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L’achat responsable fait recette, mais…

Le dernier Baromètre Greenflex confirme les bonnes intentions des Français à vouloir consommer mieux et moins. Conjointement, les produits « responsables » se développent, selon une étude Xerfi. Cependant, on reste producteur de déchets et amateur de hard-discount.

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A parcourir le Baromètre Greenflex-Ademe 2019 sur la consommation responsable, on a le sentiment que le citoyen français tend vers la perfection. Certes, c’est du déclaratif qui s’appuie sur 127 questions soumises à 6 004 consommateurs français en mai 2019, concernant cinq secteurs d’activité dont les produits alimentaires. Sans oublier les 2 000 personnes interrogées dans cinq pays européens (Allemagne, Espagne, Italie, Royaume-Uni et Suède). Pour répondre à l’urgence de sauver la planète soulignée par 60 %, ils sont ainsi 80 % pour la France et 74 % pour les cinq pays européens à annoncer limiter l’impact de leur consommation, de tout leur possible (pour 13 à 15 %), ou en changeant quelques pratiques au quotidien (plus de 60 %).

Regard plus critique en bio

Il est d’ailleurs intéressant de remarquer que les six pays partagent un même trio de préoccupations environnementales : réchauffement climatique, biodiversité et déchets et plastiques. En outre, plus de 80 % des répondants des six pays souhaitent vivre dans une société où la consommation prend moins de place.

Ces préoccupations se retrouvent dans les critères d’achat d’un produit durable : pour 38 % des Français, un tel produit est garant de la protection de la planète. Et encore plus de la santé, pour 44 %. Cependant, ils ne se fient plus les yeux fermés à certains labels comme le bio. Ils sont 82 % à considérer que les produits bio ne se valent pas tous. Et c’est le local qui remporte la palme puisque 84 % préfèrent acheter un produit local et de saison que des fruits et légumes bio importés.

Un marché de 800 M€

L’achat dit « responsable » prend justement de l’ampleur selon une autre étude, réalisée par le cabinet Xerfi-Precepta et publiée en septembre. En effet, celle-ci évalue le marché français des produits alimentaires responsables, en GMS, à plus de 370 M€ de chiffre d’affaires en 2018, soit cinq fois plus qu’en 2016. En ajoutant les produits équitables Nord-Nord, les experts de ce cabinet d’études estiment le CA cumulé à plus de 800 M€, soit deux fois plus que celui des produits végétariens et vegans, mais toutefois douze fois moins que le bio. À l’horizon 2021, ce CA du marché équitable et responsable pourrait atteindre 1,7 milliard d’euros, avec une progression annuelle de 30 %.

L’offre se multiplie

Effectivement, les rayons des GMS voient l’épanouissement des marques comme « C’est qui le patron ? ! », « Les éleveurs vous disent merci ! » ou « La Boulangère bio ». Les références des produits « responsables » se multiplient, ainsi que les enseignes spécialisées dans le bio ou autre commerce de produits de proximité. Ainsi, Xerfi Precepta analyse que l’offre de produits responsables devrait progresser dans les filières porcines, bovines et laitières, voire le sucre. Pour mieux épouser cette dynamique, les enseignes de la grande distribution créent des partenariats comme Carrefour ou Leclerc avec « C’est qui le patron ?! ». Ou encore développent leur propre offre responsable sous MDD.

Le poids dans le caddie

Une initiative intéressante est celle du groupe Casino qui fait faire un travail d’analyse des tickets de caisse afin de mesurer le poids de l’écologie dans les caddies. Il a été observé une croissance de 23 % des ventes de produits alimentaires bio entre 2018 et 2019. Cependant, ramené au total des dépenses alimentaires, le poids du bio reste faible avec 6 %. Le lait équitable fait un bond de 70 % sur un an, avec un achat sur dix. Les autres rayons suivent le mouvement : + 28 % en lessive écolo, + 50 % en couches bio, + 40 % en déodorants bio.

Ce mouvement du « consommer autrement » se traduit aussi dans les appli consommateurs, telle « BuyOrNot » lancée il y a un an. Elle permet, au-delà de la composition du produit, d’accéder à son impact sociétal et de prendre connaissance de toute éventuelle campagne de boycott autour de la marque ou de l’entreprise.

Cependant, si la tendance du consommer autrement est bien prégnante, les actes d’achat ne traduisent pas forcément les bonnes intentions émises. L’analyse de Casino démontre bien le petit poids dans le caddie du bio et de l’équitable même si une dynamique existe.

Situation paradoxale

Pour enfoncer le clou de ce paradoxe, on peut noter l’expansion de hard discounter, certes peu versés dans l’alimentaire, comme Action, devenu la troisième enseigne la plus appréciée en France derrière Décathlon et Leroy-Merlin, selon le classement EY-Parthenon. Et depuis cet été, le hard discounter danois Normal fait ses premiers pas dans l’Hexagone, se positionnant sur le créneau d’Action. Des enseignes qui font la part belle aux importations.

D’autre part, la production de déchets reste importante, même si elle tend à reculer depuis dix ans. En prenant en compte les déchets ménagers, ceux des collectivités et professionnels (BTP, industrie, agriculture, activités de soin), l’association Cniid estime à 13,8 t de déchets produits par an et par habitant. Si de gros progrès sont enregistrés en termes de recyclage, il reste un gros travail à faire sur le front du gaspillage.

Hélène Laurandel

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