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Le blé dur au fond du trou

Christian Watier

Alors que les cours du blé dur se sont nettement raffermis depuis cet automne, ce sont les conditions climatiques très humides lors de la saison automne-hiver qui empêchent cette fois-ci une remontée des surfaces. La filière ne parvient pas à rebondir.

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Après trois campagnes de faibles prix, 2019-2020 est franchement mieux orientée pour le blé dur à la suite d’une mauvaise récolte mondiale en quantité et en qualité. La marchandise française, liquide et de très bonne qualité semoulière, a pu bénéficier de courants d’affaires jusque-là. « Il y a eu une telle incertitude sur la qualité du blé dur canadien que certains acheteurs se sont sécurisés précocement », relate Nicolas Prévost, directeur commercial de Durum (Axéréal/Arterris). Dommage que les volumes ne soient pas au rendez-vous, malgré le plan de relance de la filière il y a cinq ans. Et à nouveau, quelle campagne qui s’annonce ! Au 29 janvier, il restait 30 000 ha à semer, 20 000 ha rien que dans la région Ouest-Océan.

Au plus bas depuis 1997

Arvalis qui tablait initialement sur une stabilité, voire une légère reprise de la sole nationale, a dû revoir ses prévisions à la baisse. Elle devrait finalement à nouveau s’éroder de 4 %, à 240 000 ha, soit « un plus bas depuis vingt à vingt-cinq ans », selon Matthieu Killmayer, animateur de la filière blé dur chez Arvalis. Pour rappel, les 500 000 ha avaient été dépassés en 2010, et même encore 400 000 ha en 2016. 240 000 ha pourraient mener à une production comprise entre 1,2 et 1,26 Mt. Il faudrait alors remonter à 1997 pour retrouver un niveau plus faible. Sachant que l’on peut considérer que le potentiel est déjà entamé de 20 % pour les blés semés après les fêtes.

Si l’Ouest-Océan voit rouge cette année, la chute des surfaces se poursuit inlassablement dans le Sud-Est, où elles ont été, en trois ans, divisées par deux, à 40 000 ha. Tous les regards étaient tournés vers cette région lors de la journée blé dur organisée par Arvalis, à Aix-en-Provence le 4 février. Les capacités de stockage, pourtant nombreuses dans la région, sont à moitié vides. Même le président de GPS, Serge Vernet, ne cultive plus que 25 ha de blé dur contre 120 auparavant. C’est dire !

Comment en est-on arrivé là ? Un marché peu porteur conjugué à une succession d’aléas climatiques bien sûr, mais les acteurs de la filière dénoncent des soutiens à la Pac plutôt orientés vers la non-production, le montant unitaire de l’aide couplée étant descendu à 37 €/ha au titre de 2018 (avant de remonter à 55 €/ha en 2019 avec la régression des surfaces). Ce qui conduit à une extension des friches. La Safer de la région vient d’ailleurs de mettre au point une application, Open Friche Map, afin de recenser les zones non cultivées et éventuellement pouvoir agir derrière. Face à cette situation de fragilité en général et à cette spirale négative en zone méditerranéenne, la région Sud-Paca a d’ailleurs lancé son propre plan de filière grandes cultures en décembre.

Des labels à travailler

Si tout le monde exhorte « à mieux se parler et se comprendre », force est de constater qu’aucune initiative n’a réellement émergé ces dernières années. En coulisses, certains pointent du doigt une responsabilité de l’industrie. Panzani, de son côté, annonce vouloir travailler sur le label rouge et rappelle ses engagements à horizon 2025 : un approvisionnement en blé dur 100 % français et des pâtes 100 % zéro résidu de pesticides. « Il faut aller vers ce segment-là, plaide Édouard Cavalier, président de l’association Blé dur développement. Le mistral nous permet de faibles IFT. » Le local, le label rouge, la HVE ? « Bien sûr, c’est de l’accès au marché, répond Édouard Cavalier. Mais ce qui nous permettra de valoriser, ce sont les contrats de filière. » Tout en militant pour une réintégration des aides Pac à la production ainsi qu’un soutien à la recherche.

Ces attentes sociétales (traçabilité, zéro résidu, empreinte carbone) modèlent la demande industrielle et, derrière, la relation commerciale, rappelle Nicolas Prévost. « Cela demande un travail majeur pour l’OS, notamment sur la traçabilité des pratiques. » Quant à la labellisation, « la demande est là, la production française est en train de s’organiser. Mais l’intérêt se limite pour le moment au marché français. À moyen terme, il le sera dans les pays importateurs. » Frédéric Brognart, directeur de la semoulerie de Bellevue (Panzani), reste « très optimiste » en citant les opportunités d’utiliser le blé dur au-delà des pâtes pour faire du pain, de la pâte à pizza, des pâtisseries orientales, etc. Et de capitaliser sur le Nutri-Score des pâtes (A).

Renaud Fourreaux

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