Conseil et vente phytos Se réinventer après la séparation
Depuis le 1er janvier 2021, les distributeurs ne peuvent plus vendre des produits phytos et conseiller les agriculteurs sur le sujet. La réforme, dont certaines règles restent ambiguës, entraîne une cascade d’évolutions dans les entreprises. Elle redéfinit le rôle du TC, et plus largement la stratégie d’accompagnement des producteurs. Tour d’horizon de ces changements, témoignages à l’appui. Par Marion Coisne
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Promesse tenue. En 2017, le candidat Macron inscrivait la séparation du conseil et de la vente à son programme. Quatre ans plus tard, la mesure est en vigueur, avec pour objectif, « prévenir tout risque de conflit d’intérêts », comme le rappelait le préfet Bisch dans un rapport en décembre dernier. La transposition en réglementation fut un casse-tête : si la mesure a été actée dans la loi EGalim fin 2018, la profession a dû attendre octobre 2020 pour avoir le détail des textes, pour une entrée en vigueur au 1er janvier 2021. La quasi-totalité des coopératives et négoces ont choisi la vente, renonçant au conseil phytos. Y compris des structures s’étant initialement positionnées pour le conseil, à l’image de Bourgogne du Sud (lire p. 33). En cause, la sortie tardive des textes et leur contenu. Finalement, les vendeurs pourront continuer à faire de l’observation et du diagnostic au champ, un moindre mal par rapport aux craintes initiales.
La vente, pour l’instant
« C’est compliqué de s’organiser en claquant des doigts. Après, on peut revoir notre position », résume Michel Brard, directeur distribution professionnelle et métiers du grain chez Eureden, qui a choisi la vente. Rien ne dit en effet que les choix faits soient définitifs. « Il est possible que plus tard, des négoces basculent vers le conseil », reconnaît François Gibon, délégué général de la FNA. Début 2021, le choix du conseil était connu seulement pour deux coopératives : Euralis (lire p. 34) et Limagrain. Les chantiers engagés sont colossaux. « Limagrain travaille actuellement à la cession de son activité de distribution phytosanitaire et de fertilisants, ainsi qu’à l’intégration de ces changements au sein de son organisation », indiquait mi-janvier le groupe coopératif, sans s’avancer davantage. Nombre de distributeurs sont sceptiques quant à la viabilité d’un modèle basé sur le conseil. Faire payer le conseil aux agriculteurs est un défi qui ne date pas d’hier. Le pari est-il jouable ? « Oui, c’est possible de faire signer des offres aux agriculteurs, surtout vu l’historique des relations, estime Benjamin Viguier, consultant du réseau Motival. La difficulté, c’est de renouveler un an après. Il faut amener une valeur. »
Épineuse rentabilité du conseil
L’autre difficulté, c’est la faible rentabilité du conseil, surtout comparé à la vente de produits phytos. « Le coût de revient d’une visite de conseil est plus élevé que ce que l’agriculteur en perçoit, décrypte Benjamin Viguier. Les structures peinent dès lors à élever leur prix jusqu’à couvrir ce coût de revient. D’autant plus que le niveau d’acceptabilité ressenti par les agriculteurs est influencé par le niveau de rentabilité de leurs productions. » Plus simple, dès lors, de faire payer une prestation de conseil en cultures spécialisées.
Pour les vendeurs, la séparation ne va pas non plus être une sinécure. Les textes sont encore sujets à interprétation. Par exemple, quid des OAD pour les vendeurs ? « La porte d’entrée qui est assurée est le dispositif CEPP. Pour ceux non CEPP, la réponse est moins évidente, analyse Émilie Rannou, responsable conseil et approvisionnement à La Coopération agricole Métiers du grain. Tout dépend du niveau d’information fourni par l’OAD et de l’accompagnement fait par le TC ensuite. » À chaque fois, « il faut voir si on rentre dans la définition du conseil spécifique phytos, résume François Gibon. C’est aussi simple et aussi compliqué que cela. » Coopératives et négoces ont lancé des programmes de formation des équipes (lire p. 26), et travaillent à adapter leurs offres (lire p. 29). L’autre grand volet, c’est d’expliquer la réforme aux agriculteurs. Nul ne sait si la fin de la préco phytos chez les vendeurs va susciter une demande de leur part, créant ainsi, ou non, un marché pour le conseil spécifique (lire p. 30).
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