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Des typologies d’agriculteurs à travailler

Le succès d’une politique commerciale passe par une bonne compréhension des besoins des agriculteurs, voire par une segmentation de la clientèle.

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On ne va pas se mentir. Le sondage réalisé par notre partenaire ADquation sur la politique commerciale des OS, en amont de nos 14es rencontres, nous a plutôt décontenancés. Nos participants aussi. Déjà, que la commercialisation des grains soit considérée par les agriculteurs comme facile à 67 %, cela interpelle. Certes, il y a clairement une différence entre ceux travaillant majoritairement au prix d’acompte (82 %) et ceux adeptes du prix ferme (57 %). Mais, « quoi qu’on en dise, la vente des céréales, ça reste compliqué », insiste Jean-Baptiste Crombez, TC chez Unéal, et agriculteur dans le Pas-de-Calais. Autour de lui, le prix moyen progresse d’ailleurs depuis plusieurs années, et ceci quelles que soient les typologies d’exploitations, pour couvrir 60 % de son secteur.

La délégation en progression

Encore plus stupéfiant par rapport à ce qu’on peut entendre ici ou là : les politiques commerciales des OS seraient claires pour 82 % des agriculteurs, et ils en seraient satisfaits à 86 % ! « La plupart des agriculteurs pensent que la politique commerciale de leurs coops et négoces est claire alors qu’elle ne l’est pas », évacue Ricardo Pacico, directeur marketing du négoce belge Walagri ; ils sont d’ailleurs souvent incapables de la décrire si on le leur demande. « Ce qui m’impressionne, c’est la satisfaction des clients à hauteur de 86 % », reprend Hugues Desmet, responsable collecte chez Valfrance. Selon lui, la tendance de plus en plus importante à la délégation de la commercialisation peut en partie l’expliquer, mais il a « quand même largement l’impression que les politiques commerciales sont en train de se complexifier à vitesse grand V ». Jean Simon, directeur d’Atlantique céréales, où le prix ferme domine à 90 %, pense aussi qu’il existe une dichotomie entre ceux qui sont plus indépendants dans leur commercialisation, notamment les grosses structures, qui sont davantage face au marché et se rendent compte que ce n’est pas si simple de vendre des céréales, et ceux qui ne font que de l’acompte, « qui vont être plus à l’aise vis-à-vis du marché parce qu’ils ne le côtoient pas ». Pourtant, selon les analyses réalisées par ADquation, il ne ressort pas de différences significatives entre ces deux typologies d’agriculteurs ni sur la clarté des politiques commerciales, ni sur la satisfaction.

Quoi qu’il en soit, dans un souci de fidélisation, « il est essentiel de bien appréhender les besoins des agriculteurs, de trouver les méthodes les mieux adaptées pour acheter leurs céréales », avance Gautier Le Molgat. Le DG adjoint d’Agritel évoque l’intérêt de pratiquer des études marketing pour faire émerger des typologies, voire entamer une réelle segmentation, comme l’illustre l’exemple du négoce belge Walagri (p. 38). Chez les Ets Jeudy, une étude a été conduite par un cabinet marketing pour le lancement de Boursagri (p. 35), mais « la meilleure étude de marché, ça reste le terrain », estime Raphaël Jeudy. Sur sa zone, Jean Simon constate, lui, que « plus les exploitations sont importantes, plus les agriculteurs se professionnalisent, plus ils sont opportunistes et cherchent les deux euros de plus ».

La fin de « l’euro qui fâche » ?

Chez Valfrance, avec la mise en place pour cette campagne d’une nouvelle politique commerciale, les diagnostics avec l’agriculteur afin de déterminer son profil, sa sensibilité aux risques, et lui amener une solution globale à l’échelle de son exploitation ont été renforcés. « En prenant cet axe-là, on se rend compte que l’on parle moins de l’euro qui fâche, constate Hugues Desmet. De plus en plus d’agriculteurs me disent qu’ils préfèrent nous vendre leurs céréales, même à deux euros de moins, parce qu’ils savent que leurs deux camions vont être chargés en deux jours. C’est une forme de reconnaissance de l’accompagnement dans ce stress que l’agriculteur peut avoir vis-à-vis de sa commercialisation. » « Pour un euro, c’est clair qu’il ne faut pas se poser de questions, le service est bien plus important », appuie Mickaël Portevin. Cet agriculteur marnais, ex-responsable engrais chez Soufflet, installé sur la ferme familiale il y a cinq ans, et à plein-temps depuis deux ans, est convaincu qu’il faut soutenir quelque part « les entreprises qui font du bon boulot », et qui apportent un vrai accompagnement. « D’un autre côté, s’interroge-t-il, est-ce que je ne devrais pas aller chercher les quelques euros qui manquent grâce à des contrats spécifiques ou du stockage pour mieux valoriser ma collecte. Je suis toujours un peu partagé avec ça. »

Gautier Le Molgat se demande même, un peu par provocation, si on est face à un problème de politique commerciale ou finalement d’incapacité des agriculteurs, soit à définir une stratégie de commercialisation, soit à exprimer leurs besoins. « Que les agriculteurs soient indécis, je n’en ai aucun doute, qu’ils aient du mal à exprimer leurs besoins, c’est possible, répond Mickaël Portevin. Mais à un moment donné, on est des clients. Et un client, ça ouvre ses oreilles et ça écoute ce qu’on lui dit. »

© renaud fourreaux - renaud fourreaux

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