quatre ans et qui seront alimentés en Cives, fumier et déchets verts des villes. Nous comptons produire à terme l’équivalent de 30 à 35 % des besoins en gaz résidentiel d’un département de 500 000 habitants comme la Côte-d’Or.
En nouvelles cultures, dans la foulée de nos plateformes expérimentales, deux sites tests de 30 ha en arbres fruitiers sont implantés ce printemps avec un système d’irrigation alimenté par des eaux grises ou de l’écrêtage de crue et l’accompagnement de l’Agence de l’eau. Nous visons 500 à 1 000 ha d’ici à cinq ans à l'échelle d'Alliance BFC et commençons à établir des partenariats pour les débouchés. L’agrivoltaïsme poursuit aussi son développement avec un troisième démonstrateur en place depuis juin dernier.
Comment mobilisez-vous les élus et les adhérents ?
L’équipe data d’Alliance BFC a réalisé des projections climatiques présentées aux agriculteurs pour montrer la nécessité d’une diversification. Nous leur faisons visiter nos plateformes nouvelles cultures et nos démonstrateurs agriPV. Et nous avons organisé au Danemark des visites d’unités de méthanisation de notre partenaire Nature Energy. Quand les projets sont sensés et bien expliqués, l’adhésion est au rendez-vous. J’y suis très vigilant. Et pour renforcer notre crédibilité, nous avons tissé des accords avec l’Inrae et l’Institut Agro et nous travaillons aussi avec les chambres d’agriculture.
Nos projets sont aussi présentés lors de temps forts comme les soirées « côtes de bœuf » de Dijon céréales. À l’édition 2023, les 18-25 ans sont venus nombreux avec des questions sur leur business model et sur les solutions que nous proposons. Nous venons d’ailleurs de former à nos offres de diversification une dizaine de conseillers experts recrutés parmi nos technico-commerciaux.
Et qu’en est-il au niveau de vos équipes ?
Autant nous convainquons les agriculteurs avec la charge de la preuve, autant nous emmenons les équipes avec le management collaboratif lancé en 2020 au moment du plan « Demain ». J’avais à l’époque mobilisé en visio une centaine de personnes grâce à des techniques d’intelligence collective apprises en formation.
Depuis, nous roulons avec un comex de 5 personnes, un codir de 18 personnes et un comité groupe de 34 collaborateurs. Lors des réunions en visio, je prends la parole juste 2 à 3 minutes pour laisser ensuite chacun s’exprimer. J’insiste pour qu’ensuite, dans les équipes, les idées soient partagées et coconstruites. Et de fil en aiguille, nous avons interconnecté les services. Ce modèle fait mieux comprendre les missions de chacun et la stratégie de l’entreprise et aussi monter en compétence, tout en luttant contre la lassitude au travail.
D’autre part, nous avons organisé en 2023, pour le pôle agricole, les ateliers de la performance avec l’accompagnement de François Cazals et son concept « la stratégie anti-fragile ». En comprenant mieux cette réflexion stratégique de la direction, les équipes se mobilisent plus facilement.
Vous avez à cœur de renforcer votre écosystème. Quelles en sont les retombées ?
Notre écosystème territorial est très bienveillant envers nos projets. Notre soirée Partenaires d’octobre 2023 a d’ailleurs réuni 500 acteurs pour sa seconde édition. Nos relations avec les élus politiques ont bien évolué : nous sommes aujourd’hui écoutés, entendus et aidés. L’ouverture sur le monde extérieur est essentielle. Je suis aussi administrateur de La Coopération agricole et je participe au club Demeter.
En poussant le réseau, on se rend compte que l’on a des enjeux communs avec des personnes d’autres secteurs. L’an dernier, j’ai créé le club Entreprises BFC 2024 avec Pascal Bonnetain, directeur du Creps BFC, pour rapprocher le monde de l’entreprise de celui du sport, pratiquant moi-même la course à pied et le vélo. Pascal est en fait le numéro 2 de l’Agence de l’eau Rhône Méditerranée Corse et partage avec nous le même souci de préserver l’eau.
La marque « Nous Autrement » d’Alliance BFC participe aussi à cette dynamique territoriale. En la lançant, nous voulions fédérer au-delà de notre propre périmètre et l’avons présentée à plusieurs entreprises qui ont bien accroché. Aujourd’hui, cette marque fédère 80 sociétés avec 3 500 produits et va bientôt être diffusée dans le réseau de 360 boulangeries d’un meunier.
C’est en fait tout un ensemble, avec également les cinq PAT (2) auxquels Alliance BFC participe, qui constitue un terreau favorable au développement de nos initiatives.
Quel regard portez-vous sur ce qui a été accompli et sur l’avenir ?
Je suis venu pour structurer ma région dont je suis originaire et c’est vraiment une aventure humaine passionnante. Lors du plan « Demain », je ne m’attendais pas à un tel élan de nos équipes et nous avons eu une forte adhésion du président, du conseil d’administration et, progressivement, des adhérents. Nous avons de belles choses à faire en agriculture, même si la situation actuelle est complexe. Ainsi, Alliance BFC organise le premier Mondial de cyclisme en agriculture, le Wacc, du 7 au 9 juin prochains, ouvert à tout acteur agricole, et notre filiale Mistral lance à cette occasion des biscuits pour sportifs. Je suis un homme de conviction et si nous avançons avec sens, nous donnons de la positivité et alors de l’optimisme.
(1) Union des trois coopératives Bourgogne du Sud, Dijon céréales et Terre Comtoise.
(2) Programmes alimentaires territoriaux.
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