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MÉTHODES DE DÉSHERBAGE Lutter aussi dans un but sanitaire

Les mauvaises herbes ne posent pas que des problèmes de concurrence, l'impact sanitaire de l'ambroisie, par exemple, reste mal résolu. Quelques dizaines de grains de pollen par mètre cube d'air suffisent à déclencher une allergie.P. CRAPON/GFA

Le Columa a soulevé des enjeux sanitaires car les adventices sont aussi vecteurs de l'ergot du seigle ou de pollens allergisants comme l'ambroisie, qui ne sont pas anodins pour l'homme.

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Un grand Columa s'est déroulé à Dijon du 10 au 12 décembre. Avec plus d'une centaine de communications et le retour d'une session agriculteur, cette édition 2013 a fait un large tour d'horizon des enjeux de désherbage et des solutions nouvelles. Marc Delos, de Dijon céréales, et Louis Assemat, de l'Inra de Dijon, ont ouvert le feu en listant les sujets préocupants. Le premier est l'ergot du seigle qui fait un retour en force et pour lequel vulpin et ray-grass peuvent servir de relais ou de réservoir. Autre sujet : la lutte contre l'ambroisie, très allergisante toujours en expansion, et les adventices toxiques comme le datura. La session Grandes cultures a aussi passé en revue plusieurs écueils : la maîtrise des ray-grass dans les céréales et la lutte contre l'orobanche rameuse dans le colza. « L'ergot du seigle est de retour dans les cultures céréalières depuis les années 2000, avec des pics tous les trois ans. On le retrouve à l'état de traces dans de nombreux aliments contenant une céréale », résume Camille Romer de Makhteshim-Agan. Ce champignon qui contient des alcaloïdes très toxiques pour l'homme, a fait des ravages dans un passé lointain.

Ergot : bloquer le relai-adventices

« Les trois céréales les plus touchées par l'ergot sont le seigle, le blé tendre et le triticale. Les analyses sur la collecte 2012 détectaient l'ergot dans 24 % des échantillons de blé tendre », souligne Béatrice Orlando d'Arvalis. Le cycle de la maladie est bien connu, débutant par la germination de sclérotes du champignon en avril-mai, qui contaminent la céréale ainsi que les graminées adventices. Deux mauvaises herbes servent en particulier de réservoir et de vecteur de l'ergot : le ray-grass et le vulpin. La présence de l'ergot se reconnaît à ses masses noires sur les grains. Ensuite apparaît un miellat qui attire les insectes, en particulier les pucerons. Les essais d'Arvalis montrent l'efficacité du désherbage pour limiter la dissémination de la maladie. « Le programme le plus efficace est la double application à l'automne (avec un IPU) et sortie hiver (avec un antigraminées). Même dans ce cas, on peut encore trouver des traces d'ergot sur la récolte », ajoute Béatrice Orlando. La quantité d'ergot sur le grain semble fortement corrélée à la teneur en alcaloïdes. Dans l'état actuel des connaissances, le désherbage reste le meilleur moyen de prévention. Car il permet de « bloquer le relai-adventices », à condition bien sûr que ce programme soit efficace sur vulpin et ray-grass.

Ambroisie, état des lieux

Alors que le projet de loi sur l'ambroisie a été repoussé par le Sénat, l'impact sanitaire de cette plante invasive et allergisante reste mal résolu. « Le pollen est émis entre mi-août et mi-octobre. La période d'infestation dure en moyenne un mois, pendant laquelle les personnes allergiques peuvent être très touchées », note Michel Thibaudon du RNSA. Quelques dizaines de grains de pollen par mètre cube d'air suffisent à déclencher une allergie, notamment des crises d'asthme. L'ambroisie s'est propagée largement en Isère, Drôme, le long de la vallée du Rhône. Sa concurrence et ses dommages sont chiffrés précisément : une perte d'environ 3 q/ha par tranche de dix ambroisies au mètre carré sur le tournesol, moins 50 % de rendement pour 9 plants/m2 sur le maïs. Cette espèce mobile remonte vers la vallée de la Loire et se rencontre aussi en Bourgogne.

Nuisibilité et rendement

« Les agriculteurs manquent d'indicateurs sur les infestations et cela tend à les décourager d'intervenir. C'est pourquoi nous avons mis en place des capteurs de mesure de pollen pour mesurer la différence entre parcelles traitées et non traitées contre l'ambroisie », ajoute Michel Thibaudon.

Lors de la session Grandes cultures, les intervenants se sont attaqués à des questions plus terre à terre, comme l'impact réel des mauvaises herbes sur le rendement. InVivo a ainsi dressé le bilan d'essais réalisés entre 2010 et 2012. « Sur céréales, nous mesurons un gain moyen de 27 q/ha, avec une dispersion allant de 0 à 61 q/ha entre parcelles non désherbées et désherbées », annonce Céline Denieul, d'après la synthèse de 47 essais. Le blé se révèle particulièrement sensible à la concurrence. « En Bourgogne, le ray-grass est plus nuisible que le vulpin et le brome, ajoute Marc Delos. Un désherbage précoce des graminées a toujours l'avantage : il permet de gagner en moyenne 10 q/ha par rapport à un désherbage tardif avec le même produit. » Dijon céréales a constaté un gain moyen de 20 q/ha avec une double application (automne et sortie d'hiver), par rapport au désherbage unique en sortie d'hiver.

InVivo a aussi mesuré la nuisibilité sur le maïs : le gain moyen atteint 60 q/ha, avec une forte baisse du stock de semences adventices dans les sols. Ces gains de rendement, en dépit des coûts de désherbage, permettent une nette hausse de la marge de 159 €/ha en fourrage à plus de 600 € en grain. Le colza fait aussi face à des infestations de plus en plus complexes, surtout en rotations courtes colza/blé/orge. Les parcelles sont envahies de graminées, géranium, gaillet, coquelicots... Franck Duroueix, du Cetiom, a décrit l'intérêt de deux spécialités, l'une à base d'éthametsulfuron-méthyl, l'autre à base d'aminopyralide et de propyzamide, qui permettent de bâtir des programmes plus efficaces.

Colza et orobanche

Autre motif d'inquiétude : l'orobanche rameuse, un parasite végétal qui colonise la culture de colza et infeste les sols. Près de 50 000 ha sont touchés en Charentes et Deux-Sèvres. Des foyers existent au sud de la Champagne, dans les zones de colza et de chanvre, deux cultures sensibles à l'orobanche. « Jusqu'à présent, ce parasite constituait une impasse technique, explique Franck Duroueix. Nous avons pu avancer avec l'arrivée des colzas Clearfield, tolérants à l'imazamox. Nous testons l'application de cet herbicide en double ou triple application, sur différentes variétés, avec des résultats encourageants pour contrôler l'orobanche. » Une note d'espoir !

Marianne Loison

Dans ces essais sur blé, on observe un net gain d'efficacité (+ 28 points) pour la stratégie de désherbage en deux passages, une à l'automne puis une en sortie d'hiver, contre un seul passage. Cette stratégie en double application permet aussi de gagner en rendement : + 15 q/ha en moyenne dans les essais InVivo. Avec un bémol : la double application est plus gourmande en IFT : 1,97 en moyenne contre 1,16 pour les applications uniques. Conclusion : les applications précoces et les désherbages en programmes sont généralement les stratégies qui permettent d'atteindre les meilleures efficacités et de préserver au mieux le rendement.

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