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SANTÉ Mangez des nitrates !

Largement décriés, nitrates et nitrites font pourtant l'objet d'une réhabilitation par toute une frange de la communauté médicale.

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Et si la toxicité des nitrates n'était qu'une fable ? Pour le membre de l'Académie de médecine, Jean-Marie Bourre, c'est l'évidence même. " L'oxyde nitrique joue un rôle bénéfique sur le système cardio-vasculaire et l'hypertension pulmonaire. Louis Ignarro a reçu le prix Nobel de médecine en 1998 pour avoir montré cela ", rappelait-il lors d'un colloque organisé à l'hôpital de la Pitié-Salpétrière à Paris, le 31 mars dernier, et consacré aux effets positifs sur la santé des nitrates, nitrites et oxyde nitrique.

La norme de 50 mg/l chahutée

Cet événement rebondissait sur un premier colloque similaire qui s'était déroulé au Sénat en 2000. Et en dix ans, hormis la zone d'ombre autour des possibles effets cancérigènes, toujours pas vraiment éludée par les nombreuses études épidémiologiques contradictoires, l'état des connaissances a connu une véritable révolution. On savait déjà que la consommation abondante de fruits et légumes, riches en nitrates, était protectrice contre les accidents cérébraux et coronariens. Tour à tour, des médecins sont venus présenter de nouveaux résultats assez éloquents. " Mangez des nitrates, ça vous fera du bien ! ", a résumé un brin provocateur le nutritionniste Marian Apfelbaum, de l'hôpital parisien Bichat. " Consommer des nitrates dans l'eau de boisson est complètement inoffensif excepté si l'eau est pleine de microbes ", ajoutait-il, en évoquant la méthémoglobinémie. C'est d'ailleurs cette " maladie bleue " du nourrisson (dont il n'y a semble-t-il aucun cas avéré avec l'eau du robinet dans les pays industrialisés) qui est à l'origine de la norme des 50 mg/l de nitrates autorisés dans l'eau de boisson en Europe, et en bout de chaîne à la contraignante directive nitrates. Même l'Organisation mondiale de la santé commence à vaciller concernant cette valeur maximum qui paraît médicalement injustifiée.

Une acceptabilité sociale nulle

" Ne faudrait-il pas plutôt introduire une limite minimale en nitrates ingérés nécessaires pour rester en bonne santé plutôt qu'un maximum, qui n'a jamais été prouvé être dangereux pour la santé ? " C'est en tout cas la question posée par Nigel Benjamin, professeur de médecine à l'université d'Exeter, au Royaume-Uni. Comment faire bouger les choses ? Nathan Bryan, de l'université texane de Houston, propose d'évoquer ces sujets entre spécialistes une à deux fois par an, de réaliser régulièrement des analyses risques/bénéfices basés sur des essais cliniques et de contribuer à une prise de conscience générale. " Quoi que vous fassiez, le législateur ne changera rien ", se résigne pourtant Jean-Marie Bourre. En ce moment, l'acceptabilité sociale des nitrates est nulle. " Et il n'a pas tort. Pas plus tard qu'en janvier dernier, dans le magazine60 millions de consommateurs,un dessin représentait une consommatrice dans un rayon qui demandait : " Pouvez-vous me conseiller une eau riche en nitrates ? C'est pour empoisonner quelqu'un à petit feu. " Et tout récemment, le 11 avril, était dévoilée une étude (la première évaluation européenne pour l'azote) menée par 200 experts de 21 pays concernant les dépenses induites par la consommation d'engrais azotés sur la santé et l'environnement : entre 150 et 740 € par personne et par an. Au niveau européen, ce coût représenterait plus du double des bénéfices résultant de l'utilisation de l'azote dans l'agriculture ! Mauvaise coïncidence.

Renaud Fourreaux

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