Pas d’adoption sans formation
Nos intervenants sont unanimes : pour déployer les biosolutions, il faut former aussi bien les agriculteurs que les TC à leur utilisation. Mais le chemin reste encore long.
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« Moins on est accompagné, plus on se retranche dans ce que l’on connaît », analyse Marie-Emmanuelle Saint-Macary, formatrice indépendante et directrice scientifique chez Frayssinet. Et les chiffres le confirment, le manque de connaissances figure au quatrième rang des freins cités par les agriculteurs pour l’usage des biosolutions. Pourtant, lorsqu’on leur demande s’ils ressentent le besoin d’être formés, seuls 41 % répondent positivement. Ce taux monte toutefois à 60 % chez les utilisateurs réguliers et à 64 % chez ceux qui les emploient occasionnellement. Les besoins sont davantage marqués dans le Nord-Est (52 %) et dans les exploitations de 100 à 149 ha (53 %). Une perception en deçà de la réalité, selon Julien David, d’EMC2 : « Les agriculteurs interrogés me paraissent un peu timides quant au besoin de formation. Je ressens qu’il est beaucoup plus important que ce qu’ils déclarent. »
Monter en compétences
Alors pour les faire monter à bord, les distributeurs passent par des dispositifs maison : animations, journées techniques ou réunions agriculteurs. « Les biosolutions sont abordées lors de ces rassemblements, mais des formations de 3 heures sur les biostimulants, par exemple, peuvent être faites à la demande de groupes, explique Julien David. Pour l’instant, ces formations reposent surtout sur l’expérience interne : nos essais, nos observations, notre compréhension des mécanismes et des produits. » Même approche au sein du groupe Perret qui privilégie des réunions ciblées par filiale et stade phénologique. « C’est l’occasion d’aborder les problématiques actuelles, les essais en cours pour y répondre et de parler physiologie de la plante, sol, etc. Au-delà de la sensibilisation, c’est un temps de formation », souligne Romain Careghi.
Mais pour que les biosolutions trouvent leur place sur le terrain, conseillers et techniciens doivent eux aussi disposer d’un socle solide de connaissances et être capables d’adopter une approche holistique des systèmes agricoles. « Il y a une perte importante du niveau agronomique dans le métier », déplore Thibault Poisot, chez Actura. Un déficit que reconnaît Julien David : « Le niveau de compétences, en tout cas le mien, n’est pas à hauteur de l’enjeu. S’il y a des spécialistes en physiologie végétale, ce n’est pas pour rien, c’est très complexe. » D’autant plus que les distributeurs doivent composer avec le renouvellement des équipes. « Il y a un turn-over accéléré des TC dans certaines régions, témoigne Kévin Larrue, chez Océalia. Nous sommes en train de remettre en place un programme de formations dans lesquels seront intégrées les biosolutions. »
Jouer collectif
Et pour faire monter en compétence les équipes terrains, à chacun sa recette. Pour sa part, le groupe Perret a développé un programme destiné aux nouveaux arrivants. Les biostimulants y sont traités via quatre modules : fertilisation et biostimulants du sol, implantation et biostimulation racinaires, gestion des stress climatiques, et phytothérapie. Les produits de biocontrôle, eux, sont intégrés dans le module protection des cultures.
Ces formations servent aussi de piqûres de rappel aux TC expérimentés qui le souhaitent. « Elles évoluent avec le marché et permettent d’approfondir de nouvelles notions, comme cela a été le cas avec le fractionnement de la matière organique ou le potentiel redox. Pour les nouveaux concepts, nous faisons appel à des intervenants externes », précise Romain Careghi. Et pour rester à niveau, les TC expérimentés, eux, participent à des comités de culture tout au long de la campagne.
De son côté, EMC2 mise sur des partenaires académiques. Avec l’Ensaia, la coopérative mène un projet de thèse sur les catalyseurs du cycle de l’azote dans la plante et sur des souches de biostimulants bactériens. « Les enseignants-chercheurs qui nous encadrent nous apportent également des compétences en physiologie végétale et biologie des sols », souligne Julien David. L’école est également à l’origine de la chaire Bio4Solutions, créée en 2020 en partenariat avec Lorca, BASF, Agrauxine et Plant Advanced Technologies. Lorca a ainsi formé son équipe de 20 TC aux alternatives naturelles de produits phytos. Et si les initiatives sont là, reste à les démultiplier pour couvrir l’ensemble des acteurs. Mais pour Marie-Emmanuelle Saint-Macary, la feuille de route est claire : « Il existe des systèmes performants en grandes cultures, en vigne et ailleurs. On sait vers où aller. Maintenant, il faut accompagner, former et conseiller pour que ces solutions prennent pleinement leur place dans les itinéraires techniques. »
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