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Le goût des plantes

Lors d’essais menés dans la ferme expérimentale de Nutricia, la mélisse a confirmé son action antioxydante. Thierry Le Quay/Biosphoto

La lutte contre l’antibiorésistance accélère l’intérêt de solutions à base de plantes pour soutenir l’animal, prévenir ou lutter contre un problème de santé. Mais le secteur a besoin d’un cadre réglementaire et technique pour éviter les surenchères.

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Si certaines plantes sont naturellement interdites en raison de leurs propriétés toxiques dans la nutrition animale, un nombre croissant de produits à base de plantes est utilisé pour soutenir l’immunité des animaux, prévenir, voire lutter contre certaines pathologies. Leur usage a même explosé depuis l’interdiction des antibiotiques facteurs de croissance, puis dans le cadre des programmes de lutte contre l’antibiorésistance, en complément des mesures de biosécurité. « Les produits à base de plantes ont toute leur place pour répondre aux enjeux de santé et de bien-être des animaux d’élevage », résume Géraldine Chanu, directrice de l’Afca-Cial qui fédère les fabricants d’aliments complémentaires, de prémélanges d’additifs et les fournisseurs d’additifs et d’ingrédients fonctionnels.

De nombreux produits disponibles

De nombreux produits commerciaux sont d’ailleurs disponibles sur le marché, mais avec des allégations, coûts et résultats très variables, dans une certaine confusion réglementaire. « Il faut commencer par caractériser les extraits en utilisant des méthodes validées », martèle Denis Bellenot, de l’Itepmai, l’institut technique des plantes à parfum, médicinales, aromatiques et industrielles, car selon le mode de préparation et l’origine de la plante, sa concentration en produits actifs et en métabolites secondaires peut être très variable.

Durant trois ans, l’Itavi et l’Inrae ont conduit avec l’Itepmai le projet Mexavi pour identifier des éléments factuels sur la qualité, la stabilité, l’innocuité et l’efficacité des produits à base de plantes pour le renforcement des défenses naturelles des volailles. L’enjeu est important pour les productions animales, mais aussi pour la filière des plantes à parfum, aromatiques et médicinales (PPAM). Si 3 % des aliments pour volailles produits en France incorporaient 1 % d’un extrait d’échinacée, cette filière devrait fournir 2 100 t d’extraits et donc mobiliser 4 200 ha, soit 10 % de la surface utilisée pour les PPAM dans l’Hexagone, selon l’Itavi.

À l’occasion du colloque, organisé par l’Itavi et l’Inrae le 22 octobre à l’issue de Mexavi, Géraldine Chanu a annoncé la sortie du guide de bonnes pratiques pour l’utilisation de plantes et de produits à base de plantes, proposé par l’Afca-Cial en libre accès. « Ce guide permet d’accompagner la profession sur des points difficiles à interpréter, comme les critères à prendre en compte pour déterminer le statut des produits. Certains sont clairement des additifs, d’autres des matières premières, mais beaucoup ont un statut incertain. » Catherine Experton, responsable du pôle élevage à l’Itab, l’Institut de l’agriculture et de l’alimentation biologiques, renchérit : « Toutes les plantes utilisées avec des allégations thérapeutiques sont des médicaments, mais il n’existe que huit médicaments à base de plante avec AMM. »

Les éleveurs bio ont probablement été les premiers à utiliser massivement de tels produits pour des effets divers : répulsifs pour l’ail, le géranium et le lavandin ou immunostimulant pour les échinacées et le ravintsara, par exemple. Certains sont aussi utilisés pour corriger des carences (ortie, prêle), en prévention de situation de stress, dans un contexte parasitaire, dans un objectif métabolique… « Il existe une réelle ambiguïté de positionnement pour un usage en santé. Ainsi, le thym saturéoïdes, utilisé pour ses propriétés antibactériennes, n’a pas de statut d’additif alors qu’il est présent sur la liste des compléments alimentaire pour l’homme. Eucalyptus citriodora, utilisé pour ses propriétés anti-inflammatoires, est de son côté à la fois additif pour l’animal et complément alimentaire pour l’homme », détaille la spécialiste. L’Itab a recensé 62 produits utilisés dans 203 usages, aux trois quarts préventifs. L’institut a donc établi une liste de plantes, « à dire d’experts », qui exclut les plantes toxiques, notamment celles de la liste B de la pharmacopée, et qui inclut des plantes à usage alimentaire chez l’homme et/ou chez l’animal, ainsi que des plantes d’usage libre et courant chez l’homme en soin par les plantes. Plusieurs listes de plantes utilisables en élevage et de plantes interdites existent, notamment au Canada, et il faut faire le tri dans toute cette information.

Avoir un cadre sécurisé

La recherche privée comme publique est très active et donne des résultats concrets, mais pour démarrer, il faut pouvoir faire confiance à la littérature scientifique. « Il existe une multitude d’articles aux résultats plus ou moins fiables et reproductibles. D’où l’intérêt pour nous de la grille d’analyse de la bibliographie construite par l’Itavi, et disponible gratuitement, pour sélectionner les extraits d’intérêt », souligne Virginie Michel, en R&D chez Wisium (ADM).

Viennent ensuite les confirmations sur le terrain. Dans le cadre de Mexavi, deux extraits, mélisse et ginseng, ont été testés dans la ferme expérimentale de Nutricia, dans des conditions suboptimales et donc plus proches de conditions potentielles d’un élevage (sans l’être tout à fait cependant) qu’une station de recherche. « La mélisse confirme son activité antioxydante et le ginseng son effet anti-inflammatoire. Dans notre essai, nous avons été plus loin en allant jusqu’à la qualité de la viande, et il existe une réelle piste d’amélioration avec l’extrait de mélisse », constate Camille Bourrier-Clairat, en R&D chez Nutricia.

« L’objectif de l’Afca-Cial avec son guide de bonnes pratiques, qui refond complètement le précédent guide de 2007, est d’avoir un maximum de produits disponibles sur le marché dans un cadre sécurisé », explique Pierre Chicoteau, administrateur Afca-Cial et PDG de NorFeed. L’outil liste les procédés d’obtention, les produits mais aussi les exclusions (dont les risques de toxicité et de… dopage), ainsi que le positionnement réglementaire actuel en allant jusqu’à l’étiquetage et la communication.

Les enjeux sur le marché sont soulignés par les prises de positions des différents acteurs. L’Autrichien Biomin, positionné sur le créneau depuis 1983, vient par exemple d’être racheté par le géant néerlandais des additifs, DSM.

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