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Les TC au centre du jeu, mais…

Pour accompagner le déploiement des politiques commerciales, le TC est plébiscité. Ceci dit, il ne parle pas assez « collecte » et doit encore monter en compétences. Jusqu’à la spécialisation ?

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Les technico-commerciaux semblent avoir de beaux jours devant eux. À 69 %, ils sont, au sein des OS, les interlocuteurs privilégiés des agriculteurs pour déterminer leur stratégie de commercialisation (voir ci-contre), et semblent bien assurer leur rôle de relais de la politique commerciale de leur structure. Ce chiffre flatteur ne cache-t-il pas néanmoins une autre réalité, à savoir que ces TC sont souvent trop peu actifs sur le terrain de la commercialisation ? Dire que les commerciaux sont davantage rivés sur le conseil et la vente d’appro, c’est sans doute enfoncer une porte ouverte, mais Jean Simon, d’Atlantique céréales, s’en rend compte quand il se déplace dans les entreprises. « Les technico-commerciaux y passent 90 % de leur temps, mais interviennent très peu auprès de leurs clients agriculteurs sur la partie commercialisation. »

L’ambiguïté du commercial

Ce qui étonne néanmoins Mickaël Portevin, qui a travaillé 14 ans dans les engrais chez Soufflet agriculture : « Je sais bien que ça dépend des profils d’agriculteurs, et sûrement qu’en zone céréalière, on en a qui sont plutôt à la négociation. Mais même sans ça, même pour du prix moyen, les commerciaux chez Soufflet passaient au moins 50 % de leur temps à faire de la collecte. » Ce n’est visiblement pas le cas partout, et ce faible temps consacré à la commercialisation fait partie des freins pour déployer les offres commerciales de collecte sur le terrain. Hugues Desmet l’illustre chez Valfrance, 820 000 t de collecte, 13 TC : « Je vous laisse imaginer la charge qui est sur leurs épaules en termes d’appro et collecte. » Si Mickaël Portevin reconnaît que « certains commerciaux sont bien chargés », il met en évidence « l’ambiguïté du commercial qui demande toujours des biscuits pour aller voir ses clients avec de nouvelles offres. Or quand il faut les défendre, c’est toujours compliqué. Les commerciaux comme les clients ont besoin d’innovation mais, effectivement après, il faut que les commerciaux en soient le vecteur et aient le temps pour l’être ».

« Sans être péjoratif, le frein à la modernisation et au déploiement des offres, ça reste l’équipe commerciale, assène Jean Simon. Si le commercial n’a pas compris le produit ou n’y trouve pas d’intérêt, il ne va pas le proposer à l’agriculteur. Cela signifie qu’il faut déjà bien lui expliquer et le convaincre de la valeur ajoutée qu’il peut apporter à l’agriculteur avec ce type de contrat. Si je prends le cas des options, lorsqu’on présente leur fonctionnement aux commerciaux, l’argumentaire, et l’intérêt pour l’agriculteur, celui de pouvoir sécuriser son prix et entre parenthèses, ce n’est pas là-dessus que les OS se font de la marge , le mois suivant, on voit vraiment la différence. Entre le technicien qui a bien compris, qui sait l’expliquer, et qui va conseiller à ses agriculteurs justement de prendre cette option, et celui qui ne voit pas l’intérêt et qui ne fera aucun contrat avec option. »

Mickaël Portevin affirme qu’il est prêt justement à rémunérer quelqu’un qui vient lui donner du conseil de haute valeur. « Mais pas du conseil pour acheter de la solution azotée ou vendre du blé standard. Il n’y a aucun intérêt à mettre des commerciaux là-dessus et nos entreprises de distribution n’en ont plus les moyens. En revanche, des conseils pour avoir des contrats spécifiques, pour faire de la semence, pour acheter un engrais ternaire qui va me permettre de passer une fois au lieu de trois dans mon champ, oui. Si on n’arrive pas à mettre des commerciaux sur des sujets plus pointus, s’il n’y a pas cette montée en gamme, ça va être compliqué pour les entreprises. »

Spécialiser, la fausse bonne idée ?

Unéal et Sevépi ont d’ailleurs démarré une certification en achat de céréales avec Agritel et l’Isa de Lille, il y a deux ans, afin d’avoir des équipes opérationnelles sur l’activité de collecte, bien rodées, enclines à exposer au mieux le fonctionnement des offres commerciales. Est-ce à dire aller jusqu’à spécialiser des TC ? Avoir des agents de terrain dédiés à la collecte à 80 %, voire complètement ? « Ça peut être une solution, admet Jean Simon, parce que le technicien a beaucoup de casquettes et ne peut pas être expert dans tous les domaines. J’ai été courtier en culture par le passé, et c’est vrai que quand on ne fait que ça, on est forcément au courant de tout ce qui se passe et on n’est pas dépassé par le client agriculteur qui, parfois, peut en savoir plus que les commerciaux. »

« Certains technicos sont beaucoup plus à l’aise que d’autres dans la commercialisation des céréales, et sont davantage capables de parler des marchés que ceux qui ne le suivent pas forcément correctement, rebondit Gaëtan Synaeve, chez Sevépi. Avec la séparation de la vente et du conseil, on peut très bien imaginer demain qu’il y en ait qui soient spécialisés sur la partie collecte. » Attention, néanmoins, à la spécialisation. « Il ne faudrait pas se retrouver dans une situation où, dans la même journée, l’agriculteur voit plusieurs personnes de la coop, alerte Hugues Desmet. Pour le coup, on pourrait casser le lien de proximité avec l’agriculteur à vitesse grand V. » Reste à savoir où mettre le curseur… En tout cas, ça reste aujourd’hui un axe minoritaire puisque, selon notre sondage, seulement 3 % des agriculteurs ont comme interlocuteur un animateur dédié à la collecte.

Aux agriculteurs de se positionner

En outre, être spécialiste ne signifie pas prendre les décisions pour les agriculteurs. « Les agents commerciaux doivent les aider en donnant de l’information, mais ce n’est pas à eux de se positionner, de dire de vendre ou pas, insiste Ricardo Pacico (Walagri). On le signifie clairement aux commerciaux, parce que s’ils font une erreur, ça va être de leur faute. Et aussi aux clients. Par exemple, chaque mois, on diffuse une vidéo pour expliquer comment se situe le marché tout en leur précisant que c’est à eux de se positionner, de se sécuriser en vendant en plusieurs fois, etc. » Bref, quand un TC est sollicité pour savoir s’il faut ou pas se positionner, il ne faut vraiment pas jouer avec ça parce qu’il y a derrière des engagements de volumes. « On peut parler à l’agriculteur de seuil de rentabilité, lui apprendre à saucissonner les ventes, mais la décision finale, même si elle est loin d’être simple, doit lui revenir, abonde Jean-Baptiste Crombez, chez Unéal. Sinon, quand il y a un petit raté, on cherche vite un bouc émissaire. De moins en moins maintenant parce que les gens qui jouent, généralement, ils savent jouer, et donc ils savent perdre. » « Nous ne sommes pas des experts dans les prévisions des cours, rappelle enfin Raphaël Jeudy (Ets Jeudy). Non seulement nos techniciens n’ont pas ce réflexe d’orienter les agriculteurs, mais ils en auraient peur. Je pense qu’ils s’en mordraient les doigts. »

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