Stimuler l’évaluation des biostimulants

Evaluer l’efficacité des produits inspirés du vivant comme les biostimulants est sans doute l’un des plus grands défis de la transition attendue vers l’agroécologie. La difficulté est notamment liée au fait qu’ils produisent des effets non pas directement sur un problème, mais de façon indirecte par des interactions dans les sols ou la plante. L’évaluation de ces biosolutions relève donc bien d’un « grand défi (1) », pour reprendre le terme du programme de recherche national dont le pilotage a été confié à l’association biocontrôle et biostimulation pour l’agroécologie (Abba).

1 Changer de carte mentale

« Avec les biostimulants, on ne remplace pas un produit par un autre, insiste Delphine Paul-Dauphin, directrice de l’Abba. On doit trouver d’autres chemins. Et les mentalités doivent évoluer sur ce point. Le critère d’efficacité par la seule mesure du rendement mérite également d’être questionné. » « L’approche combinatoire est essentielle, confirme Geoffroy Moulin, secrétaire de l’Abba et responsable Bioteam de Staphyt, prestataire dans la mise en place d’essais en recherches agronomiques. On doit privilégier l’évaluation des biostimulants de façon globale au sein d’itinéraires techniques. »

2 Plus de variables à intégrer

Évaluer les produits dans leur contexte d’application « comme chez l’agriculteur » pose rapidement la question de la répétabilité des essais. Un agriculteur du nord de la France n’intégrera pas le produit de la même manière qu’un producteur de la plaine du Pô en Italie. « Dans les essais, il y a beaucoup plus de variables à prendre en compte. Cela signifie qu’il faut collecter correctement toutes ces données. Nous avons besoin aussi de réaliser plus d’essais et de bien diversifier les situations. Ceci tout en standardisant les procédures », souligne Florence Picault, responsable des essais biostimulants au sein de Staphyt.

3 Essais en bandes

« L’utilisation des microparcelles peut ainsi nécessiter davantage de répétitions, quatre, huit ou seize, complète la responsable. Une autre tendance qui semblerait à privilégier est celle de travailler en grandes bandes. » « C’est la clé ! confirme pour sa part Francis Bucaille, cofondateur du fabricant de biostimulants Gaïago. Les processus vivants sont mobiles et diffus, y compris dans les sols ou dans l’air. Il est illusoire d’espérer les confiner sur des microparcelles. » Pour éviter les biais liés à l’hétérogénéité du sol dans le placement des bandes d’essais, il préconise de recourir aux outils de cartographie du type BeApi.

4 Adapter les protocoles

Pour prendre en compte la diversité des solutions proposées, l’enjeu est aussi d’adapter ses approches. Inoxatech a par exemple mis en place, depuis l’automne 2022, un fonctionnement par modules. « Ainsi, nous testons avec des protocoles différenciés les formules à base d’acides aminés, d’algues, de glycine bétaïne, de silice, d’extraits végétaux… », énumère Paul Gauthier, le coordinateur technique et marketing d’Inoxa.

5 Une logique collaborative

« Le grand défi est aussi de pouvoir mutualiser les efforts, plaide Delphine Paul-Dauphin. Sans quoi on risque de reproduire ce qui a été fait par le passé. On a besoin de mettre en commun des ressources et de mélanger les corps de métiers. Il y a une nécessité et une forme d’urgence à travailler ensemble, vu les enjeux pour l’environnement », complète-t-elle comme un appel du pied à la distribution agricole.