Pour Jean-Nicolas Simon, « il faut se préoccuper des 3R avant la séparation »
Consultant auprès de la distribution agricole, Jean-Nicolas Simon alerte sur le risque à se focaliser sur la séparation conseil et vente. Pour lui, la priorité est le modèle économique dans un contexte de baisse des marges phytos. Aux TC de montrer la valeur de leur accompagnement.
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Quelle est votre analyse de l’ordonnance actant la séparation du conseil et de la vente pour les produits phytosanitaires ?
Jean-Nicolas Simon : À l’heure actuelle, le conseil spécifique, ou de prescription, reste optionnel et n’est donc pas impactant pour la séparation. Quant au conseil stratégique, il est ramené à un conseil administratif qui n’a pas d’effet sur la délivrance du produit à l’agriculteur. L’ordonnance n’empêche pas le distributeur d’accompagner, d’assurer le suivi des agriculteurs. Le texte apporte de la complication administrative, une impossibilité d’assurer une traçabilité au titre de la prescription dès lors que l’on choisit la vente, mais il n’y a pas de changement brutal de l’environnement économique dans ce cadre-là.
Quel est pour vous l’enjeu à venir ?
J.-N. S. : On s’est trop focalisé sur le choix cornélien entre la vente et le conseil et sur la posture que cela représente en termes d’image, entre le noble prescripteur et le vil vendeur, alors que l’on pourra continuer, dans tous les cas, à faire le suivi au champ. Le sujet, c’est la réduction de la marge phytosanitaire. D’une part, la fin des 3R, les remises, rabais et ristournes sur les produits phytosanitaires, actée par la loi EGalim, risque d’entraîner une inflation des produits phytos à l’achat pour les distributeurs, qui ne sera pas forcément répercutée à l’agriculteur, réduisant ainsi la marge, faute de lisibilité sur les prix d’achat. En parallèle, certains ont choisi récemment de dissocier la facturation entre services et produits pour les agriculteurs, après la fin des 3R, et pour avancer sur la séparation. Or les offres produits nus affichent des prix attractifs. Ceci oblige la concurrence à être différenciante sur les services quand elle le peut, ou à ne facturer que les services réellement rendus. Résultat, la marge phytos fond, ce qui remet en question le modèle économique des coopératives et négoces, les phytos étant l’un, voire le premier poste générateur de masse de marge. On a énormément parlé séparation, mais la fin des 3R va avoir beaucoup d’impacts, que l’on n’a pas encore tous mesurés, notamment concernant la redistribution de la valeur des services des centrales vers les structures de base.
Quel est votre conseil pour les technico-commerciaux des coopératives et négoces ?
J.-N. S. : Plus que jamais, il faut que les TC montrent toute la valeur de leur accompagnement, et qu’ils le formalisent. Qu’ils l’écrivent, et le démontrent. On ne peut matérialiser la valeur d’un service que si elle a été écrite quelque part. Ils doivent être fiers de cette valeur qu’ils apportent tous les jours, dès lors qu’ils laissent des écrits. La loi EGalim nous oblige à donner un grand coup d’accélérateur sur les offres proposées aux agriculteurs, la professionnalisation du marketing autour et le portage de l’offre.
Marion Coisne
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