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Aider les agris à affûter leur stratégie

Les exploitants se trouvent aujourd’hui plongés dans une ère entrepreneuriale. Pour différentes raisons, les négoces et les coopératives peuvent avoir intérêt à sensibiliser leurs adhérents et leurs clients aux bonnes pratiques pour investir pleinement leur rôle de chef d’entreprise.

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Les agriculteurs sont les premiers partenaires des coopératives et des négoces. La qualité de la relation entretenue avec les chefs d’exploitation est donc un enjeu majeur pour les entreprises de collecte et d’agrofourniture. Dans ce cadre, certains opérateurs s’impliquent de différentes façons dans la montée en compétences des exploitants en matière de stratégie d’entreprise. Car l’agriculteur « stratège », l’agriculteur « entrepreneur » est considéré comme un partenaire d’avenir. Ces exploitants sont les mieux armés pour pérenniser leurs exploitations. Ils sont les plus à même également de comprendre les évolutions de leur environnement et de s’y adapter. C’est souvent sur eux que l’on peut s’appuyer pour consolider des chaînes de valeur ou en construire de nouvelles. Ils sont également les plus en capacité pour s’engager et s’investir dans des projets. Pour toutes ces raisons, aider les agriculteurs à monter en compétences sur les sujets de la stratégie d’entreprise est un enjeu dans lequel les coopératives et négoces pourraient avoir intérêt à s’engager. Voici quelques pistes pour réussir dans ce travail au long cours.

1Comprendre le contexte

Fin des politiques de régulation des marchés des céréales, baisse des soutiens de la politique agricole commune, fin des quotas laitiers, volatilité des prix des matières premières agricoles, volatilité des coûts des intrants, agrandissement des structures… Les agriculteurs, qu’ils le veuillent ou non, sont de fait aujourd’hui plongés dans le bain de l’entrepreneuriat. Un chef d’exploitation qui est « producteur dans l’âme » (dans le présent) doit désormais être aussi bon gestionnaire (analyser le passé) et adopter une posture de pilotage (regarder vers le futur). « Ces trois fonctions devraient idéalement l’occuper chacune à parts égales en volume de travail », constate un conseiller de chambre d’agriculture en stratégie d’entreprise. Or sur le terrain, c’est la fonction de technicien qui est mise en avant et, régulièrement, les exploitations manquent d’un vrai projet d’entreprise.

2Résoudre le problème de main-d’œuvre

Les agriculteurs cherchent à saturer leurs outils de production. Ce faisant, le sujet de la main-d’œuvre est traité en dernier. C’est souvent la main-d’œuvre du chef d’exploitation qui sert d’ajustement. Dans ces situations, les fonctions de pilotage et de gestion sont délaissées ou déléguées. L’agriculteur prend alors un risque supérieur au bénéfice escompté. Il peut oublier de voir un indicateur passer au rouge, il peut manquer une opportunité, etc. Travailler sur le sujet de la main-d’œuvre et de la vision du métier (lire encadré) est sans doute l’un des premiers aspects qui permet aux agriculteurs de reprendre la main sur leur stratégie d’entreprise, voire de s’engager dans le projet coopératif ou de s’impliquer dans des projets.

3Construire un projet d’entreprise

Dégager du temps est nécessaire mais pas suffisant pour insuffler une démarche stratégique sur l’exploitation. L’entreprise doit aussi se doter d’une vision d’avenir et d’un projet. C’est ce qui permet de piloter l’entreprise et de mettre en adéquation les ressources de façon juste, consciente et proportionnée. La construction d’un projet se fait à des moments clés dans la vie de l’exploitation. C’est un travail qui mérite un accompagnement extérieur.

Pour construire leur projet, les associés doivent d’abord bien appréhender leur propre situation et le contexte. Cette photographie de départ relève les points forts et les points faibles ainsi que les menaces et opportunités qui s’offrent à eux. Les associés analysent ensuite leurs « moteurs » personnels. Ils évaluent aussi la capacité qu’ils ont de répondre aux demandes actuelles et à venir de leurs clients. « À partir de là, on peut esquisser un projet à 5 ou 10 ans avec un plan d’action et des étapes, construit en prenant en compte les facteurs de risques actuels et futurs. La possibilité d’un échec mérite d’être anticipée », note le conseiller.

4Un aspect politique

S’impliquer dans la stratégie des exploitations agricoles recouvre une dimension politique importante. Les objectifs de vie et la liberté d’entreprendre des agriculteurs doivent rester au centre. Pour rester légitimes sur le sujet, de nombreuses coops et négoces choisissent ainsi de faire appel au moins en partie à des intervenants extérieurs sur le sujet ou bien à des organismes d’accompagnement en stratégie d’entreprise.

5Des constructions communes

Avec des agriculteurs qui ont une vraie vision d’avenir, il est possible d’établir des relations riches, d’entrepreneurs à entrepreneurs, avec une compréhension mutuelle. Ces relations sont précieuses pour les professionnels pour coconstruire des chaînes de valeurs pérennes et compatibles avec les projets des exploitants. Certains projets voulus par l’agrofourniture ou la collecte peuvent néanmoins entrer en friction avec les visions du métier. Afin d’aider chacun à partager un peu de la stratégie de l’autre, il peut être favorable de susciter la rencontre et l’échange entre les agriculteurs et les différents métiers du négoce ou de la coop avec lesquels ils sont engagés. C’est ce que fait Agrial dans le plan de formation IDE’al (lire leur expérience ci-contre). Pour construire sa marque de producteurs « Campagne de France », les Maîtres laitiers du Cotentin avaient également organisé des rencontres entre agriculteurs et les différents métiers de la laiterie afin de susciter l’adhésion de tous autour d’un projet commun.

Alexis Dufumier

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