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INTRANTS Appros : la tétanie

La récolte à peine rentrée, il faut penser à la prochaine. Mais il est difficile d'investir pour les agriculteurs, ce qui pèse sur tous les marchés appros.

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«Aujourd'hui, il y a deux objectifs numéro un : vendre une collecte compliquée et que les agriculteurs sèment dans les meilleures conditions », résume Vincent Magdelaine, directeur de Coop de France Métiers du grain. Si le consensus est total pour dire qu'il ne faut pas hypothéquer la prochaine récolte, réinvestir dans les appros n'est pas facile pour des céréaliers secoués par la moisson catastrophique de l'été. Tous les marchés, engrais, semences et phytos sont touchés (lire aussi p. 16-17). Quant au machinisme, les investissements sont au point mort.

Débandade en engrais de fond

C'est le secteur des engrais qui pâtit le plus. « L'azote est incontournable, estime Didier Thierry, directeur de Soufflet Agriculture. Mais en potasse et phosphore, on s'attend à une baisse importante de leur utilisation, en fonction, bien sûr, des cultures. C'est la famille d'intrants qui sera la plus affectée. » Le constat des fabricants est alarmant. « Les producteurs d'engrais enregistrent actuellement très peu de commandes alors que septembre est traditionnellement une période de réappro, observe Thierry Mestrallet, directeur commercial chez ICL fertilizers. Ça va être très calme jusqu'à fin octobre, le temps que la distribution liquide ses stocks faits en morte-saison, elle-même déjà moins active qu'à l'accoutumée. » La chute cette année sera relativement forte en engrais de fond. Et, à moins d'un vrai retournement de conjoncture, certains pensent que ce sera dur pour plusieurs années. Chez Lhoist agriculture, Olivier Peltier, responsable agronomie et stewardship s'inquiète : « Ça va très très mal pour les AMB. L'avant-moisson était déjà en retrait en raison du contexte en élevage, et l'après-moisson, qui est la grosse période pour la production de carbonates, est encore pire. La production est réduite de 30 à 70 %, selon les produits. C'est compliqué de faire tourner les sites notamment ceux inféodés à l'agriculture. On n'en est pas encore là, mais il faudra peut-être à un moment rectifier les effectifs. »

La logistique à anticiper

En semences, le premier problème s'est posé sur la production. « La profession s'est mobilisée assez tôt, nous avons demandé des dérogations R2, ce qui a permis de sécuriser les approvisionnements », note Sophie Lejealle, à l'UFS. L'inquiétude désormais, c'est le taux d'utilisation des semences certifiées qui devrait baisser. En BTH, il était déjà en retrait en 2015, l'UFS l'estimait à 49 %, contre 54-58 % l'an passé. « Notre crainte, c'est qu'il n'y ait pas de traitement de semences, alors que les grains n'étaient pas très sains cette année », alerte Vincent Magdelaine. Autre conséquence, plus difficile à évaluer : l'évolution des assolements. La sole de colza notamment pourrait reculer. La problématique pour les phytos devrait moins concerner les volumes vendus que la logistique, avec un décalage des dates d'achats au plus près des utilisations. « Les répercussions ne seront pas en priorité sur les phytos, compte tenu de leur place sur le poste de charge », analyse Jean-Jacques Pons, directeur commercial chez BASF Agro. « Dans un premier temps, la réaction légitime et à chaud des agriculteurs sera de serrer les boulons. Soit, en phytos, réduire les achats en morte-saison, faire coïncider au mieux la période d'achat à la période d'utilisation et passer sur des programmes de traitement moins coûteux. Il va falloir anticiper encore plus que d'habitude en jouant dans la mesure du possible sur les planifications de production. Et nous ferons le maximum pour adapter les stocks à notre niveau », observe Patrick Ferbeck, directeur commercial de Bayer CropScience.

Les TC en première ligne

D'après Jean-Baptiste Barbazanges, à la tête du réseau Actura, les fongicides devraient plus en pâtir que les herbicides. C'est le décalage des achats qui va être plus délicat à gérer. « Nous allons devoir stocker sur une période plus longue, mais nous en avons la capacité. En revanche, il faudra être vigilant sur les besoins en fonds de roulement des entreprises. »

Si le climat pour les achats est à l'attentisme, coops et négoces se mobilisent pour faire face à cette paralysie, notamment avec des plans d'accompagnement. Et sur le terrain, les TC font le tour des fermes. « Encore plus que d'habitude, nos équipes s'investissent pour analyser, conseiller, orienter les agriculteurs et faire remonter les prévisions en intrants », appuie Didier Thierry, chez Soufflet. La profession se mobilise aussi au niveau national. Mi-septembre, « la FC2A a porté à Matignon un projet de décret pour obtenir une dérogation concernant les délais de paiement », explique Sébastien Picardat, directeur de la FNA, et ce, vis-à-vis des agriculteurs et des fournisseurs. De fait, la LME accorde 45 jours fin de mois, et 60 jours date de facturation. Avec une différence entre coop et négoces : « Dans la relation entre la coopérative et son adhérent, il y a la possibilité d'octroyer des délais de paiement », rappelle Vincent Magdelaine. Cette position de la FC2A a été prise aussi par InVivo, mais pas par Coop de France. InVivo se démarque aussi par une demande peu ordinaire aux fournisseurs : celle d'une « participation exceptionnelle », qui serait reversée aux agriculteurs via les coopératives. Auprès des firmes interrogées, la concertation ne semble pas avoir été de mise, la surprise primant : « C'est une position unilatérale d'InVivo », qualifie un opérateur...

La rédaction

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