« Nous sommes encore très loin du compte »
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Claudine Foucherot est à l’origine du Club climat agriculture créé en 2013 par I4CE, en partenariat avec l’Inrae et l’APCA. Elle nous en explique les tenants et aboutissants ainsi que les enjeux agricoles face au réchauffement climatique.
Pourquoi ce club a-t-il été créé ?
L’objectif était de mettre autour de la table trois types d’acteurs, les décideurs publics avec les ministères de l’Agriculture, de l’Environnement et les collectivités, la recherche, et des acteurs des filières agricoles, pour les faire réfléchir et dialoguer sur les grands enjeux du changement climatique et l’impact sur leurs activités. L’idée était de vulgariser les avancées de la recherche scientifique, d’expliquer les politiques climatiques et les instruments économiques incitatifs pour réduire les émissions du secteur agricole, mais aussi de faire remonter aux décideurs publics les difficultés rencontrées sur le terrain par les acteurs des filières.
En tant qu’acteur des filières agricoles, pourquoi adhérer au club ?
Ce qu’on fait, c’est de la mise en réseau qui permet du partage d’expertise et d’expérience entre les différents adhérents. Le deuxième intérêt du club, c’est de leur permettre de s’approprier les enjeux du changement climatique grâce à une veille réglementaire et scientifique. La plupart du temps, le climat n’est qu’un sujet parmi d’autres pour les personnes en charge des questions environnementales dans une organisation. Cette veille externalisée est un vrai gain de temps pour eux et leur permet d’être tenus en alerte sur les grosses questions à se poser.
Quels sont les défis à relever pour l’agriculture française ?
Les objectifs côté agricole sont pour l’instant dictés par la Stratégie nationale bas carbone (SNBC) : diviser par deux les émissions de gaz à effet de serre par rapport à 2015 d’ici 2050, ce qui est énorme. Cela passe par des changements de pratiques ainsi que par une diminution de la production découlant d’un moindre gaspillage et d’un changement de la demande alimentaire, notamment consommer moins de produits animaux.
Et aujourd’hui, où en sommes-nous ?
L’objectif de la SNBC est vraiment ambitieux, et nous sommes encore très loin du compte. Il faut à la fois diviser par deux les émissions de méthane et protoxyde d’azote et aussi stocker davantage de carbone dans les sols agricoles, sachant que pour le moment ils sont émetteurs nets. Il faudrait qu’ils deviennent puits nets de carbone d’ici 2050, ce qui passe par le maintien des prairies, le développement des couverts permanents et de l’agroforesterie. C’est l’aspect atténuation. Il y a aussi le volet adaptation au changement climatique, c’est peut-être celui dont la réflexion est aujourd’hui la plus avancée du côté agricole, parce que ses impacts se font déjà sentir avec notamment la répétition d’épisodes de sécheresse. Dans tous les cas, il y a un changement climatique et un effort d’adaptation est à fournir au-delà de la réduction des émissions de GES et du stockage du carbone dans le sol.
Quel rôle joue le club dans l’atteinte de ces objectifs ?
Le club cherche aussi à proposer des solutions innovantes pour accélérer la transition bas carbone. Par exemple, il y a quelques années, nous avions organisé une table ronde sur la compensation carbone. Le constat était qu’il n’y avait plus de cadre de certification carbone en France depuis 2012. Dans le cadre du protocole de Kyoto, la France avait mis en place un mécanisme pour développer des projets carbone domestiques. La phase 2 du protocole n’étant pas en entrée en vigueur, ce dispositif a été arrêté en 2013. Les labels carbone internationaux n’ont donc plus voulu ou pu s’implanter en France. En l’absence de cadre de certification national, les entreprises françaises, quoiqu’elles auraient aimé compenser leurs émissions grâce à des projets locaux, l’ont fait à l’international. En parallèle, il y avait également des acteurs des filières agricoles et forestières qui mettaient en place des actions de réduction des émissions et qui auraient souhaité pouvoir se faire certifier. C’est dans ce contexte que l’on s’est dit qu’il fallait créer un cadre domestique de certification carbone. Nous avons donc monté, avec les membres du club et Carbone forêt bois, le projet Vocal qui a donné lieu au label bas carbone maintenant porté par le ministère de la Transition écologique et solidaire.
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