Redorer le blason de l'azote français
Dans un marché en croissance soutenue durant la campagne passée, l'approvisionnement franco-français en engrais azotés minéraux est à la peine et passe sous la barre des 40 %. L'industrie française craint pour sa compétitivité. D'autant qu'en France, l'image de l'azote s'est encore dégradée cette année.
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" L'azote mérite d'être réhabilité. " C'est bien là pour cette rentrée le nouveau leitmotiv de l'Unifa, l'union des industries de la fertilisation, après la salve d'attaques essuyée par l'azote cette année. Tour à tour, il a été à tort ou à raison jugé coupable des marées d'algues vertes, du réchauffement climatique, de la pollution de l'eau, de maladies, de mortalité prématurée, et donc aussi responsable des dépenses induites par ces pollutions sur l'environnement et la santé… Dans ce contexte, le procès en appel de l'explosion de l'usine AZF de Toulouse n'arrive pas à point nommé (lire encadré).
Si l'image des engrais minéraux azotés ne ressort pas embellie en 2011, les livraisons françaises d'azote aux agriculteurs (qui représentent 70 % des livraisons de fertilisants minéraux), elles, augmentent. Et pas qu'un petit peu : 13 % au cours de la campagne 2010-2011. Par rapport à leur plus haut niveau, il y a une vingtaine d'années, elles ne sont en baisse que de 15 %. Point négatif : la production française d'engrais azotés simples et composés n'a représenté que 36 % de l'approvisionnement en 2010-2011, en baisse de huit points en un an. Alors qu'elle était proche de 50 % il y a quelques années.
Des sols moins fertiles
Du côté du P et du K, le mal est fait si l'on peut dire. Par rapport à la référence de 1989-1990, les livraisons de phosphore et de potassium ont été divisées par quatre. Pourtant, elles ont connu un certain regain d'intérêt sur la précédente campagne : + 29 % pour le P205 et + 44 % pour le K20. " Au cours des années précédentes, ce sont surtout ces deux derniers éléments qui avaient le plus baissé ", fait remarquer Joël Morlet, président de l'Unifa. Sans revenir toutefois au niveau de 2007-2008. " Lorsqu'on assiste à une chute brutale comme celle connue en 2009, c'est toujours difficile de récupérer les volumes initiaux, car les agriculteurs s'habituent à travailler avec moins d'engrais minéraux ", poursuit-il.
L'heure est donc venue pour l'Unifa de tirer la sonnette d'alarme concernant la fertilité des sols : " On va vers un épuisement des sols ", disent ses responsables. Pour les éléments P et K, la diminution des soldes (ndlr : les apports moins les exportations) s'est accélérée entre 2008 et 2010. De nombreuses régions de grandes cultures affichent des soldes très faibles (inférieurs à 10 kg/ha) voire négatifs. Pour le P2O5, la situation est critique dans le Bassin parisien et pour le K20 plutôt dans les régions localisées au centre du territoire. " Le Comifer a déjà détecté un risque de carence en P et K sur les cultures les plus exigeantes ", fait remar quer Joël Morlet. Du côté du pH, ce n'est pas vraiment mieux. Certes, les amendements minéraux basiques ont progressé de 15 % en 2010-2011 à 1,9 Mt livrées à la distribution, mais ils demeurent en deçà des besoins. " Nous ne sommes pas capables de dire à quels niveaux ces besoins devraient se situer. Mais les sols continuent de s'acidifier ", alerte Joël Morlet. " Il sera difficile de maintenir les rendements actuels dans certaines régions ", conclut Joël Morlet. D'autant, qu'il n'y a pas de retournement de tendance prévu à court terme. " La consommation d'engrais devrait être stable par rapport à la campagne passée, entrevoit-il. Il n'y a aucune raison de penser qu'elle ne le soit pas. "
Début de campagne timide
Cette campagne, pourtant, les livraisons semblent un peu en retrait. Depuis l'été, les acheteurs sont frileux, que ce soit pour les engrais de fond ou pour l'azote, et surtout pour l'urée et la solution azotée. " Les agriculteurs donnent maintenant l'impression d'attendre la fin des travaux d'automne avant d'avancer dans leurs achats d'engrais ", observe Agritel. Il apparaît cependant peu probable d'assister à une détente des cours d'ici les prochains mois. Certes, l'ammonitrate 33,5 vaut dans les 360 €/t départ usine, l'urée se négocie aux alentours de 400 €/t à Rouen. Mais la disponibilité limitée sur la scène internationale et les déboires de production, ici ou là, ne sont pas de nature à détendre l'atmosphère.
DOSSIER RÉALISÉ PAR RENAUD FOURREAUX
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