ENGRAIS Du minéral issu de l'organique
De nouveaux systèmes de traitement des effluents sortent de terre. Focus sur les intérêts et les limites des engrais minéraux innovants qui en découlent.
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Transformer des déchets organiques pour en faire des engrais minéraux, l'opportunité peut avoir un sens dans un contexte de cherté et d'épuisement des ressources minérales. L'association Rittmo agroenvironnement a souhaité faire le point sur le sujet lors d'une demi-journée d'information le 15 décembre dernier, à Colmar (Haut-Rhin). Car les nouveaux projets de recyclage foisonnent. A l'instar de Naskeo environnement, qui a mis en place un pilote semi-industriel à la station d'épuration de Castres (Tarn), afin de récupérer du phosphate minéral à partir de boues. Le procédé permet de précipiter 1 à 2 kg par jour de jus de déshydratation (contenant 500 mg de P/l) sous forme de struvite, un engrais magné sien de formulation 5-28-0. Cet engrais à diffusion lente, « qui ne peut pas remplacer le superphosphate » a néanmoins « une biodisponibilité équivalente au sulfate de magnésium et bien supérieure au phosphate bicalcique », explique Romain Debord, ingénieur R & D, chez Naskéo. Un pilote industriel devrait voir le jour d'ici un an. L'entreprise envisage deux options : produire de la struvite pulvérulente comme matière première pour des fabricants d'engrais, ou de la struvite à plus forte granulométrie en vente directe auprès des espaces verts ou des producteurs de cultures spéciales.
Une barrière logistique limitante
Du côté de l'azote, la société Europe environnement a présenté une unité de désorption-absorption d'ammoniac à partir de digestat de méthanisation. Il s'agit en effet d'extraire l'ammoniac du digestat et de le mélanger avec de l'acide pour obtenir une solution de sulfate d'ammonium à 10 % d'azote ou de nitrate d'ammonium à 20 % d'azote. Une unité actuelle, par exemple, en produit environ 800 m3/an. « Cela permet de couvrir à peine 100 ha », calcule Christophe Klotz, du Comptoir agricole de Hochfelden. Des faibles volumes et des faibles concentrations qui limitent le transport sur de longues distances et n'autorisent donc qu'une utilisation locale. Ce n'est d'ailleurs pas l'ambition de la société Akeano, qui a mis au point une technologie d'extraction baptisée Enoferti, qui vise à fabriquer à partir de digestats ou de résidus ultimes des engrais minéraux azotés, PK ou du DAP. La construction d'unités industrielles va être planifiée au cours de l'année 2012 dans des régions d'élevage, afin de commercialiser les produits, notamment vers des régions de grandes cultures.
Une mise en marché fastidieuse
Ce n'est pas le seul inconvénient de ces procédés de traitement des effluents. Ils sont bien souvent gourmands en énergie et doivent encore s'améliorer pour présenter des bilans environnementaux plus favorables. Quant à l'étape de mise en marché, elle semble plus que délicate. Pour la plupart de ces produits issus du recyclage, passer par le circuit classique de l'homologation sera très fastidieux, voire quasiment inaccessible pour des PME.
A moins de trouver un moyen de se regrouper, comme peuvent l'envisager par exemple les producteurs de struvites, dont le produit peut être plus facilement standardisé. Demander à intégrer des normes serait peut-être plus aisé, et encore. Il y a donc tout un monde entre l'industrie des engrais et ces nouveaux recycleurs de matière organique.
« Est-ce qu'il n'est pas plus simple d'utiliser les effluents tels qu'ils se présentent ? », se demande finalement Philippe Eveillard, de l'Unifa. Et revenir aux filières de recyclage qui fonctionnent correctement, depuis longtemps, comme celle de la vinasse, concentré de distillerie assez riche en potassium et en azote. « S'il y en avait deux fois plus sur le marché, la coopérative en vendrait le double », abonde Christophe Klotz.
Renaud Fourreaux
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