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Vu en Suisse La Fenaco fait face à l’opinion publique

C. Dequidt

La Fenaco, en Suisse, l’une des principales coopératives européennes, s’engage à répondre au défi de l’utilisation des intrants chimiques. Une tâche ardue dans un climat parfois délétère.

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Dans l’agriculture suisse, la Fenaco est une institution. Issue de la fusion en 1993 de six coopératives locales plus que centenaires, réparties de façon homogène sur le territoire, elle a gardé un caractère local avec des implantations dans tous les pays. Son organisation est originale, semblable aux grandes coopératives allemandes ou espagnoles, avec 174 petites coops de 1er niveau proches des agriculteurs appelées Landis, regroupées en une nationale dite de 2e niveau. Celle-ci affiche près de 7 Mds€ de CA, une activité internationale et 80 filiales, en partie sous forme SA. Dans chacune des régions, elle a gardé le siège de la Landi et regroupé son administration centrale à Berne. Le conseil d’administration est composé de 19 membres avec cinq non-agriculteurs, dont deux experts. 43 000 suisses sont porteurs de parts sociales, dont 23 000 sont paysans.

Quatre axes stratégiques

Fruit de coopératives d’appro et de commerce de proximité, la Fenaco s’est rapidement diversifiée avec le concept « de la terre à la table ». Elle a défini quatre axes stratégiques : l’agriculture, l’énergie, l’agroalimentaire et le commerce local. « En agri, notre position est clairement un leadership affirmé avec près de 80 % du marché, se félicite Michael Feitknecht, chef du département production végétale. Un positionnement bien différent pour le commerce de détail avec 10 % pour l’alimentaire et 25 % pour le non-food, et dans l’agroalimentaire, quelques parts significatives mais comment lutter contre des géants comme Nestlé, Danone, Cargill… Enfin, pour l’énergie, le groupe dispose de plus de 400 stations-service, livre du fuel ou des pellets de bois et des panneaux solaires. La coopérative souhaite développer rapidement l’hydrogène dont dispose déjà l’une des deux stations en Suisse. »

Les phytos au cœur des débats

« La question de poursuivre la vente des pesticides et autres produits phytosanitaires dans le climat délétère que connaît la Suisse s’est clairement posée », reconnaît Michael. Peu représentatif avec moins de 1 % de CA, encore moins en marge, la Fenaco en propose encore la vente. « Ce n’est pas le volume d’affaires qui nous fait poursuivre cette activité, mais bien l’impact de la non-création de valeur dans les filières, estimée elle à 40 %, plaide-t-il. Une année sans raisin, sans pommes ou sans pommes de terre, par exemple, c’est l’ensemble des acteurs qui se retrouvent en difficulté : agriculteurs, coopératives, industries agroalimentaires et magasins. » C’est ce discours qu’a développé la Fenaco auprès des citoyens et des consommateurs helvètes lors de la votation du 13 juin dernier sur le choix de l’utilisation ou non de produits phytos en Suisse (lire l’encadré). « Bienheureusement, ils ont entendu le message », sourit Michael. Avec cette victoire, la coop se retrouve aujourd’hui en première ligne dans le débat et mesure toute sa responsabilité pour l’avenir. Et côté agriculture bio, elle ne développe pas de programme spécifique, mais répond à la demande.

Après avoir été pendant des années simple revendeur de produits chimiques, depuis trois ans, la Fenaco a regroupé ses services agronomie et produits de biocontrôle pour créer sa propre marque. Agroline favorise ainsi la production durable. Afin de répondre aux exigences sociétales, le concept combine un service de conseil compétent et des produits innovants pour apporter des solutions durables en matière de protection des plantes, conduisant à la réduction sensible des produits phytos. Et Bioprotect prépare à toutes les solutions innovantes qu’il faudra développer lorsque le glyphosate sera interdit. « Cela va arriver un jour, nous serons prêts », prévient Michael. L’expérience récente de la votation le conforte dans ce sens puisque le gouvernement s’est engagé à baisser l’usage de ce produit de 50 % d’ici trois ans, pour aller sans doute vers une interdiction totale ou très limitée. Michael est fier du travail accompli dans Agroline avec la mise en place du désherbage électrique, l’élevage d’auxiliaires, la mise en service du premier système à vapeur, en Suisse, pour le traitement des semences ou l’utilisation des champignons comme phytosanitaires. Des accords, des prises de participation sont ainsi passés partout en Europe avec des start-up pour développer ces pratiques vertueuses.

Ouvrir le champ des compétences

En 2020, la Fenaco a également investi dans un projet d’agriculture urbaine avec la société Yasia, spécialisée dans le domaine. « Il ne s’agit pas pour nous de devenir des acteurs nationaux ou internationaux, mais bien, à travers cette expérience, de connaître ce nouveau marché pour pouvoir le cas échéant en faire part à nos adhérents et les aider si nous le jugeons nécessaire », précise Michael. C’est toujours ainsi que la coopérative fonctionne.

Il en est de même sur le volet international. Depuis quatre ans, la Fenaco a décidé de passer les frontières. Dans les céréales, indispensables aux meuneries et usines d’aliments du bétail, la coop a créé des partenariats avec des producteurs locaux à l’est, en Roumanie, République tchèque ou encore Hongrie. En aucun cas elle n’achète de la terre pour produire elle-même, mais elle bénéficie du savoir-faire des agriculteurs locaux. Elle a aussi racheté le plus ancien concessionnaire de matériel agricole Class, en France, les Ets Doucet Matelin, afin de mieux comprendre ce marché. « Cette concession vend plus de tracteurs à elle seule que nous sur notre territoire national et nous fournit un vivier de matériels d’occasion important à destination de nos adhérents », se félicite Michael. Avant de préciser : « Ce que nous cherchons, ce n’est pas à nous implanter et créer une filiale qui se consolidera dans le pays choisi, comme le fait la Baywa. Nous, nous allons chercher de la compétence. »

Christophe Dequidt

© C. DEQUIDT - Du fruit aux consommateurs, Ramseier SA, filiale de la Fenaco, produit des jus de fruits, des boissons sucrées, de l’eau minérale, des sirops et de la bière.

© C. DEQUIDT - Pour Michael Feitknecht, membre de la direction, préparer la sortie du glyphosate est impératif.

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