Un service qui n'a pas de prix

« Tournez à gauche dans 100 m. » Le GPS de Matthieu l'emmène au Gaec du Moulin, en cet après-midi maussade. Heureusement qu'il connaît un peu le chemin, car ce jeune technico-commercial n'écoute que d'une oreille la voix de synthèse. Il est préoccupé par sa visite : il doit présenter un nouveau service de pilotage de la fertilisation avec des drones. Et depuis que la part variable de son salaire est faite en partie avec la vente de services, mieux vaut ne pas se planter.

C'est pour ça qu'il a choisi le Gaec du Moulin pour commencer. Son interlocuteur, Emilien, est toujours friand de nouveautés techniques. Sur sa tablette tactile, il lui montre les possibilités offertes par le service.

« Tu vois, le drone va capter les images, avec lesquelles on va établir des cartes traitées qui nous montreront les besoins en fertilisation. Ensuite, on regardera ensemble pour la préco. Tu me parles de modulation intraparcellaire depuis quelque temps déjà, c'est l'occasion ! On pourrait commencer sur le blé avec un vol pour ajuster la dose du troisième apport, en mai. »

Matthieu lui montre une courte vidéo sur les vols de drones, expliquant qu'il est aussi possible d'utiliser des ULM par exemple.

Et il se jette à l'eau : « Alors, qu'en dis-tu ? » L'agriculteur, pour sa part, pense chiffres, et lui demande d'emblée : « Mais combien cela va me coûter ? » Matthieu, décidé à ne pas rester bloqué sur le prix, biaise : « Tu sais, l'important ce n'est pas le prix, pense à tout ce que ça peut t'apporter, les économies sur les engrais et les réductions de l'impact sur l'environnement. »

« Oui, mais combien ? », insiste l'agriculteur. « Treize euros par hectare », lâche le technicien. Emilien calcule rapidement, de tête : « Disons, si je prends sur 20 ha par exemple, ça me fait 260 euros... C'est pas rien. Non, ça ne vaut pas le coup. Parle-moi donc plutôt du nouveau fongicide, le SDHI. Tu sais que j'ai eu des soucis avec la rouille jaune cette année. Je voudrais refaire le point sur les traitements précoces et sur les résistances. Tout le monde en parle en ce moment. » Matthieu ouvre la bouche pour insister, mais à voir la tête de son client, il se ravise et va chercher dans ses dossiers des infos sur le produit en question, en pensant, « c'est vraiment pas mon chiffre porte-bonheur le 13... »

Marion Coisne