Séparation conseil et vente : la mission parlementaire veut réformer le dispositif
La mission parlementaire sur la séparation du conseil et de la vente des produits phytosanitaires a rendu son bilan mercredi 12 juillet. Les rapporteurs, Dominique Potier et Stéphane Travert, constatent que « ce n’est pas une réussite » et appellent à rénover le dispositif. Les réactions d’Olivier Bidaut, pour le négoce, et de Christophe Grison, pour la coopération.
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Persistance du conseil spécifique par les vendeurs, conseil stratégique embourbé, effets contre-productifs… Lancée début mai, la mission parlementaire a dressé son bilan sur la séparation du conseil et de la vente des produits phytosanitaires et a fait part de son échec, mercredi 12 juillet, à l’Assemblée nationale.
« Des effets contre-productifs »
« Ce n’est pas une réussite », charge le député socialiste de Meurthe-et-Moselle Dominique Potier, co-rapporteur de cette mission. « La mise en œuvre de la réforme, et en particulier la séparation capitalistique, a produit de nombreux effets contre-productifs, déplore le second co-rapporteur, Stéphane Travert, député Renaissance de la Manche. De nombreux vendeurs ont continué, malgré l’interdiction, de pratiquer un conseil de manière informelle. Les agriculteurs se sont ainsi peu tournés vers le conseil spécifique indépendant à cause de son coût et se sont tournés vers un système de la « débrouille », fondé sur des recherches internet ou des pratiques usuelles des années précédentes, et qui a conduit à des usages qui ne favorisent pas la diminution des produits phytosanitaires. »
Une remise en question qui rassure la distribution agricole. « On peut se féliciter qu’il y ait eu une prise de conscience sur le fait que ça ne fonctionne pas alors qu’on le dit depuis trois ans, réagit Olivier Bidaut, président de la commission agrofourniture de la FNA et dirigeant du groupe Issipa. Avec ce dispositif, nous ne pouvions pas proposer de solutions alternatives en mélange ou en combinatoire, puisque nous ne pouvions plus conseiller, c’était contre-productif. »
Une séparation opérationnelle plutôt que capitalistique
Alors que Dominique Potier avait annoncé à nos confrères d’Agra Presse qu’en cas de résultats non probants du dispositif, il s’agirait d’y renoncer ou de le réformer, qu’en est-il aujourd’hui ? « Il faut le réparer, affirme-t-il. Nous ne remettons pas en cause la séparation de la vente et du conseil, nous la réfléchissons autrement. » Pour Christophe Grison, président de la coopérative Valfrance et membre du bureau de La Coopération agricole, « c’est une agréable surprise de voir que la mission parlementaire est en accord avec ce qui se dit sur le terrain, sur le fait que la mesure est un échec et qu’il faut la revoir ».
Ainsi, les deux rapporteurs reviennent sur la séparation capitalistique au profit d’une séparation opérationnelle, où les distributeurs souhaitant de nouveau opérer un conseil spécifique créeraient une filiale dédiée. « On se félicite que le conseil puisse revenir dans les entreprises ; maintenant, il faut voir les contours de la loi, confie Olivier Bidaut. En termes d’organisation, cela pose notamment problème pour les petites entreprises où il n’y a que trois TC, il leur faudra des aménagements. »
« Un nouvel élan pour les TC »
Christophe Grison, lui, espère que cette réforme sera un nouvel élan pour les TC : « Avec la mise en place du dispositif, certains TC ont été déçus de voir le métier remis en question alors qu’ils accompagnaient les agriculteurs dans la transition en leur proposant des solutions alternatives. “Je ne veux plus travailler dans ses conditions, je veux une rupture conventionnelle”, ont fait part certains d’entre eux. »
De plus, les rapporteurs proposent de mettre en place une facturation différenciée pour davantage de transparence et mettent l’accent sur le renforcement des CEPP. « Si nous rendons le conseil aux vendeurs, il est essentiel de les responsabiliser et de leur fixer des objectifs qui soient exigeants », reprend Stéphane Travert. Ils souhaitent également mener une réflexion sur la mise en place d’un ordre des conseillers en matière de produits phytosanitaires, comme au Québec. « C’est un outil qui permettrait de renforcer les règles déontologiques de la profession », souligne-t-il. Christophe Grison émet des réserves sur le modèle québécois, car il n’en a « pas eu que des bons retours » et s’inquiète sur le délai de mise en place de cette nouvelle refonte.
Seuls 4 % de CSP réalisés
En outre, les auditions ont révélé les difficultés de mise en œuvre du CSP, « perçu comme une contrainte administrative inutile », retranscrit Stéphane Travert. Le nombre d’agriculteurs ayant réalisé leur conseil stratégique « est bien en deçà de ce qu’il devrait être », précise-t-il. Seuls 4 % des agriculteurs ont bénéficié d’un CSP au 22 mai 2023, représentant une réelle inquiétude pour le renouvellement des Certiphyto dès janvier 2024. Le député Renaissance de la Manche a notamment déploré le manque de conseillers et la qualité du conseil délivré.
Selon les rapporteurs, une adaptation du calendrier va être nécessaire. De plus, ils souhaitent revoir les référentiels pour les rendre plus exigeants, mais aussi augmenter le nombre de conseillers et, à terme, confier exclusivement cette mission aux chambres d’agriculture.
« La prescription par ordonnance »
« Les propositions que nous formulons sont des pistes de travail que nous souhaitons faire expertiser par le gouvernement, notamment dans le cadre d’un travail préparatoire qui pourrait être conduit par le CGAAER » conclut-il.
Toutefois, Dominique Potier met en garde : « Si d’ici 2025-2026, les propositions que nous formulons ne fonctionnent pas, il n’y aura plus qu’une seule solution, la prescription par ordonnance. »
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