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Pourquoi une telle suprématie des variétés de blés panifiables ?

Assurément, il existe une inadéquation entre la sole de blé cultivée et les différents débouchés visés. L’ultra-domination des variétés panifiables pose question.

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1L’inscription variétale orientée

Incontestablement, sous l’influence de la meunerie, le poids attribué au test de panification et à l’alvéographe de Chopin dans le processus d’inscription variétale a historiquement favorisé des blés panifiables, convenant parfaitement à la panification à la française. Or la meunerie française ne représente plus que 11 % des débouchés du blé français, voire 7,5 % pour la seule panification, quasiment la même part que le blé fourrager vendu au Benelux ! « On peut quand même englober dans les débouchés meuniers l’amidonnerie et une grande partie de l’export », nuance Benoît Méléard, responsable du pôle qualité technologique chez Arvalis. Des variétés non panifiables peuvent toutefois être inscrites au CTPS et classées BAU, à condition qu’elles soient très productives, à 107 % minimum des références du moment.

2Les OS ne jurent que par les BPS

Cette suprématie des variétés panifiables n’est pas que dans l’évaluation, mais aussi dans le référencement par les OS. « Les BAU, même les BP, sont un peu blacklistés par les services agronomiques des OS alors que les BPS rassurent tout le monde », constate Florent Cornut, responsable développement à Secobra Recherches. Depuis 2013, aucun BAU ne s’est placé dans le top 10 des variétés cultivées. Les OS peinent en effet à référencer les blés BAU, dans une logique sécuritaire : qui peut le plus peut le moins. Ce sont donc massivement des BP ou BPS, dégradés ou non, qui partent en alimentation animale, en France et à l’export, ou pour les biocarburants.

3Un argument à l’export

« Ce décalage devient une préoccupation, confirme Guillaume Van de Velde, directeur de l’union Cérémis, à l’interface entre les OS et les acheteurs, mais il ne faut pas non plus cracher dans la soupe », tempère-t-il en indiquant que cette dynamique BPS a permis d’élever le niveau, et l’image, du tas moyen français. Et pendant longtemps, tout le monde s’en est félicité. « Bien sûr, nous utilisons l’argument de la prédominance de variétés BPS dans les actions de promotion collective à l’export, indique François Gatel, directeur de France export céréales, mais il n’est pas absolu : les opérateurs, déjà, sont divers, et surtout ont des attentes sur d’autres critères (protéines, force boulangère, Hagberg…). Cette notion de BPS ne leur parle pas. »

Ceci dit, la filière serait-elle prête à afficher moins de BPS ? « Pourquoi pas si, d’une part, on dispose de blés meuniers pas forcément BPS mais entre 12 et 12,5 % de protéines, 25 % de gluten humide et, d’autre part, de blés fourragers compétitifs pour le marché intracommunautaire aptes à concurrencer les maïs d’importation », avance François Gatel. Le risque est en effet de se priver d’une génétique de qualité fourragère, performante en rendement, dotée d’avantages agri-environnementaux, et qui aurait des débouchés sûrs.

4Pris dans un schéma de pensée

Pour résumer, on voit, d’une part, des obtenteurs qui s’abstiennent de rechercher des variétés très productives qui pourraient être classées BAU de peur de ne pas trouver preneur. Et, d’autre part, des OS qui veulent être certains que leurs blés aient un débouché, et donc ne sont pas encore réceptifs à ce discours. C’est le serpent qui se mord la queue. « On pourrait peut-être étudier à réserver 10 à 20 % de notre collecte à des BAU. Mais pas au-delà, au risque de dégrader notre tas moyen », avertit Guillaume Van de Velde. Sans compter les contraintes d’allotement. « Attention à une éventuelle régionalisation des classes de blé, ajoute Benoît Méléard. Il est sécurisant de disposer de blés panifiables partout en France pour faire face aux aléas climatiques. »

Renaud Fourreaux

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