Bien ferrer le prospect

CÉPA-LA-FAITE, 8 JANVIER 2018

Il est 16 heures. Antoine quitte la cour de la ferme des Sept lieux. C'est son troisième prospect de la semaine, et son troisième vent. « Pas intéressé », lui a encore dit quelques minutes auparavant Serge, qui gère 300 hectares de polyculture avec son fils. Il lui a quand même laissé sa carte de visite et un flyer sur une offre promotionnelle concernant des pierres à lécher. « Les gars, prospectez. Ramenez-moi de nouveaux clients », leur a lancé leur manager Pascal, à lui et à ses cinq collègues, un mois plus tôt.

Mais voilà, Antoine sent bien qu'il a touché les limites de la démarche en cet après-midi où le soleil se bat avec les nuages pour percer. « J'aurais pourtant bien besoin d'un rayon de soleil », pense Antoine au volant de son véhicule de société blanc. Pourtant, il a tenté sa chance avec diverses offres en semences, ficelles ou produits d'hygiène d'élevage. Mais, il fait chou blanc. Il y a toujours un concurrent moins cher ou l'agriculteur a déjà la marchandise.

Aussi, c'est désabusé qu'il retrouve ses collègues au siège social de leur entreprise autour d'un café en train de débriefer leur journée. Même galère pour la plupart, sauf Marc, qui a eu deux agriculteurs sur les quatre visités intéressés par la dernière promotion. « Je ne comprends pas, toute l'année, ils nous parlent de prix, et quand on propose des produits à prix presque coûtant, ils n'en veulent pas. Que faire ? », interroge Antoine. Haussant les épaules, Marc rétorque : « Je crois que nous ne prenons pas la question de la bonne manière. Ce n'est pas un bout de ficelle moins cher qui va arranger leur situation et les faire gagner plus. »

C'est alors qu'arrive leur collègue Karine qui réagit à cette dernière remarque.« Tu as raison Marc. J'ai croisé ce week-end une amie qui bosse à 200 km d'ici.Elle fait carton plein. Rien à voiravec nous et nos offres Kleenex.Elle arrive avec des projets bien ficelés,des propositions de nouvelles filières.Et surtout, elle passe une heure à faire un bilan avec le gars qu'elle prospecte.Et ça marche presque à tous les coups. »Alors qu'ils sont tous songeurs, ils entendent la voix de leur manager.« Merci Karine, tu as mis le doigt là où il fallait. Je vais en parler avec la direction. »

Hélène Laurandel