Kronenbourg montre les crocs
Pour ses 50 ans, Kronenbourg investit 100 M€ dans la plus grande brasserie de France afin d’accompagner la transformation du marché, et met la main à la poche en faveur de la filière houblon.
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Kronenbourg le sait : la conjoncture est favorable, le marché de la bière en France se redynamise. C’est ainsi que la filiale française du groupe Carlsberg (depuis 2008) a annoncé l’année dernière un plan d’investissement de 100 M€ dans son unique brasserie d’Obernai (Bas-Rhin). « Il s’agit d’accroître les capacités de production pour 40 % de l’investissement total, moderniser les équipements (40 %), et permettre des avancées en matière de sécurité des salariés et d’environnement (20 %) », détaille Stéphane Munch, directeur de ce site qui vient tout juste de fêter ses 50 ans. La consommation énergétique nécessaire à la fabrication d’un hectolitre de bière a déjà diminué de 40 % depuis 2000.
« Il est prévu la construction d’une nouvelle ligne de production d’une capacité annuelle de 500 000 hectolitres et l’augmentation des capacités de stockage de produits finis de 30 % », dévoile-t-il. De quoi tenir son rang, loin du premier tonneau scellé en 1664 dans une échoppe de Strasbourg…
La Tourtel en pleine forme
Outre cette position de premier brasseur français, le site d’Obernai héberge également le centre de R&D du groupe Carlsberg. Stéphane Munch met en avant ce « creuset de l’innovation » où sont créés toutes les nouvelles bières du groupe et tous les packagings pour le monde entier. « La majeure partie de notre activité, c’est pour Kronenbourg, qui est extrêmement dynamique dans l’innovation », précise Cathia Gross, directrice de la brasserie pilote. Le centre est aussi doté d’un laboratoire haute technologie d’analyses sensorielles où une flopée de tests sont menés auprès d’experts et de consommateurs. « Ce qui fait notre force, c’est notre capacité de compréhension du consommateur français, met en avant Marine André, directrice de l’innovation. On voit d’ailleurs qu’il a énormément évolué depuis dix ans. »
« Pour être en phase avec les nouveaux goûts et modes de consommation, nous avons accéléré la transformation de notre portefeuille, intervient João Abecasis, PDG de Kronenbourg. Une stratégie qui porte ses fruits puisque les trois segments sur lesquels nous avons concentré nos efforts, les bières de dégustation, sans alcool et aromatisées, représentent 29 % des ventes de Kronenbourg SAS en 2018, contre 21 % en 2015 et 10 % en 2010. » En une année, par exemple, les ventes de Grimbergen ont crû de 12,7 % et celles de Tourtel Twist de 30 %. Lancée en 2015, cette boisson à base de bière sans alcool et de jus de fruit, sans colorant, sans édulcorant et sans conservateur, s’affirme comme « la meilleure innovation bière de ces dix dernières années avec plus de 3 millions de foyers conquis et un taux de ré-achat de 52 % ». Ces derniers mois, Kronenbourg a encore lancé trois nouveautés en GMS : Grimbergen Pale Ale (bière de dégustation), Tourtel Twist pêche (sans alcool) et Skøll Moscow Mule (aromatisée). Au total, Kronenbourg affiche huit grandes marques et brasse cinquante breuvages.
Soutien au Comptoir
Si les innovations ne modifient pas l’approvisionnement en matières premières, ce sont les recettes qui changent. L’industriel souligne d’ailleurs l’expertise de ses 15 maîtres brasseurs, qui doivent maintenir la constance de goût quelle que soit la qualité, variable d’une année sur l’autre, des matières premières. C’est particulièrement vrai pour les lagers, ces bières légères dont le moindre écart de goût se décèle immédiatement, ce qui n’est pas le cas pour les bières aromatisées.
Côté matières premières justement, l’eau provient de la nappe phréatique des Vosges. Les 80 000 t/an (contractualisées pluriannuellement) de malt de blé, de seigle et surtout d’orge sont livrées depuis les Malteries de Strasbourg (Cargill) et les Malteries d’Alsace (Soufflet). « 97 % des céréales sont cultivées dans la région Grand Est, notamment en Lorraine, vante-t-on chez Kronenbourg, et on travaille beaucoup avec l’IFBM de Nancy au sujet des nouvelles variétés. » La brasserie consomme enfin, à raison de 1 à 2 g/litre de bière, 300 t/an de houblon, en provenance à 85 % d’Allemagne et des États-Unis, et à 15 % d’Alsace, Le Comptoir agricole fournit en intégralité la variété la plus emblématique, le strisselspalt, caviar du houblon. Le brasseur vient d’ailleurs de s’engager en 2019 à soutenir le plan de recherche du Comptoir pour les cinq années qui viennent à hauteur de 300 000 €. L’objectif est de développer des variétés de houblon inédites répondant à la fois aux nouveaux enjeux agronomiques et pédoclimatiques, ainsi qu’aux besoins du marché brassicole.
De surcroît, la Fondation Kronenbourg vient d’annoncer vouloir « jouer un rôle de catalyseur pour faire avancer les pratiques agroécologiques dans la culture du houblon ». Cette initiative vise à créer des références agronomiques, définir le modèle économique, encourager l’installation de nouveaux planteurs et renforcer l’attractivité et la spécificité du houblon alsacien. Les premiers essais sont programmés pour le printemps 2020. Elle sera menée en partenariat avec l’Association des producteurs de houblon d’Alsace, le mouvement Pour une agriculture du vivant et le lycée agricole d’Obernai. Ce dernier a pris le tournant du bio il y a une dizaine d’années, mais, estime Freddy Merkling, directeur de l’exploitation agricole du lycée, « on a encore beaucoup de travail, même après dix ans de conversion ». La perte de rendement étant toujours comprise entre 15 et 30 %.
Renaud Fourreaux
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