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Nitrates, poison ou médicament ?

Les nitrates font l'objet d'attaques de toutes parts. Des médecins cependant vantent leurs bénéfi ces sur la santé.

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Constituant pourtant essentiel des plantes et facteur de productivité, l'azote a eu particulièrement mauvaise presse en 2011. Tout a commencé au moment du Salon de l'agriculture avec le coup de poing médiatique de France nature environnement. Deux affiches représentant les marées d'algues vertes auraient dû être placardées dans trois stations du métro parisien, mais la RATP les a censurées de justesse. Le tapage dans les médias a fait le reste. Ensuite, ce fut au tour de l'étude européenne intitulée " The european nitrogen assessment " de paraître en avril. Principale conclusion : tous secteurs confondus (agriculture, industrie, transport), le coût des pollutions azotées s'élève entre 70 et 320 milliards d'euros. Une fourchette contestée par l'Unifa pour qui " les contributions positives de l'azote n'ont été chiffrées que partiellement. Les calculs sont basés sur des estimations de maladies induites et de mortalité prématurée, ainsi que sur le coût des impacts sur les écosystèmes et le climat, mais ne prennent pas en compte l'allongement de la durée de vie lié à un régime alimentaire varié, de qualité et à un coût raisonnable ".

Les règles se durcissent

Les règles se durcissent Rebelote en septembre avec cet te étude émanant du Commissariat général au développement durable sur le coût des principales pollutions agricoles de l'eau. Elle chiffre la dépense française annuelle entraînée par les pollutions diffuses agricoles (azote et phytos) entre 1,1 et 1,7 Mds€. Le coût externe de la tonne d'azote excédentaire se retrouvant dans les ressources aquatiques se voit lui compris entre 70 000 et 106 000 €. A multiplier selon l'étude par 715 000 t. Puis sont réapparues, comme chaque année, les images des algues vertes des plages bretonnes. Avec en prime, la mort de sangliers. Pourtant, les efforts des agriculteurs semblent porter leurs fruits. " En Bretagne, l'utilisation d'engrais minéraux azotés a diminué deux fois plus vite que la moyenne nationale depuis vingt ans, rappelle l'Unifa. Les teneurs moyennes en nitrates sont maintenant inférieures à 25 mg/litre, soit à peine la moitié du maximum fixé par la réglementation à 50 mg/l. " Le phosphore reste, lui, particulièrement abondant…

Le retour de la taxe azote

Quoiqu'il en soit, la réglementation française sur les nitrates va encore être " durcie ", dixit le ministère de l'Agriculture. Parmi les mesures envisagées, l'encadrement plus strict du contrôle de la fertilisation, l'allongement des périodes d'interdiction d'épandage ou encore la probable extension des zones vulnérables. Pressée par la Commission, la France prépare sa réforme, qui se mettra progressivement en place à compter de 2012 et sera pleinement opérationnelle mi-2013. Un décret est déjà paru le 10 octobre dernier. Il a pour objet de remplacer les actuels programmes d'actions départementaux par un programme d'actions national et des programmes d'actions régionaux. A cet égard, la nouvel le disposition qui calcule le plafond de 170 kg d'azote organique apporté par hectare par rapport à la SAU " n'entraînera pas d'accroissement de la pression azote, car d'autres règles limitent la quantité d'azote épandue ", prévient le ministère de l'Agriculture. L'opinion publique ne l'a pas entendu de cette oreille. Enfin, une idée qui refait son chemin, celle d'un bonus-malus sur l'azote minéral, dont la fabrication est jugée énergivore. Il s'agirait de subventionner avec le produit des taxes sur les engrais azotés, la culture des légumineuses. La direction générale de l'énergie et du climat au ministère de l'Ecologie a ressorti le dossier, porté par l'Ademe, avec un rythme de réunions soutenu depuis cet été. " Son efficacité est nulle, s'agace Gilles Poidevin de l'Unifa. Plusieurs pays dont le Danemark ont déjà taxé l'azote sans succès et ont depuis arrêté ce système. Le prix des engrais azotés n'influence pas beaucoup la consommation. " Pour tordre le coup aux idées reçues, l'association des fabricants européens d'engrais, Fertilizers Europe, a calculé la contribution de la fertilisation pour atténuer les effets du changement climatique au niveau global. En effet, les émissions de gaz à effet de serre seraient quatre fois moindre sur un hectare fertilisé en azote à la dose optimum économique que sans apport d'azote, car dans ce dernier cas, cela implique une utilisation de terres supplémentaires, bien plus génératrice de GES pour compenser les faibles rendements. L'industrie française se targue d'avoir baissé ses émissions de 30 % en l'espace de vingt ans. Si " l'acceptabilité sociale des nitrates est nulle ", selon les termes de Jean-Marie Bourre, membre de l'académie de médecine, un certain nombre de médecins se sont pourtant réunis le 31 mars à l'hôpital parisien de la Pitié-Salpêtrière. Leurs objectifs : vanter les mérites des nitrates et des produits en contenant (légumes essentiel le ment) sur les systèmes cardio-vasculaire, rénal, digestif, immunologique… Et contester d'un point de vue sanitaire la norme de 50 mg/l dans l'eau de boisson. " Ne faudrait-il pas plutôt introduire une limite minima le en nitrates ingérés nécessaires pour rester en bonne santé plutôt qu'un maximum, qui n'a jamais été prouvé être dangereux pour la santé ? " a même lancé Nigel Benjamin, professeur de médecine à l'université d'Exeter au Royaume-Uni. On en est loin, comme en témoigne un dessin paru en janvier dernier dans le magazine 60 millions de consommateurs et illustrant une consommatrice qui demandait : " Pouvez-vous me conseiller une eau riche en nitrates ? C'est pour empoisonner quelqu'un à petit feu ".

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