Pourquoi les taxes antidumping peuvent faire souffrir les fabricants d’aliments
Cet été, la Commission européenne a imposé une taxe antidumping sur la lysine chinoise puis sur la valine. Le chlorure de choline va suivre. Mais une étude publiée par la Fefac montre la grande vulnérabilité de l’Union européenne sur de nombreux additifs destinés à la nutrition animale. La crainte de rétorsion est également grande : la Chine impose elle-même des taxes antidumping sur le porc européen.
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1 L’UE très dépendante
Si la dépendance de l’Union européenne en matière de soja est désormais bien connue, sa vulnérabilité sur d’autres produits indispensables à la nutrition des animaux d’élevage est peut-être pire. La Fefac, la Fédération européenne des fabricants d’aliments pour animaux, confirme en effet, dans une étude publiée en septembre, que l’UE importe des pays tiers quasiment toutes ses vitamines et ses acides aminés. Pourtant, incorporer des acides aminés dans les formules d’aliments est la solution la plus efficace et la moins coûteuse pour réduire notre emprise au soja importé en couvrant précisément les besoins des animaux. 95 % de la production mondiale de lysine est d’ailleurs utilisée en alimentation animale. Elle est ajoutée à hauteur de 0,5 % en volume d’un aliment pour volaille ou porc. Ce qui représente jusqu’à 3 % du prix de l’aliment fini selon la Fefac.
2 La Chine hégémonique
Parmi les 11 pays producteurs d’acides aminés dans le monde, la Chine a une place de choix. Elle est le seul pays à produire toutes les vitamines et les cinq principaux acides aminés (lysine, méthionine, thréonine, tryptophane, valine), avec une part de marché oscillant entre 25 et 85 % (et même jusqu’à 100 % pour la vitamine B9). Elle fournit 70 à 80 % des acides aminés importés par l’UE. Après la plainte pour pratiques déloyales déposée contre la Chine par Eurolysine, la Commission européenne a diligenté une enquête et applique une taxe antidumping sur la lysine chinoise depuis le 11 juillet et sur la valine depuis le 13 août. Une enquête est également en cours sur le chlorure de choline.
3 La lysine fondamentale
Pour des questions d’équilibre nutritionnel, si le fabricant d’aliments manque de la lysine, toute la méthionine du monde ne suffira pas à réduire les importations de soja. La dépendance européenne en lysine a dépassé 85 % avant que la taxe antidumping ne sanctionne les pratiques déloyales en Chine : cette taxe a donc redonné de l’oxygène au producteur européen, Eurolysine, ainsi qu’à d’autres origines (Indonésie, Corée du Sud, Brésil, États-Unis) qui ont pu revenir sur nos marchés. Et jusque-là, comme les cours des matières premières pour l’alimentation animale étaient orientés à la baisse, le prix de la lysine a été globalement tiré vers le bas. Ce qui a réduit l’impact de la taxe.
4 Les effets domino
Cela ne doit pas masquer, comme le pointe la Fefac, le besoin de construction de capacités européennes, particulièrement pour les acides aminés et pour les vitamines B9, C, H et K3. Même pour des ingrédients comme les vitamines A, B2, B4, et la méthionine, pour lesquels l’UE est autosuffisante, le risque reste important puisque la Chine est en train de construire une capacité de production excédentaire, sur le modèle de ce qui s’est passé ces dernières années pour la lysine. Et le contexte géopolitique peut encore jouer contre les productions animales dans des effets de dominos : depuis fin août, la Chine impose ainsi des taxes sur les porcs européens, notamment ceux produits en Espagne, en rétorsion aux taxes européennes sur ses voitures électriques. Ce qui va forcément se retourner sur le marché intérieur : les prix du porc baissent, fragilisant le secteur porcin et contractant potentiellement les débouchés pour les fabricants d’aliments français.
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