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La séparation en pratique dans les entreprises

Les textes sont clairs : impossible de conserver la vente de phytos, si l’entreprise a choisi le conseil. Elle devra réfléchir au devenir de ses stocks, locaux et magasins phytos après le 1er janvier 2021.

L’intégralité des textes étant parue, coops et négoces s’organisent pour scinder leurs activités de conseil et de vente, et renoncer à l’une d’entre elles. Décryptage des points clés de la réforme.

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Les 18 et 20 octobre, les arrêtés et décrets précisant la mise en œuvre de la séparation ont été publiés au Journal officiel. Pour les analyser et s’organiser, les entreprises vont devoir aller vite : la réforme entre en vigueur au 1er janvier 2021. D’ici la, il faudra avoir renoncé à l’une des deux activités.

Si je choisis la vente, qu’auront le droit de conseiller les équipes ?

La réglementation ne concerne que le conseil relatif à l’utilisation des produits phytos. Il est donc toujours possible de conseiller des semences, engrais, biostimulants… Concernant les produits de biocontrôle (microorganismes, médiateurs chimiques et substances naturelles), ils sont considérés comme des phytos, et donc exclus du champ du conseil pour les vendeurs. Les macroorganismes, qui ne sont pas des phytos, ne sont pas concernés par la séparation. Les vendeurs peuvent aussi promouvoir des fiches actions CEPP. Si une fiche porte sur un produit de biocontrôle, ils pourront donc l’évoquer avec l’agriculteur. « Attention, il s’agit vraiment de mettre en œuvre une fiche action », observe François Gibon, délégué général de la FNA. Les TC n’auront plus le droit de faire du conseil spécifique, c’est-à-dire, d’après les textes, une recommandation de phytos pour une cible et une culture donnée. Mais en tant que vendeurs, ils ont le devoir d’informer sur le produit vendu. Où situer la frontière entre les deux ? « L’enjeu est là, répond François Gibon. Nous sommes en train de mesurer la portée juridique du texte. » « Le vocabulaire est important, et la temporalité aussi, indique Émilie Rannou, responsable conseil et approvisionnement à La Coopération agricole Métiers du grain. Les informations sur le produit doivent être données pendant leur vente ou au plus tard leur délivrance. » La formation des équipes dans les coopératives et négoces va être l’enjeu clé des prochains mois.

L’expérimentation, l’observation au champ ou l’animation des groupes 30 000 sont-ils toujours possibles ?

« L’expérimentation, comme la formation, n’entre pas dans le champ de la séparation », indique Émilie Rannou. Il sera donc toujours d’actualité de présenter, par exemple, les résultats d’une plateforme d’essai aux agriculteurs. « Idem, le conseil global est possible, ajoute Émilie Rannou. Ainsi pour la certification HVE, la démarche collective est toujours permise, d’autant plus que l’entreprise a alors un rôle d’auditeur interne et d’intermédiaire avec l’organisme certificateur. La préparation des agriculteurs en amont des audits est également possible : formation aux critères d’évaluation et conseil pour valider les différents items, y compris le volet phytos. » Pour les groupes 30 000, aucun souci pour ceux qui sont en cours. « L’animation peut se faire jusqu’à la fin du contrat », précise François Gibon. En revanche, pour les dossiers déposés à partir du 1er janvier 2021, le pilotage devra être réalisé par une structure de conseil. Quant à l’observation au champ, les textes ne font pas mention d’une interdiction pour les vendeurs. « On peut faire de la reconnaissance de maladies, d’adventices, estime Antoine Hacard, président de La Coopération agricole Métiers du grain. Ensuite, à l’agriculteur de prendre sa décision, d’intervenir ou non, et avec quelle molécule. »

Si j’ai obtenu mon quota CEPP, dois-je mettre en œuvre les mesures complémentaires ?

D’après les textes, oui. Dans l’arrêté sur les modalités de certification, il est indiqué que les entreprises doivent notamment avoir nommé et formé un référent CEPP, et établi un diagnostic et un plan d’action sur le sujet. Pour Émilie Rannou, après analyse, l’obtention du nombre de CEPP ne dispense pas de mettre en place ces mesures.

Si je choisis le conseil, que devient mon activité vente ?

Les textes sont clairs : impossible, si le conseil est choisi, de conserver la vente de produits phytos, y compris pour écouler les stocks de l’entreprise. Celles concernées vont devoir réfléchir au devenir de leurs stocks, locaux et magasins phytos après le 1er janvier 2021. Pour François Gibon, le délai, très court, d’ici au 1er janvier, rend techniquement impossible le choix du conseil. « Il faudrait d’ici là avoir modifié les statuts, et donc que les associés se soient mis d’accord. Puis mettre au courant les salariés, et scinder l’activité pour céder la vente, nécessitant de respecter des délais juridiques, voire le cas échéant d’avoir le feu vert de l’Autorité de la concurrence. Enfin, transférer les salariés ou licencier. Là aussi, il y a des délais. Ce choix concevable en octobre 2019 ne l’est plus en octobre 2020. » À noter, si une entreprise choisit une activité différente de celle de sa filiale, elle devra donc organiser sa cession début 2021, avec un seuil limite de détention du capital fixé à 10 %. En dehors de l’activité conseil phytos, une entreprise qui choisit le conseil pourra faire de la prestation de service pour une autre qui choisit la vente, par exemple sur la réalisation d’essais.

En quoi consiste l’étude à réaliser avant le 28 février 2021 ?

L’article 31 de l’arrêté fixant les modalités de la certification précise que les entreprises doivent transmettre entre le 1er janvier et le 28 février « une étude permettant à cet organisme de s’assurer que l’entreprise a mis en œuvre les actions garantissant le respect des exigences E1, E4 à E6 ». C’est-à-dire le point sur la séparation capitalistique, avec respect de la règle des 10 % maximum de capital d’une entreprise agréée conseil détenus par une structure de vente (et vice-versa), et 32 % en cumulé. Mais aussi, sur la séparation des instances de gouvernance et des droits de vote. En réalisant l’étude, « il faut se poser la question des documents que je pourrais fournir à l’organisme certificateur durant l’audit en appui aux réponses de l’entreprise », insiste Émilie Rannou.

Quand serai-je audité ?

Les textes indiquent qu’un audit doit être réalisé avant le 30 novembre 2021. Il sera partiel ou complet, selon le cycle de certification de la structure. « Pour les entreprises auditées en 2020, le prochain audit aurait dû être en 2022, illustre Émilie Rannou. L’audit 2021 sera donc en supplément. Elles pourront choisir qu’il soit partiel, c’est-à-dire portant sur les exigences de séparation capitalistique, ou complet. » Dans la même logique, les entreprises qui devaient être auditées en 2021 devront passer un audit complet.

Marion Coisne

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