Penser durable, penser coûts logistiques
Les industriels bretons militent pour le transit ferroviaire-route et demandent plusieurs extensions de l'autorisation du 44 t. Ils espèrent un décret favorable cet automne qui bénéficierait à toute la profession.
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Même si le coût des transports est actuellement orienté à la baisse et qu'il n'y a plus aucune difficulté à recruter des chauffeurs, les professionnels ne se font pas d'illusions : rien ne va dans le sens d'une baisse durable des coûts, ni les disponibilités en carburants d'origine fossile, ni l'évolution annoncée des taxes. Taxe carbone, TGAP, écotaxe représentent déjà 2 €/t transportée et l'augmentation prévisible de la taxe carbone de 17 à 100 €/t de CO2, incite à rechercher toutes les économies possibles. Les coûts logistique (approvisionnement des usines et livraison en élevage) représentent en effet déjà de 10 à 15 % du prix d'un aliment rendu sur l'exploitation, selon la catégorie d'aliment. Privilégier des solutions recourant au train en approvisionnement constitue donc une stratégie bien pensée d'économie et de gestion de l'environnement, dont les limites sont la distance et le coût de la rupture de charge. Une action concrète de développement durable pour les producteurs.
Promouvoir les transports alternatifs
L'association Feedsim avenir a été créée en 2007 par l'Afab qui fédère 100 % des fabricants d'aliments bretons, soit 9 Mt, et leur environnement dont les fournisseurs. Dans le cadre de sa réflexion globale sur la compétitivité de l'industrie de l'alimentation animale bretonne, elle propose de développer les modes de transport alternatifs à la route. Sur les 11,5 Mt par an Priconsommés par la filière bretonne (fabricants d'aliments, fabrication à la ferme, meunerie, trituration), seulement 2 Mt passent par le chemin de fer. L'approvisionnement de cette seule filière occasionne plus de 315 000 rotations de camions par an, soit au total 39 millions de kilomètres sur les routes pour 14,5 millions de litres de carburant par an. La filière chiffre les émissions de gaz à effet de serre de sa logistique amont à 29 770 t équivalent carbone par an. « Le déficit total en matières premières de la Bretagne atteignait en 2006 quelque 6,18 Mt dont 2,5 Mt de céréales », expliquait Hervé Vasseur, président de l'Afab, lors du dernier Space de Rennes, mi-septembre.
Le trafic routier régresse lentement depuis 2004 au profit des transports ferroviaire et portuaire (dont le cabotage). Il se segmente en trois : un trafic intérieur à la Bretagne d'environ 170 000 rotations annuelles sur une distance moyenne de 50 km, un trafic routier en provenance des Pays de la Loire et de Basse Normandie d'environ 90 000 rotations sur une distance moyenne de 160 km, et un trafic routier en provenance d'autres régions françaises de 55 000 rotations sur une distance moyenne de 290 km. La législation actuelle sur le 44 t se limite en Bretagne au post-acheminement portuaire des matières premières importées dans un rayon de 100 km. Les tourteaux issus de la trituration sur les ports (Brest pour le soja, Montoir pour le colza) doivent donc être chargés sur ces mêmes ports dans des 40 t, une distorsion d'environ 15 % en volume par rapport aux tourteaux importés. Feedsim avenir demande ainsi l'autorisation du 44 t pour la commercialisation des produits manufacturés sur les ports dans les mêmes conditions que les importations.
Autre axe de travail, favoriser le pré-acheminement ferroviaire sur les longues distances en installant des stations de transit rail-route. Quatre installations de ce type sont envisagées en Bretagne (voir infographie), dont trois avanceraient bien : l'une dans l'est de l'Ille-et-Vilaine, une à Lorient et une autre à Montauban (extension d'une installation existante).
Un tiers de kilomètres en moins avec le 44 t
Outre l'autorisation de charger en 44 t les tourteaux produits dans les ports, l'association souhaite l'extension du 44 t dans un rayon d'action de 150 km autour des sites de stockage ou de transformation, individuels ou collectifs, approvisionnés par le chemin de fer. Elle demande également l'élargissement du rayon d'action des livraisons autour des ports maritime de 100 à 150 km, afin de couvrir la totalité des usines des quatre départements.
« Le 44 t, en complément du fer et de la mer, permettrait en tenant compte de l'augmentation du coût de l'énergie, une réduction de l'ordre de 19 % du nombre de rotations et de 33 % du nombre de kilomètres ainsi qu'une réduction des émissions de CO2 de plus de 28 % », détaille Hervé Vasseur. Il chiffre la réduction de l'ensemble des coûts environnementaux, en particulier ceux liés à la pollution (- 28 %), mais également ceux liés à la sécurité routière (- 23 %) ou encore à l'entretien des infrastructures routières (- 2 %). La réduction des coûts totaux liés au transport serait de plus de 11 M€ soit environ 70 centimes d'euros par tonne de matière première consommée.
Les Bretons portent le dossier depuis plus d'un an auprès de leurs élus et de l'administration, et espèrent un nouveau décret modifiant l'article R 312-4 du code de la route pour cette fin d'année. Au Space, ils annonçaient avoir obtenu l'accord du Premier ministre et du ministère de l'Ecologie, de l'Environnement et du Développement durable et de la mer, le 19 juin dernier mais, fin octobre, le décret n'était pas encore publié. Prochaine étape, contribuer au débat plus global de la généralisation du 44 t à l'agroalimentaire. Autre sujet d'inquiétude, l'écotaxe ou la taxe dite Borloo. Le coût induit par tonne d'aliments livrée atteint 0,84 € plus l'impact sur l'approvisionnement à 0,38 €/t de matière première soit 1,22 €/t d'aliment fini.
Avec 12 centimes d'euros par kilomètre, cette taxe prélèvera donc environ 11 M€ pour les 91 millions de kilomètres parcourus par les camions d'approvisionnement et de livraison dans les quatre départements bretons. L'Afab s'est livrée au calcul de l'impact de cette taxe sur une usine produisant 300 000 t d'aliments. « Pour un prix moyen actuel de l'aliment à 225 €/t, le chiffre d'affaires d'une telle usine serait de 67,5 M€.
D'après l'Insee, sur l'année 2006, le résultat courant avant impôt était, pour les entreprises françaises du secteur de la fabrication d'aliments pour animaux de ferme (toutes espèces et régions confondues), de 1,02 % du chiffre d'affaires. Cela signifie que pour une entreprise d'une capacité de 300 000 t, le résultat courant avant impôt serait de 688 500 €, calcule Hervé Vasseur. Le coût induit de la taxe Borloo s'élèverait, quant à lui, à 366 000 €. La taxe Borloo réduirait donc de plus de 50 % le résultat courant de l'entreprise ! »
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