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Séparation conseil et vente  Pour le CGAAER, « les petites structures disparaîtront »

Le rapport de 43 pages, téléchargeable sur le site du ministère, évoque à terme la mise en place d'une ordonnance phytosanitaire préalable à la délivrance des produits.

Depuis le 14 mars, le rapport sur les conséquences pour les entreprises de la distribution agricole de la séparation du conseil et de la vente pour les produits phytosanitaires est en ligne. Commandé à l'été 2018, il a servi de base au texte de l'ordonnance.

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Le 2 juillet 2018, le CGAAER (Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux) et le CGEDD (Conseil général de l'environnement et du développement durable) se sont vus notifier une mission : celle d'évaluer les impacts de la future séparation du conseil et de la vente pour les phytos, et de proposer différents scénarios. Durant les semaines qui suivirent, les rapporteurs ont fait le tour de la distribution agricole pour des entretiens. Parmi les structures interrogées, Coop de France et FNA, des coopératives (Acolyance, Euralis…), des négoces (Soufflet, Perret), des ONG (FNE)… Le rendu de 43 pages, daté d'octobre 2018, s'intitule « Conséquences de la séparation des activités de conseil et de vente de produits phytopharmaceutiques », qui a servi de base à l'ordonnance, est en ligne sur le site du ministère de l'Agriculture­. Il rappelle la genèse de la mesure : « Le législateur a estimé que l'agriculteur ne dispose pas d'une indépendance suffisante pour effectuer ses choix d'interventions phytosanitaires. Celles-ci sont trop directement influencées par son environnement technico-économique qui promeut une approche très assurantielle de la couverture phytosanitaire et dont le modèle économique en dépend en partie. »

Le conseil pour les grands groupes

Les auteurs se sont penchés sur la distribution agricole post-séparation. Pour eux, « les grands groupes coopératifs, soucieux de répondre à la demande de l'aval et des consommateurs de moins de produits phytopharmaceutiques, choisiront probablement de garder le conseil, laissant à des groupements d'achats ou à des plateformes spécialisées le soin de mettre à disposition les produits, a priori à un prix moindre. » Pour les coops et négoces dont le chiffre d'affaires repose pour l'essentiel sur les appros, ils « seront tentés de maintenir la vente de produits ; pour ces entreprises, dont le modèle économique repose souvent sur une adaptation fine aux demandes des filières territorialisées, se posera la fragilité juridique résultant de l'inter­dic­tion de prodiguer des conseils (au-delà des informations relevant de la stricte sécurité) ». Quant aux petites structures, elles « peineront à trouver des voies d'adaptation au nouveau contexte réglementaire ».

Deux structures au lieu d'une pour les coops

Quant à la réorganisation des entreprises, les auteurs évoquent une scission en deux structures pour les coops : « L'une prenant en charge l'aval de l'agriculteur avec les conseils agronomique et phytosanitaire et l'autre les approvisionnements ; la seule obligation sera alors de veiller à ce que les conseils d'administration et les directions des deux entités soient disjoints ». Avec un bémol : « La faible rentabilité des activités de collec­te et la difficulté à facturer le conseil agronomique à sa vraie valeur fragiliseront le modèle économique ». Les rédacteurs notent aussi une possible ubérisation de la distribution de produits phytos. Quant aux entreprises dont le modèle économique est fondé sur l'approvisionnement, « elles se verront freinées dans leur évolution d'un métier fondé sur la quantité du produit vendu vers un autre où la fourniture d'un service (la sécurité phytosanitaire) se substituerait progressivement à la vente de produit. La mission reste interrogative sur la capacité de certains acteurs de cette catégorie à s'adapter, notamment ceux de taille intermédiaire et spécialisés. »

La fin programmée des petites structures

L'avenir s'annonce encore plus sombre pour les plus petites structures : « Elles ne pourront probablement pas s'adapter à ces nouvelles règles ; elles disparaîtront ou seront absorbées. Ceci risque de conduire certains territoires et certaines productions à devenir orphelins de tous services d'amont. » La mission s'interroge sur les conséquences en termes d'emploi, estimant qu'entre 3 000 et 4 000 emplois seront concernés par cette séparation. Notamment, quelle « capacité des actuels technico-commerciaux qui représenteront l'essentiel des emplois concernés à se reconvertir dans un délai contraint » ? D'où une recommandation d'un délai minimum de deux campagnes culturales pour l'application de la séparation capitalistique des activités de vente et conseil.

Vers une ordonnance phytosanitaire ?

Les auteurs évoquent aussi l'hypothèse de conditionner la distribution de produits phytosanitaires à une prescription comprenant une liste positive de spécialités. Elle indique que cette option « fait pour l'instant figure d'épouvantail pour la profession agricole qui estime que le niveau de formation des chefs d'exploitation leur permet de prendre les décisions par eux-mêmes, ce qui n'est pas démontré dans tous les cas ». Et propose d'approfondir le scénario à titre prospectif, afin, « à l'échéance d'une dizaine d'années, d'instituer l'obligation d'un conseil prescriptif qui constituerait une condition préalable à l'achat de produits phytopharmaceutiques par un exploitant agricole. Ce conseil serait ponctuel et directement prescriptif (ordonnance phytosanitaire préalable à la délivrance) et viendrait en complément du conseil annuel proposé plus avant (en assurant un suivi pour ne pas rentrer dans un programme systématique annuel). »

Marion Coisne

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