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PRODUITS DE BIOCONTRÔLE Plus de visibilité réglementaire

Sous couvert d'une forte volonté politique, les méthodes s'affinent et les règles s'éclaircissent concernant l'évaluation et la vulgarisation des alternatives à la lutte chimique.

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Le 8 mars 2011, lors de l'ouverture de la 4e Conférence internationale sur les méthodes alternatives en protection des cultures (du 8 au 10 mars à Lille), organisée par l'AFPP (Association française de protection des plantes), le député Antoine Hertz n'a pu présenter son état des lieux des méthodes de biocontrôle et surtout ses propositions pour soutenir leur développement. La mission parlementaire dont il a été chargé par le Premier ministre, fin septembre dernier, n'étant pas encore achevée. En revanche, la préparation de ce rapport montre à quel point les pouvoirs publics se penchent plus que jamais sur l'amélioration des évaluations, et autorisations de mise sur le marché de ces produits, dont le flou réglementaire bloque bien souvent les initiatives en France et en Europe. Dans l'Union européenne, la volonté politique de leur donner plus de visibilité réglementaire est tout aussi forte, grâce à la directive 2009/128 du 21 octobre 2009. Celle-ci instaure un cadre communautaire pour parvenir à une utilisation des produits phytos compatible avec le développement durable et accorde une priorité aux méthodes de lutte non chimiques.

Se regrouper pour mieux recenser

Avec son Plan Ecophyto 2018, la France a pris une longueur d'avance. Parmi les différentes phases clairement identifiées pour conduire à une baisse significative de l'utilisation des phytos se trouvent en bonne place " l'acquisition et la diffusion de références sur les alternatives aux traitements chimiques " (actions 12 et 13 de l'axe 2 du plan). Toutefois, comme le souligne Yves Monnet du ministère de l'Agriculture, " nous sommes face à une jungle d'informations au sujet des techniques économes en pesticides en raison des travaux menés par différents organismes ". L'heure est donc au regroupement des forces pour acquérir des références exploitables. " Le recensement des méthodes et moyens complémentaires éprouvés sur le terrain nécessite une démarche collégiale entre les services de l'Etat, les instituts techniques et de recherche, les stations expérimentales et le développement agricole ", insiste Yves Monnet. C'est justement l'objectif du dispositif " FERMEcophyto ", qui vient d'être mis en place.

Mais, selon Yves Monnet, ce travail en amont ne servirait à rien " sans les efforts de tous les maillons vecteurs d'informations pertinentes ", au coeur desquels se trouvent les conseillers agricoles : " Le Certiphyto conseil, dont le référentiel est en cours de finalisation, permettra l'engagement des structures de conseil dans la promotion des méthodes alternatives. "

En attendant, l'expérimentation destinée à mesurer l'efficacité de ces moyens de lutte a elle aussi fortement évolué. " L'intérêt des méthodes alternatives doit être mesuré par des essais comparatifs souvent plus complexes que dans la lutte conventionnelle ", constate Jean-Claude Malet du ministère de l'Agriculture, rappelant qu'un quart des essais 2010 du réseau d'expérimentation de la DGAL (Direction générale de l'alimentation) était consacré à la baisse ou au remplacement des intrants chimiques par des moyens alternatifs.

Des démarches adaptées pour mieux évaluer

Les dispositifs expérimentaux sont plus sophistiqués compte tenu de la complexité liée aux combinaisons de méthodes à mettre en oeuvre. Leur mise en place est facilitée grâce aux travaux de la CEB (Commission des essais biologiques) de l'AFPP que préside Jean-Claude Malet. Pour lui, cette commission, forte de quatre-vingts experts, jouera " un rôle important dans ce travail méthodologique ". Au stade de l'évaluation des risques des produits et techniques, avant autorisation de mise sur le marché, les choses évoluent aussi dans le bon sens. Pour les substances " à faible risque " au niveau européen, ou " Préparations naturelles peu préoccupantes " (PNPP) au niveau français, cette évaluation suit une démarche adaptée nécessitant moins d'études qu'une évaluation classique. Cela permet l'inscription indispensable sur l'Annexe 1 de la directive 91/414 des composés qui constituent ces PNPP, afin de les commercialiser en toute légalité. Les travaux de l'Anses, en France, ont ainsi permis les inscriptions de diverses substances, telle l'huile essentielle d'orange douce. " Les discussions générées lors des relectures entre pairs montrent bien que le terme naturel n'induit pas nécessairement celui d'inoffensif et qu'une évaluation du risque et de l'efficacité est toujours nécessaire ", explique Laurent Thibault, de l'Anses.

Concernant les micro-organismes, biopesticides très en vogue actuellement, l'identité des souches candidates à l'inscription à l'Annexe 1 de la directive 91/414, est un élément clé du dossier d'homologation. Or, selon Gaëlle Vias, de l'Anses, " les techniques permettant cette identification ont évolué rapidement ces dernières années et les approches moléculaires sont maintenant incontournables, tant pour leur précision que pour leur reproductibilité ". Le séquençage est la technique la plus appropriée et la baisse de ses coûts permet aujourd'hui à la plupart des laboratoires de séquencer le génome d'une bactérie ou d'un virus. Pour les champignons, en revanche, en raison de la taille des génomes, il faut multiplier autant que possible le nombre de gènes et extrapoler en recherchant les gènes de toxines connues, ce qui est tout à fait réalisable grâce aux outils informatiques adaptés.

Des améliorations sur l'autorisation d'entrée

Enfin, le dispositif législatif s'améliore également en ce qui concerne l'autorisation d'entrée sur le territoire français de macro-organismes non indigènes utiles aux végétaux (auxiliaires et pollinisateurs). A l'instar de l'invasive coccinelle asiatique, ceux-ci peuvent en effet présenter un potentiel négatif sur la biodiversité, notamment sur les organismes non cibles. Jusqu'alors, aucun dispositif législatif n'encadrait ces organismes. La Loi Grenelle II (12 juillet 2010) pallie cette lacune en ajoutant au code rural un chapitre les concernant (articles L.258-1 et L.258-2). Il vise à mettre sous autorisation préalable l'entrée sur le territoire de ces macro-organismes, suite à une analyse de risque phytosanitaire et environnemental.

Laurent Caillaud

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