Le baromètre Les opérateurs restent confiants pour le bio
Si la situation pour le bio est tendue, entre tassement du marché français et crise ukrainienne, les opérateurs sont optimistes et s’organisent pour préparer l’avenir.
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Selon notre enquête ADquation, un quart des agriculteurs déclarent avoir déjà songé à passer en bio, une proportion stable par rapport à mai 2020. « Je trouve ce résultat assez positif, réagit Bastien Fitoussi, responsable filières biologiques à La Coopération agricole. Il signifie que les agriculteurs ne se sont pas arrêtés à des articles alarmistes. » De fait, le ralentissement du marché bio en France a fait couler de l’encre, même si les derniers chiffres de l’Agence bio révélés le 10 juin relativisent (lire encadré).
Autre résultat, 41 % des exploitants ont déjà réalisé une étude de faisabilité pour passer en bio, contre 31 % en 2020. « Une croissance de 10 %, c’est important », se réjouit Bastien Fitoussi. Mais 31 % ne vont pas donner suite, contre 19 % en 2020. « Cela montre que ce n’est pas tout à fait le moment, mais les agriculteurs sont prêts à repartir », positive le responsable.
Blé bio à 470 €/t
À la Corab, coopérative charentaise 100 % bio, « on voit un ralentissement des conversions, mais ce qui est important, c’est que la croissance des conversions soit en phase avec la demande », rappelle Jérôme Allais, responsable pôle production. Il n’est pas inquiet d’un manque de producteurs. « ll y a toujours des jeunes qui s’installent. Aujourd’hui, c’est presque normal de se poser la question de passer en bio, alors qu’il y a 10-15 ans on se demandait ce qu’allaient penser les voisins. »
« Il faudrait voir dans un an, peut-être que certains vont reporter leur conversion au vu des cours des céréales en conventionnel », envisage Jérôme Caillé, président de la commission filière biologique de La Coopération agricole, reconnaissant que les incertitudes sur la Pac ont pu freiner des passages au bio. Fin mai, le blé bio affichait 470 €/t, contre 430 €/t en conventionnel. « Un chiffre à relativiser, car les clients ne se positionnant pas encore, c’est une estimation », nuance Marianne Sanlaville, responsable structuration des filières bio à La Coopération agricole Occitanie. « Personne ne s’engage », confirme Ludivine Quillec, à la tête d’Arcour bio (Active bio et Trace 86), qui commercialise les volumes d’agriculteurs bio stockeurs, et importe du bio. Si l’écart de prix entre bio et conventionnel se réduit, ce n’est pas le cas des rendements. « Sur le blé en bio, dans notre zone, on est à 2,5 à 3 t/ha, contre 5 à 6 t/ha en conventionnel », rappelle Jérôme Allais.
Peu de déclassements
Les agriculteurs bio vont-ils vendre leurs productions végétales en conventionnel ? « Certains l’ont fait un peu, pour des engagements avant récolte, car ils avaient besoin de trésorerie, ou des capacités de stockage limitées impliquant un dégagement rapide pour la culture suivante. Mais au final, ces volumes partiront peut-être quand même en bio », observe Ludivine Quillec. À la Corab, si Jérôme Allais reconnaît des inquiétudes initialement, « quand on interroge les producteurs, ils nous suivent. C’est anecdotique chez nous. »
Y a-t-il des risques de déconversions ? « Chez nous, les producteurs préféreraient plutôt arrêter l’agriculture que de repartir en conventionnel, analyse Jérôme Allais. Il y a vraiment une conviction. » Lors d’un webinaire organisé le 9 juin par l’Aftaa, Gilles Renart, responsable mise en marché bio chez Axéréal, s’est voulu rassurant. « Sur les dernières années, nous n’avons pas constaté de déconversions significatives. Ponctuellement, il a pu y avoir des lots déclassés, sans pour autant se déconvertir. » Ces remontées terrain sont confirmées par les chiffres de l’Agence bio : en 2021, les sorties du bio représentent 4,17 % des fermes, contre 4,02 % en 2020. « En outre, plus de la moitié des sorties du bio sont des départs à la retraite et non des agriculteurs qui renoncent à produire bio », ajoute l’agence. En 2021, 13,4 % des exploitations françaises étaient en bio, soit 10,34 % de SAU.
Communication #BioRéflexe
Quant au ralentissement du marché bio, la filière ne reste pas simple spectatrice. « On veille à l’adéquation offre et demande et on travaille à la reprise du marché », note Bastien Fitoussi. Une campagne de communication nationale à 1 M€, à l’initiative de l’Agence bio, Natexbio-Maisons de la bio et des interprofessions, a été lancée fin mai autour du slogan « Pour nous et pour la planète, #BioRéflexe ». Le secteur attend aussi beaucoup des 20 % de bio dans les cantines actés par la loi EGalim. « On en est loin aujourd’hui », souligne Bastien Fitoussi. Lors du webinaire Aftaa, Gilles Renart a évoqué deux opportunités à saisir. D’une part, miser sur l’origine France. « Segmentons et faisons du français en affichant local et en le valorisant auprès du consommateur qui est prêt à le payer. » D’autre part, regarder vers l’export. En raison de la guerre en Ukraine et de la flambée des cours en conventionnel, « on a eu un effet de déclassement du bio, mais beaucoup plus important a été le bio qui est parti à l’export, notamment sur le Benelux, auprès de fabricants qui étaient probablement couverts en origine mer Noire et qui se sont trouvés piégés », ajoute Gilles Renart. Chez Ludivine Quillec aussi, si ses débouchés étaient essentiellement français jusqu’à présent, « on commence à parler de l’export », même si rien n’est concret pour l’instant. À la Corab, la logique de « diversifier les productions, d’aller sur des cultures à forte valeur ajoutée et de planifier nous rassure », explique Jérôme Allais. Ses volumes sont en écrasante majorité contractualisés. Si tous reconnaissent que le contexte est difficile, les différents opérateurs sont confiants pour l’avenir. « Des moments durs comme celui-là, on en a eu, et pour autant le bio n’a pas disparu », appuie Ludivine Quillec. « Le climat nous inquiète plus que le commerce », fait part Jérôme Allais. Un sujet qui concerne autant les bios que les conventionnels.
Marion Coisne
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