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Maïs Une espèce, trois marchés

Grain, fourrage et semences, le maïs français n’a pas deux débouchés mais trois. Les semences en constituent un à part entière, 60 % de leur production est exportée.

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On a l’habitude de scinder le marché du maïs en France en deux segments, le grain et le fourrage, qui occupent ces dernières années à peu près la moitié chacun (1,5 Mha) des surfaces cultivées de maïs. Mais on peut y ajouter un troisième créneau, celui des semences, tant la production en maïs peut être considérée pour son importance économique comme un débouché à part entière. On peut même ajouter un quatrième débouché, celui du maïs doux avec 23 150 ha en 2018, même s’il est plutôt considéré comme une culture légumière, et non une grande culture.

Des semences à forte valeur ajoutée

Pour en revenir aux semences de maïs, en 2019, les surfaces de production se sont élevées à 68 234 ha. Au cours de la campagne 2018-2019, 60 % des semences produites en France ont été exportées. Et le maïs constitue la première source de devises de la filière semences à l’export. Elle a rapporté à elle seule un chiffre d’affaires export de 572,3 M€ au commerce extérieur français, et mobilise dans l’Hexagone quelque 3 900 agriculteurs multiplicateurs. C’est une filière qui a l’avantage de bénéficier de semences à forte valeur ajoutée. Ce qui explique que le maïs intéresse de nombreux sélectionneurs en France et qu’il bénéficie du plus gros effort de sélection, 120 M€ par an, selon la dernière enquête du Gnis, sur un total en France, toutes espèces confondues, de 395 M€. Résultat, le maïs a la chance de voir ses rendements continuer à augmenter, même s’ils progressent moins vite que dans d’autres pays, et notamment aux États-Unis.

La sélection du maïs en France est relativement récente, puisqu’elle remonte en gros aux années 1950, avec la création par l’Inra des premiers hybrides à partir de maïs américains et de maïs population du Sud-Ouest. Très vite, des programmes de sélection voient le jour, c’est l’essor de la culture du maïs en France et, avec elle, celle de la production de semences. Cinquante ans plus tard, la création variétale, qui compte une douzaine de sélectionneurs, associe des entreprises françaises comme Limagrain, RAGT, Euralis, Caussade, Maïsadour ou Syngenta, américaines, notamment Pioneer, Dekalb, et d’autres pays européens, KWS principalement. Les génétiques françaises et du nord de l’Europe, Limagrain, KWS et RAGT surtout, ont tendance à dominer les marchés précoces et fourrage, et les génétiques américaines, Pioneer et Dekalb, les marchés tardifs et grain.

Des tendances lourdes

Le maïs conso, qu’il s’agisse de grain ou de fourrage, a vu ses surfaces s’effriter légèrement au cours des cinq ou six dernières années. La production résiste tout de même assez bien, malgré une image chahutée par le grand public, et 2019 a marqué un coup d’arrêt au recul des surfaces. « On a aussi constaté une dérive dans le choix des précocités, remarque Jean-Philippe Cochet, de KWS. En 2019, les hybrides très précoces ont reculé de 5 à 6 %, les précoces, de 2 à 3 %, alors que les créneaux tardifs ont progressé. » Les semenciers proposent aussi une nouvelle approche de la culture du maïs grain en sec, avec des hybrides précoces cultivés en non irrigués dans le Sud-Ouest. « Nous sommes plusieurs à proposer cette nouvelle approche de la culture du maïs en sec, dans des parcelles jusqu’à présent en rotation courte, céréales — colza ou tournesol, reconnaît Christophe Chaine, de RAGT. Cette technique peut aussi être développée dans des exploitations irriguées en la réservant aux parcelles à potentiel moins élevé, avec seulement un ou deux tours d’eau, tout en concentrant les apports d’eau sur les meilleures parcelles. L’intérêt est de récolter du maïs à moindres frais à une humidité inférieure à 20 %. Ce créneau représente déjà plusieurs milliers d’hectares et va encore se développer. Dans des régions comme le Centre, des agriculteurs y réfléchissent aussi. » « Autre tendance, les semenciers proposent de plus en plus de biostimulants dans l’enrobage des semences », constate Philippe Silhol, du Gnis. Il s’agit de LumiGen chez Pioneer, Accéleron chez Bayer, SemBoost chez Semences de France…

Ces dernières années, les sélectionneurs essaient aussi d’identifier dans leurs variétés celles qui résistent le mieux aux stress, et notamment au stress hydrique. Le maïs, en tant que plante en C4, devrait également être bien adapté au réchauffement climatique. « Les travaux engagés dans les programmes d’investissement d’avenir permettent de percevoir des avancées à moyen terme, très nettes en termes de précocité, souligne Philippe Gate, directeur scientifique d’Arvalis. On peut imaginer, à une échéance de huit à dix ans, pouvoir semer du maïs dès le mois de février. Le maïs pourrait aussi fortement se développer dans les zones Nord. »

La concurrence de l’Est

En termes de production de semences, la filière ne compte pas non plus se reposer sur ses lauriers. « La France est le premier producteur européen et le premier exportateur mondial de semences de maïs, souligne Valérie Brochet, directrice de la FNPSMS, Fédération nationale des agriculteurs multiplicateurs de semences. Mais la concurrence des pays de l’Est appartenant à l’UE, d’Ukraine et de Russie qui s’accroît, la qualité de leurs semences et de leurs outils de production qui s’améliore, les surfaces de maïs grain et de maïs fourrage en Europe de l’Ouest qui baissent… constituent autant d’aléas qu’il convient de maîtriser pour conserver notre statut de leader. » Consciente qu’aucune position n’est acquise, la filière semences de maïs travaille au quotidien pour rester compétitive. Parmi les travaux menés par l’interprofession, l’image de la filière et de la qualité de sa production constitue une priorité. La filière française de semences de maïs a pour cela décidé de communiquer sur l’excellence de ses semences avec le lancement de la marque « Maize in France » (lire p. 37).

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