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Oléagineux et protéagineux Recherche nouveau souffle

Blandine Cailliez

Un marché des protéines à reconquérir, des surfaces de colza et de tournesol à retrouver, un attrait pour de nouvelles cultures à satisfaire, les semenciers sont confrontés aux mêmes enjeux que toute la filière oléoprotéagineuse.

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Bien que l’Europe ait pris conscience de son extrême dépendance vis-à-vis des importations, pour son approvisionnement en protéines, les oléagineux, colza et tournesol, peinent aujourd’hui à convaincre les agriculteurs, et les protéagineux souffrent depuis des années. Il faut dire que ces cultures ont eu des années compliquées à gérer sur le plan agronomique. Introduit en France au début des années 1980, les surfaces de tournesol ont rapidement grimpé jusqu’à passer le cap du million d’hectares en 1990. Mais depuis, elles ne cessent de reculer pour atteindre 552 000 ha en 2018. L’attrait pour la culture a intéressé de nombreux semenciers français avec la singularité de développer deux profils variétaux, oléique et linoléique. Mais on a ensuite vu se concentrer les programmes de sélection. Limagrain et Euralis ont mis en commun leurs recherches, et Monsanto a cédé son programme de sélection à Syngenta. Le tournesol souffre surtout de rendements qui stagnent, et si la sélection a permis des gains en matière de tolérance aux maladies, la culture doit faire face à des attaques d’oiseaux qui découragent les producteurs. La remontée des emblavements à 600 000 ha en 2019 serait-elle annonciatrice d’une embellie pour la culture ? Aujourd’hui, le tournesol fait partie des espèces plus rustiques qui résistent mieux aux maladies et qui supportent relativement bien les stress climatiques. Des atouts pour les années à venir.

Des colzas plus rustiques

Le colza vient, quant à lui, de vivre deux années très compliquées. Culture très technique, il a eu du mal à supporter les deux ou trois dernières années de sécheresse que l’on a connue, et souffre de la pression énorme des insectes. Les surfaces étaient passées de 1 Mha en 2002 à 1,6 en 2018, mais ont reculé cette année à 1,1 Mha. Les agriculteurs mettent en place des semis avec plantes compagnes ou plus précoces pour tenter de sortir de l’ornière. « L’interdiction des néonicotinoïdes ne fait qu’amplifier les difficultés, pointe André Fougeroux, membre de l’Académie d’agriculture, ancien du service de la protection des végétaux et de Syngenta. On peut craindre pour l’avenir de la culture. Sans compter que le recul des surfaces de colza a un impact très net sur la production de miel. » Il est dommage que le colza soit dans une passe difficile car c’est l’une des cartes majeures de la France pour reconquérir le marché des protéines, via le double débouché biocarburants-tourteaux de colza en alimentation animale. Ses protéines sont aussi désormais valorisées en alimentation humaine, le groupe Avril vient de signer un partenariat avec la société néerlandaise DSM en ce sens. Les hybrides colza, qui sont montés en puissance progressivement sur une quinzaine d’années, ont attiré les sélectionneurs. L’enjeu pour la culture est de passer ce cap un peu plus difficile, d’accompagner les agriculteurs persévérants et d’identifier des variétés et des modes de production plus rustiques. À noter qu’ensemble, colza et tournesol mobilisent un budget sélection de 66 M€, soit un effort de recherche supérieur à celui consacré aux céréales à paille.

L’exportation de semences s’envole

Si la production d’oléagineux rencontre actuellement quelques difficultés, ce n’est pas le cas des productions de semences de tournesol et de colza qui, année après année, voient leurs exportations s’envoler. « En oléagineux, deux tiers de la production de semences sont désormais destinés à l’exportation, constate Philippe Silhol, du Gnis. Les ventes en France se montent à 170 M€, celles à l’export, 357 M€. » Les semences « made in France » sont appréciées hors de nos frontières. « Nous avons choisi d’investir dans la production de semences de colza en France, pour trois raisons : la précocité qui nous permet de gagner un an par rapport aux semences produites en Allemagne, la qualité des isolements et le coût », indiquait Dr Frank Grosse, directeur international de NPZ, en mai dernier lors de l’inauguration de l’usine de production de semences qu’il a construite à La Chapelle-d’Armentières (Nord) à 50-50 avec Bioline. « 90 % de nos semences de colza destinées au marché européen sont produites en France. »

Protéagineux, de faibles moyens

La culture des pois protéagineux a connu un bel essor dans les années 1980, puisque leurs surfaces ont fait un bond de 110 000 ha en 1983 à 737 500 en 1993. Mais depuis, elles n’ont cessé de dégringoler pour ne plus représenter que 148 700 ha en 2018. La baisse des rendements, liée entre autres à Aphanomyces, est la principale raison de ce déclin. La culture a-t-elle touché le fond ? Liée sans doute à la volonté de reconquête du marché des protéines végétales, la remontée des emblavements 2019 à 179 300 ha et les meilleurs rendements obtenus pourraient annoncer une nouvelle tendance. La difficulté de la filière est la faiblesse des moyens consacrés à la sélection. Pierre Pagesse, avant de quitter la présidence du Gnis il y a deux ans, avait lancé un cri d’alarme : « Le pois protéagineux est la parfaite illustration de la perte de compétitivité des espèces pour lesquelles les investissements dans la recherche diminuent. Sur un budget R&D de 345 M€ des entreprises semencières en France, toutes espèces confondues, le pois ne mobilise plus aujourd’hui que 2 M€. » Pas sûr que les moyens mobilisés aient beaucoup augmenté depuis.

Les féveroles, qui avaient quasiment disparu des assolements dans les années 1990, ont connu ensuite une légère embellie, avec notamment des débouchés en alimentation humaine. La sole est montée jusqu’à 91 300 ha en 2015, mais l’absence de protection contre la bruche a eu raison de la culture dont les surfaces reculent depuis. Quant au lupin, ses surfaces n’ont jamais vraiment décollé. La reconquête du marché des protéines passera peut-être en partie par de nouveaux créneaux qui veulent se développer, comme le pois chiche, le chia… ou par le retour de la luzerne.

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