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Le choc des générations

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TRANSMETTRE SON PORTEFEUILLE

Bertrand ne tient plus en place. Nerveux, il fait les cent pas devant sa fourgonnette d'entreprise blanche de technico-commercial. Il voit enfin arriver au loin son tout jeune collègue, Arthur, au volant d'un Berlingo. Les pneus crissent sur le sol empierré. « Hum, mon bonhomme, si tu roulais moins vite », pense Bertrand, écrasant sa cigarette au sol. Après s'être salués, les deux hommes pénètrent dans le préfabriqué faisant office de bureau en attendant que le local attenant au Lisa soit rénové.

Doté d'une légère barbe pour se vieillir du haut de ses 19 ans, Arthur est en contrat de professionnalisation depuis septembre dans le cadre de son BTS TC Agrofourniture, au rythme d'une semaine en formation et de trois semaines en entreprise. Étant censé quitter sa fonction pour partir à la retraite dans deux ans, Bertrand a été nommé tuteur du jeune TC en herbe, afin de lui transmettre les ficelles du métier et son portefeuille. Si, bien sûr, tout se déroule bien.

Mais voilà, il se sent dépassé par la situation qu'il a en charge. Il n'est pas à l'aise face aux questions qui fusent de la part du jeune homme et il ne peut qu'observer jour après jour le fossé sur l'approche technique, renforcé par la digitalisation du métier. Une digitalisation que le jeune Arthur intègre à une vitesse phénoménale.

Bertrand se sent alors inutile avec son bagage technique qu'il considère obsolète. Et sa timidité face aux innovations agace l'étudiant, à l'image de la discussion qu'il vient d'entamer. « Pourquoi tu ne veux pas que l'on teste le soufre sur la septoriose du blé ? », lance Arthur. « Il n'est pas autorisé hormis une dérogation pour 120 jours l'an dernier », réplique Bertrand. « Oui, mais à titre expérimental, on peut l'essayer. Les jeunes du Gaec du Pommier sont partants », continue Arthur qui ne lâche rien.

Dans la soirée, Bertrand rencontre son animateur régional, Patrice, auquel il confie ses petits déboires avec son jeune en formation. « Je me sens totalement dépassé... Je suis un homme du passé. Ça rime, je pourrais en faire une chanson... » Regardant Patrice droit dans les yeux, il ajoute en murmurant : « Mais qu'est-ce que je peux lui apporter, à Arthur ?

Hélène Laurandel

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