L’irrésistible ascension du biocontrôle
Le nombre d’agriculteurs qui utilisent des produits de biocontrôle, ou sont prêts à le faire, progresse nettement. Et les nouvelles biosolutions qui arrivent sur le marché confirment cet engouement.
Vous devez vous inscrire pour consulter librement tous les articles.
La progression des biosolutions ne marque aucun signe de relâchement, bien au contraire ! Selon IBMA France, le marché du biocontrôle, qui représente 8 % des ventes de produits de protection des plantes en 2019, pourrait passer à 30 % dès 2030. Cette projection reflète bien la hausse du nombre d’utilisateurs. Dans notre baromètre Agrodistribution-ADquation 2020, plus d’un quart (27 %) des agriculteurs déclarent ainsi utiliser des biosolutions, en forte hausse par rapport à décembre 2018 (+ 11 points). Ils sont plus nombreux en orientation grandes cultures (33 %) et chez ceux ayant 150 ha de SAU ou plus (34 %). Et près de la moitié (46 %) des non-utilisateurs seraient partants (+ 13 points), en grandes cultures (56 %) et dans le Centre (52 %). Ainsi, au total, 61 % en utilisent ou sont prêts à le faire (contre 44 % en 2018).
Arbo et viti tirent le marché
Un bilan encourageant sur une cible grandes cultures, élevage, au vu du marché tiré actuellement par deux grandes filières : la viticulture et l’arboriculture. Lors des 6es assises du biocontrôle du 21 janvier dernier, IBMA France a fait un état des lieux. Les nouveautés n’ont pas encore réellement percé, dans la mesure où plus de 60 % des ventes de biocontrôle reposent sur le soufre, un produit plutôt ancien. Loin derrière, arrivent les ventes d’huiles de paraffine et le virus de la granulose contre le carpocapse. Sur vigne, les phosphites et la confusion sexuelle contre les tordeuses de la grappe figurent parmi les solutions bien maîtrisées. Comme le souligne Jérôme Fillon, technicien de LVVD (Maine-et-Loire), « ces solutions sont intégrées à nos programmes. Pour des substances plus récentes tels que les huiles essentielles d’orange, ou les Trichoderma appliqués aux maladies du bois, nous sommes toujours en recherche de positionnement. » Toutes les filières ne sont pas aussi bien loties.
« Pour de nombreuses productions, il n’y a pas encore eu de basculement vers le biocontrôle. Et l’utilisation en maraîchage reste très variable », note Nicolas Chartier, chef de projet Dephy-Ecophyto. Selon les études du réseau, les principales biosolutions mises en œuvre sont à 70 % des fongicides et 25 % des insecticides. « Nous devons réfléchir aux moyens de développer les usages, et aussi trouver des solutions pour le désherbage. »
Les biosolutions destinées aux grandes cultures semblent toujours à la traîne, mais peut-être plus pour longtemps, comme le souligne notre baromètre. Assez vite, les céréaliers devraient avoir de nouveaux moyens à disposition. En effet, IBMA a annoncé 38 nouvelles solutions disponibles dès cette année, portées à 68 en 2022 ! En grandes cultures, le portefeuille devrait s’élargir, avec 37 substances nouvelles d’ici trois ans.
Incertitudes sur le conseil
Sachant que ces produits nécessitent des préconisations spéciales, voire à la carte, un certain flou plane encore sur la séparation conseil et vente. Comme le détaille Denis Longevialle, directeur d’IBMA : « Les textes de loi prévoient qu’une entreprise agréée pour la distribution de produits phytos a la possibilité de réaliser le conseil à l’utilisation des produits de biocontrôle intégrés au dispositif des CEPP. Dans cette configuration, nous allons nous mobiliser pour que toutes les biosolutions obtiennent leur fiche CEPP. » L’angle de vue du ministère diffère-t-il sensiblement ? Lors des 6es assises, la représentante du ministère de l’Agriculture, Virginie Alavoine, a laissé entendre que conseil et vente seraient séparés pour le biocontrôle, dans un dispositif identique à celui des produits phytos. « Nous misons beaucoup sur l’action collective, à travers les GIEE et les fermes 30 000, pour promouvoir le biocontrôle », a-t-elle ajouté. Dans son discours, Didier Guillaume a été moins tranchant. Il a réaffirmé l’engagement des pouvoirs publics pour le biocontrôle, considéré comme « un levier fondamental » pour remplacer les phytos. « Il nous faut identifier tous les moyens d’action pour accentuer le déploiement des produits de biocontrôle », a martelé le ministre, annonçant plusieurs mesures. La première réside dans le maintien du crédit d’impôt recherche pour le biocontrôle, avec un fond de 30 M€. Autre mesure : une feuille de route sur cinq ans élaborée avec les professionnels, visant à accentuer le déploiement des produits.
Pour les membres de l’IBMA, l’objectif est clair : « Il faut allier les objectifs du Plan Ecophyto 2025 au déploiement du biocontrôle, dans une perspective de baisse de la consommation des produits phytos », relève Martine Gautier, de la société SBM. Quels sont les meilleurs moyens de déployer les solutions ? L’enquête conduite par IBMA France auprès de ses adhérents fin 2019 indique que le premier levier reste la formation, ex aequo avec les actions de communication (75 %). Ensuite, l’enquête pointe le rôle des OAD (50 %) et des marques, labels ou partenariats (40 %).
Trouver « la bonne articulation »
Reste à gérer la bonne utilisation des biosolutions sur le terrain, pour lequel les distributeurs estiment être très bien placés. « Après avoir mis en œuvre le biocontrole sur les maladies de la vigne, pourquoi serions-nous exclus du déploiement ? », interrogeait le directeur de la coopérative d’Épernay. Plus catégorique, Baptiste Breton, de La Tricherie, affirmait que la séparation conseil et vente serait un « coup d’arrêt pour le déploiement du biocontrôle », qui nécessite une connaissance et un suivi des exploitations. Pour trouver la « bonne articulation », la balle est maintenant dans le camp des pouvoirs publics.
Anne-Marie Laville
Pour accéder à l'ensembles nos offres :