Transition alimentaire : une dynamique renforcée
Dans le brouhaha de l’après-Covid-19, l’élan engagé dans la fameuse « transition alimentaire » semble plus que jamais d’actualité. Mais les paramètres seront-ils les mêmes ?
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Emue par les images d’émeutes et des rues de Bogota noyées sous le rouge des fanions criant la faim de ses habitants, j’ai eu un grand sentiment de futilité en pensant au présent article, prévu à l’origine sur la dynamique de transition alimentaire. Alors que même en France, des parents ne mangent pas pour nourrir leurs enfants. Le coup d’arrêt brutal de l’activité de tous les jours a fait basculer des équilibres bien précaires et ténus, et a entraîné la ruée dans les rayons des supermarchés, dévalisés sans souci du durable, du bio, de l’éthique ou du sain. Comme si tout ce mouvement qui remue depuis un certain temps la chaîne alimentaire française s’était brisé en quelques instants.
Pour autant, la dynamique de transition alimentaire n’a-t-elle pas tout son sens quand il s’agit de préserver l’écosystème, de favoriser une autonomie locale sécurisante, de garantir une rémunération juste aux producteurs, d’améliorer les conditions d’élevage ou de limiter le réchauffement climatique ? Et aussi de contribuer à prévenir les accidents de santé par une alimentation saine, équilibrée et riches en certains nutriments ? Une dernière tendance que la crise sanitaire actuelle met en exergue.
Tous ces enjeux ne sont pas l’exclusivité des plus nantis. Tous et toutes y sont confrontés. Il va falloir œuvrer à leur accessibilité, tout en priorisant l’accès à la nourriture dans un contexte où les greniers mondiaux peuvent encore nourrir tout le monde. Les modèles durables mis en place dans nos nations pourraient servir des pays qui n’ont ni les moyens, ni la disponibilité d’y travailler.
Des oméga 3 contre l’inflammation
Toutefois, la transition alimentaire amorcée depuis quelques années sera-t-elle demain composée des mêmes paramètres qu’hier, et auront-ils les mêmes place et valeur ? En conclusion d’une enquête (lire ci-contre) réalisée en mars-avril, l’association Bleu-Blanc-Cœur souligne que « la donne change en matière d’alimentation ». Pour étayer ce propos, elle cite Louis Pasteur : « Le microbe n’est rien, c’est le terrain qui est tout. » Sa directrice, Nathalie Kerhoas, explique que dans le cas du coronavirus, « c’est le syndrome de détresse respiratoire aiguë qui provoque la mort par excès d’inflammation. Si l’immunité se construit dans l’assiette avec les vitamines, oligo-éléments, fibres, antioxydants, la résistance à l’excès d’inflammation se construit avec les oméga 3. » BBC participera à une étude avec un CHU où les malades du Covid-19 seront supplémentés en oméga 3 dès l’admission. Et va proposer une supplémentation aux personnes fragiles.
Si « la santé va être au cœur de la consommation », comme l’affirmait Pascale Hébel, du Credoc, à la presse généraliste, elle n’est pas le seul facteur déterminant à venir. L’enquête de BBC pointe du doigt la recherche de produits locaux, une tendance préexistante et accentuée par la situation actuelle. Une tendance qui pourrait supplanter le bio, même si celui-ci est appelé encore à progresser, selon le cabinet Nielsen : « Le bio et les promesses alternatives pourraient convaincre de nouvelles cibles, conquérir de nouveaux territoires et, à terme, encourager leur présence dans le panier post-Covid des Français. »
Des choix stratégiques confortés
Ces tendances donnent encore plus de poids aux orientations déjà prises. « La recherche de produits français par nos clients nous conforte dans nos choix de promouvoir le “made in France” tout au long de l’année », nous répond l’enseigne Lidl qui développe des accords tripartites en viandes bovine, porcine et lait pour 20 à 22 % des volumes. Elle est aussi sur le front de l’aliment santé avec le Nutriscore qui couvrira 100 % de ses MDD, soit 90 % de ses références alimentaires, et avec une posture en pesticides l’amenant à accepter uniquement les fruits et légumes situés sous le tiers de la LMR. De même chez Auchan, on assure que la stratégie de filières responsables n’en est que renforcée. Lancées en 2014, ces filières devraient être au nombre de 200 lors du Sia 2021.
De son côté, Intermarché n’a de cesse, à grand renfort de publicité, de clamer sa solidarité au secteur agricole dont l’intérêt vital a été redécouvert par le grand public. Cette enseigne s’inscrit ainsi dans la continuité d’une ligne de conduite de rémunération équitable des producteurs alimentant ses usines en lait et viande. Elle en a fait son fer de lance depuis longtemps et la déploie vers d’autres filières (œufs, miel). Elle va aussi sur le terrain agroécologique, visant 100 %, en 2025, des pains de sa marque Campanière à base de farine de blé HVE.
Cette démarche ne peut que participer à cette valeur refuge que le consommateur recherchera dans un climat d’incertitude économique, selon Maximilien Rouer, cofondateur de La Note Globale, initiative de notation des produits selon six enjeux (environnement, nutrition-santé, économique, sociétal, transparence et bien-être animal). Intermarché est d’ailleurs l’un des membres fondateurs de La Note Globale, tout comme Auchan.
Un Engouement pour la note globale
La sortie en rayons, prévue en mars, des premiers produits étiquetés d’une note globale, aux détails accessibles sur Scan Up, a dû être reportée. Cependant, avec la crise, un véritable engouement se manifeste pour cette initiative de la part d’entreprises « qui viennent frapper à notre porte alors que c’était nous qui démarchions les acteurs de la filière jusqu’à la crise actuelle », relève Maximilien Rouer (lire ci-contre). Une tendance à suivre de près.
Hélène Laurandel
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