Le manque criant de protéi nes pèse sur la filière
La réalité est là : pour produire de la viande, la France, comme l'Union européenne, est déficitaire en protéines. Ce que 2012 a crûment souligné.
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Clairement, 2012 restera dans les mémoires comme l'année d'une double hausse : la fraction énergie est chère, comme les marchés l'avaient déjà ressentie en 2008, et, double peine, les protéines ont explosé. « Les marchés de l'alimentation animale étaient habitués à une protéine assez bon marché, souligne Yvon Pennors, de Bunge. Il ne peut y avoir détente sur ce secteur que lorsque la situation, tant en énergie qu'en protéines, est confortable ce qui n'est pas le cas et ne le sera probablement pas de sitôt. » Car la demande mondiale en viande et en lait progresse toujours, même si la croissance se ralentit.
Sans compter que la protéine n'est pas encore assez chère pour inciter les agriculteurs américains à semer du soja au détriment du maïs : la situation devrait donc rester encore tendue l'an prochain, sauf si les récoltes en Amérique du Sud sont meilleures que prévues. « La difficulté en matière de prospective agricole est que l'on prévoit souvent une sorte de récolte idéale. Par exemple, quand les prévisions envisagent une récolte de 83 Mt au Brésil ou 55 Mt en Argentine, alors que ces pays n'ont jamais produit autant, c'est risqué », estime le spécialiste. La détente d'octobre aura du mal à s'inscrire dans la durée. Le prix des protéines semble avoir franchi un palier.
Dur dur, l'autonomie protéique
Pour réduire la dépendance, certaines expériences de contractualisation locales existent pour l'alimentation animale, mais ne concernent que des niches. Difficile d'envisager une sorte d'autarcie dans des marchés mondialisés. Bretagne et Pays de la Loire « importent » par exemple ensemble quelque 6 Mt de matières riches en protéines. « Nos importations nettes représentent 0,4 % de la production mondiale et 2,5 % des échanges mondiaux quand la Chine achète désormais... 40 % du soja mondial », illustrait d'ailleurs Jean-Paul Simier de Bretagne développement innovation, lors du colloque « Autonomie protéique » organisé par le Pôle agronomique Ouest, le 30 mars dernier. En outre, la préférence territoriale n'existe pas, les produits vont aux plus offrants. Le port de La Rochelle annonce des exportations records en maïs, et les protéagineux valorisés en alimentation humaine en Inde et en Egypte partent aussi. Pourtant, les fabricants d'aliments veulent bien du pois, mais du pois compétitif pour l'alimentation animale. Or, quand le tourteau de soja affiche 48 % de protéines, le pois est à 22 % pour un peu moins de 600 000 t. Son prix est construit en fonction de cette réalité et du prix des céréales.
Certains OS, cependant, continuent de soutenir cette matière première, comme Axéréal. « Il faut éviter que le pois ne devienne une « petite » matière première. Les OS ont un rôle crucial pour diffuser, auprès des producteurs dans les zones de culture possibles, les nouvelles variétés qui présentent une bonne résistance à la verse, les conseils de culture, ainsi que les analyses de sol pour valider l'absence d'aphanomyces dans une parcelle. C'est par eux que passe l'information quant aux qualités de « tête de rotation » sur la production du blé suivant. Mais tout cela ne sert à rien, sans une stratégie de stockage », résume Corinne Peyronnet de l'Unip.
La luzerne déshydratée est toujours là également. Avec 870 000 t à 18 % de protéines, elle a fourni l'an dernier 156 600 t de protéines à l'élevage français. « Elle produit environ 2,4 t/ha, ce qui en fait la plante la plus riche en protéines, loin devant le soja qui est à 0,9 t/ha », se réjouit Denis Le Chatelier, de Coop de France Déshydratation.
Tout cela ne suffit pas. L'autonomie protéique semble donc une illusion même si, évidemment, la production locale de protéines est à soutenir. C'est ce que la France a pu démontrer avec les biocarburants et leurs drèches de blé et autres tourteaux de colza. Voici d'ailleurs une autre source d'inquiétude : l'annonce politique d'une réduction à 5 % des utilisations de biocarburants de première génération risque de tendre un peu plus les disponibilités, alors que la France bénéficiait là d'un avantage.
Du potentiel à venir ?
Autre source possible : les algues. Mais les volumes sont encore loin de satisfaire les besoins. D'ailleurs, si le ministère de l'Agriculture vient d'éditer un rapport sur leur potentiel, la filière des algues entend plus aisément les sirènes de la cosmétique que celle des élevages. Enfin, la production de protéines d'insectes est envisagée tant aux Pays-Bas qu'en France... Protéines animales, elles restent pour l'instant interdites à l'alimentation animale, hors aquaculture. L'Union européenne a en effet, en juillet dernier, réouvert la porte aux protéines animales transformées (PAT) en aquaculture pour 2013, malgré le vote contraire de la France et de l'Allemagne. Très différentes des anciennes farines de viande, elles restent encore dans l'esprit des consommateurs français et, peut être surtout, des distributeurs, liées à la crise de l'ESB. Pourtant, dès que les outils d'analyse assurant une parfaite ségrégation pour éviter le recyclage intra-espèces seront disponibles, les monogastriques pourront aussi en consommer.
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