Login

Un rachat à faire passer

PACÉ-À-COTAIS, DÉCEMBRE 2015

Vous devez vous inscrire pour consulter librement tous les articles.

Etienne monte en deux enjambées les quatre marches menant à l'accueil de son entreprise. Le patron l'a convoqué, lui et ses six collègues, pour une « annonce essentielle pour la vie de la société ». « Salut tout le monde », lance à la ronde le technico-commercial de 35 ans. Quelques instants après, leur patron, Richard, prend la parole. « Vous savez tous que je vais devoir cesser mon activité plus vite que prévu et je n'ai pas de successeur. La coopérative voisine m'a fait une offre car elle souhaite étendre son territoire. J'ai fini par l'accepter et je vais signer la vente dans deux mois. »

Deux mois plus tard. Etienne revient de deux visites où il a été pris à parti au sujet de la nouvelle évolution de son entreprise. Pourtant, un courrier a été envoyé aux huit cents clients, assurant que rien ne change et que le patron garde la direction jusqu'à son départ dans six mois. Ce qui n'empêche pas les langues de se délier. En outre, pour les TC, c'est une sacrée gymnastique mentale, car ils ont toujours rivalisé avec leurs collègues coopératifs, se chatouillant à coup de promos sur les azotes ou les blocs à lécher. Ou encore, en détournant les jeunes exploitants du fournisseur concurrent attitré de papa.

Et, sur le terrain, ses clients ne sont pas tous rassurés malgré la lettre du patron. Ainsi, Bernard n'a pas manqué d'observer que « les relations n'allaient plus être pareilles. J'aimais bien avoir à faire à ton patron. Et puis, qu'est-ce qui nous dit que tu vas rester sur le secteur » ? Son associé Jean, la cinquantaine, a fait remarquer qu'il n'a pas gardé une bonne image de la coop quand il bossait avec elle vingt ans auparavant. « Fallait acheter chez elle pour lui livrer le blé. Et, un jour, ils vont avoir le monopole et faire ce qu'ils veulent. »

De son côté, Rémi, avec ses 250 ha et à la pointe de la technologie, a confié à Etienne : « J'espère qu'ils vont reprendre votre logiciel de simulation. Il est bien ficelé et je bosse souvent avec. » En accompagnant le technicien à son véhicule, il lui a glissé : « Ils auraient tort de passer à côté et de ne pas se montrer ouverts comme vous. Sinon, ils vont perdre des clients. » Une fois au volant, tout en passant la main dans ses cheveux, Etienne se demande bien comment répondre à toutes ces interrogations légitimes.

Hélène Laurandel

A découvrir également

Voir la version complète
Gérer mon consentement