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François Gibon face à l’actu du négoce

« Il est probable qu’il y ait un certain nombre d’entreprises qui changent de main cette année », s’avance François Gibon, délégué général de la FNA.

Opération Soufflet-InVivo, vague de reprise de négoces, séparation conseil et vente… François Gibon, délégué général de la FNA, nous a livré sa perception de l’actualité du négoce agricole, lors d’une interview mardi 9 février.

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Comment le secteur du négoce agricole a-t-il accueilli l’annonce de la reprise d’InVivo et de Soufflet ?

François Gibon : C’est une surprise sans l’être. Soufflet n’avait pas de succession et on savait bien qu’il y aurait à un moment donné une solution. Il se trouve que cette solution est française, c’est très important. Dans le secteur, il y a une certaine fierté vis-à-vis de la maison Soufflet, dont le développement et le succès sont remarquables, de par la qualité de la relation avec les agriculteurs, la qualité du travail fait dans l’entreprise, la qualité de vision et de management. Le maintien de l’identité Soufflet, c’est également un élément de réassurance.

Quels sont les sujets de préoccupations qui ressortent ?

F. G. : Une des interrogations fortes porte sur la manière dont va évoluer le métier du trading et du commerce des grains, dans le sens où Soufflet était un partenaire pour beaucoup d’entreprises de négoce, et une alternative. Les négociants aiment bien avoir le choix, c’est dans leurs gènes.

L’autre interrogation, c’est comment les autorités de la concurrence vont gérer ce dossier inédit. Force est de constater qu’il y a un regroupement de deux entreprises de poids, mais que Soufflet et InVivo sont très peu directement concurrentes. Cela va être un cas d’école. Quoi qu’il en soit, le propre du négoce est de s’adapter et les entreprises comme les réseaux économiques trouveront les adaptations.

Cette opération peut-elle créer un appel d’air et amplifier les cessions de négoces ?

F. G. : C’est un événement majeur qui aura forcément une portée, qui peut avoir un impact psychologique, mais le déclencheur principal d’une cession est d’abord interne : ce sont les patrons qui arrivent en fin de carrière. Et il est probable qu’il y ait un certain nombre d’entreprises qui changent de main cette année pour cette raison.

Ce qui est vrai, c’est que l’accroissement des contraintes réglementaires peut être un accélérateur de transmission. Il y a bien sûr la séparation du conseil et de la vente, qui arrive juste après la fin des 3R, mais aussi tout un processus permanent qui peut user. Je peux citer à ce sujet la réglementation sur les précurseurs d’explosifs, en vigueur depuis le 1er février, qui impose des contraintes supplémentaires sur le stockage d’engrais à base d’ammonitrate et qui marque énormément les distributeurs.

Dodat, Traitaphyt, Larrieu ou Lethuillier… La liste s’allonge en ce début d’année…

F. G : Un saut de génération est toujours quelque chose de marquant dans l’univers du négoce. Il peut se faire soit dans le cadre familial, comme chez Carré tout récemment, soit en dehors, à défaut de solution intrafamiliale.

Les reprises de Dodat par Jeudy, de Traitaphyt par la famille Bidaut, ou encore de Larrieu par Sodepac, ce sont des belles histoires, avec à chaque fois un dynamisme marqué du repreneur. Quant à Lethuillier [NDLR : dans le giron de NatUp], c’est un projet qui n’a pas eu d’échos dans la famille du négoce. Mais l’enseigne reste et le dirigeant va accompagner le processus.

Comment s’est opéré le passage à un monde avec séparation du conseil et de la vente depuis le 1er janvier ?

F. G. : À part sur les exigences capitalistiques, il n’y a pas de délai de mise en œuvre, donc tout le monde est en retard. Cela demande un effort considérable pour aller le plus vite possible. Nous avons organisé tout un plan de formation des équipes. Mais il y a un choc psychologique compliqué. On a dit aux techniciens il y a une petite dizaine d’années qu’il fallait faire des fiches préco, qui ressemblent d’ailleurs étrangement au conseil spécifique, et maintenant on leur dit qu’ils n’ont plus le droit au conseil spécifique.

Et le choc technique est à venir. C’est à partir du printemps, au moment des désherbages, que l’on va s’apercevoir qu’il n’y a pas d’offre de conseil spécifique. Une partie des agriculteurs vont sans doute se passer de cette réassurance du conseiller de négoce, mais pour d’autres ça va être plus compliqué. Sans parler de l’enjeu sur la qualité des grains derrière.

Renaud Fourreaux

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